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étoit alors en France, qu'elle a été agréée par le Pape Clément IX. & par Clément X. fon fucceffeur, & il donne des preuves de tous ces faits. Enfin il repréfente au Pape que fa confcience ne lui permet plus de tenir fecrettes toutes les piéces de la paix conclue en 1668. comme les IV. Evêques avoient cru devoir le faire pour le maintien de ladite paix, parce que c'est ce filence même qui donne lieu maintenant aux ennemis de cette paix de l'attaquer & de vouloir la détruire à quelque prix que ce foit. Il dit à S. S. qu'il prend la liberté de lui envoyer toutes ces piéces avant que de les rendre bliques.

pu

M. l'Evêque d'Alet écrivit auffi au Pape dans le même efprit; & les Brefs pleins d'éloges que S. S. adressa à ces deux Prélats en réponse ne marquent point qu'elle ait défapprouvé rien dans leurs lettres. Elle leur dit feulement qu'elle prendra connoiffance de toute cette affaire. Or il eft de la notoriété publique qu'Innocent XI. n'a jamais rien fait contre la paix telle que ces deux Evêques la lui ont représentée, & que c'eft même ce qui donna lieu en France dans une occafion particuliere de faire paffer ce Pape pour Janfénifte. J'ajouterai pour finir ce récit à la fatisfaction des Lecteurs qui s'y intéreffent , que fous Innocent XII. en 1693. M. Hennebel, député de l'Univerfité de Louvain à Rome, foutint les principes des quatre Evêques dans plufieurs déclarations qu'il préfenta à la Congrégation du S. Office, fans que les Romains y trouvaffent à redire ; & que le même Pape dans deux Brefs au Clergé de Flandre, l'un de 1694, & l'autre de 1695. ne réalife point l'héréfie des Janfénistes, ne les qualifiant autrement que les prétendus JanTome II,

ment de la

féniftes; qu'il affecte de ne demander la fignature du Formulaire que dans le fens naturel des cinp Propofitions, fans faire mention du fens qu'elles ont dans le Livre, qui eft ce qu'on appelle la queftion de Fait: d'où il réfulte qu'en fignant le Formulaire dans l'efprit de ce Pape, on n'eft cenfé foufcrire qu'au Droit & non au Fait; & c'eft-là le fond de la paix de Clément IX. Enforte que jufqu'à la fameufe Bulle Vineam Domini Sabaoth de 1705. la paix de Clément IX. n'a reçu aucune atteinte du côté de Rome; & ce n'étoit qu'en France qu'elle étoit troublée & inquiétée.

Revenons à nos Religieufes. J'ai dit que XXIII. fans une providence particuliére elles auroient Renouvelle- du s'attendre à quelque tracafferie dans la crife Fertécution à de l'Evêque d'Angers & après l'Arrêt du Camp P. R. Vifite de Ninove. On ne leur dit mot cependant, & d'un Grand elles en eurent l'obligation, comme je l'ai obVicaire.

fervé, à la protection que Dieu leur fit trouver dans la Princeffe que j'ai nommée. Auffi dès qu'elle n'y fut plus, l'orage commença à gronder. La Ducheffe de Longueville mourut au mois d'Avril de cette année 1679, Le 9. Mai fuivant le Vice-gerent de l'Officialité, l'Abbé Fromageau, arriva à P. R, accompa gné d'un autre Eccléfiaftique nommé l'Abbé de faint Jean. Il demanda la Mere Abbeffe. 11 lui dit qu'il venoit de la part de M. l'Archevêque pour affurer les Religieufes de la bonne volonté qu'il avoit toujours pour elles, & pour s'informer par ordre du Roi de l'état actuel de la maifon. L'Abbefle lui répondit qu'il y avoit 72. Religieufes de chœur, 20. Conyer fes & 42. penfionna es. Enfuite le Vice-gerent, pour amufer le tapis, s'étendit beaucoup fur la qualité du pays qui paroiffoit un

défert affreux, fur l'austérité de la vie qu'on y menoit, fur l'excellente éducation qu'on y don noit aux enfans dont il citoit pour exemple la jeune Demoiselle Bignon. Il parla enfuite du grand nombre d'Eccléfiaftiques qui étoient raffemblés à P. R. La Mere lui répondit qu'on en groffiffoit extrêmement le nombre dans le public, & qu'elle n'y en avoit jamais vu que cinq ou fix réfidens. Il reprit & dit qu'il parloit de tant de gens de mérite, Eccléfiaftiques ou Laïques, qui étoient dans la Maison. La Mere répliqua qu'elle ne fçavoit rien du tout de ce qu'il avançoit qu'elle n'avoit jamais connu qu'un Laique qu'on pût mettre de ce nombre, qui étoit M. le Maître, & que les Eccléfiaftiques Théologiens dont il vouloit parler ne demeuroient point au Monastére. Elle lui demanda alors s'il étoit permis de s'informer quel étoit le but de cette vifite & de toutes ces enquêtes. Le Vice-gerent répondit. qu'il n'en fçavoit pas plus qu'elle, qu'au refte fous un gouvernement aufli doux & auffi pacifique que celui de M. l'Archevêque & fous un regne auffi équitable & auffi modéré que, celui du Roi, elles n'avoient rien à craindre. Tout le refte de l'entretien se paffa en complimens, en éloges de la maifon, en protestations d'eftime & de bonne volonté pour le Monaftére.

On ne douta nullement que ceci ne pronoftiquât quelque chofe de fâcheux. Le foupçon étoit confirmé par la concurrence de trois chofes qui fe rencontrérent dans le même tems. Quatre jours auparavant, M.de Pomponne étoit venu voir M. Arnauld de la part du Roi pour lui dire que fa Majefté n'avoit point été conLente des affemblées qui fe ténoient par le paffé

XXIV.

dai vient à P.

fionnaires.

chez Madame de Longueville, & qu'elle fou haitoit qu'à l'avenir il vécût comme le refte des hommes, voyant indifféremment tout le monde,& qu'il n'affectât point de voir fréquemment certaines perfonnes, parce que cela avoit un air de parti que le Roi n'aimoit point. Dans le même tems l'Intendant du Berri avoit reçu ordre de fe tranfporter à l'Abbaye de S. Ciran, de prendre un état de toutes chofes, comment on y vivoit, combien il y avoit de perfonnes dans la maifon, &c. & d'en rendre compte à la Cour. Enfin le même jour que le Vice-gerent étoit venu à P. R. un homme de l'Archevêché avoit été voir le Curé de S. Benoît à Paris, pour faire des informations sur la manière dont le Monaftére fe comportoit, & l'avertir que M. l'Archevêque fouhaitoit le voir le lendemain. Le Curé fe rendit à l'Archevêché. L'Archevêque fans lui témoigner rien de ce qu'il avoit fait faire à P. R. & que le Curé avoit appris la veille, lui fit précisément les mêmes enquêtes fur P. R. que le Vice-gerent y avoit faites,

Tous ces événemens combinés donnoient lieu à beaucoup de réflexions. Les uns prétenM. de Har- doient que tout cela n'aboutiroità rien : d'auR. & donne tres en jugeoient tout autrement. On ne fut ordre de ren- pas long-tems fans voir un dénouement. Le voier les novi- 17. du mois à cinq heures du matin, les Relices & les pen gieufes reçurent un avis fecret que l'Archevêque devoit venir inceffamment pour faire retirer toutes les penfionnaires; & quatre heures après on fut étonné d'entendre annoncer le Prélat qui venoit d'arriver, & qui étoit entré dans l'Eglife. Il fit appeller M. de Saci, qu'il y apperçut, & le pria d'aller prévenir la Mere Abbeffe fur les ordres de la Cour dont il

étoit porteur & qu'il venoit exécuter. Il expliqua à l'Abbé de quoi il s'agiffoit. Il ne manqua pas d'affaifonner la commiffion de beaucoup d'amitiés, de grands éloges de fa perfonne & de fes ouvrages de piété, mettant grande différence entre lui & fes amis dont il paroiffoit toujours des écrits fur les matiéres contestées. Il ne put fe taire fur une épitaphe qu'il avoit fue dans l'Eglife & qui l'avoit fort furpris, où il étoit marqué que c'étoit un Prêtre qui n'avoit jamais dit la Meffe, que c'étoit-là une des fingularités qui fe remarquoient à P. R. C'étoit l'épitaphe de M. Girouft. M. de Saci fui expliqua la chofe avec fimplicité : il lui que c'étoit un bon Eccléfiaftique qui ayant reçu l'Ordre de prêtrife dans des vues marquées d'ambition, uniquement pour pofféder de gros bénéfices qu'on lui préfentoit, & ayant eu le bonheur auffitôt après fon ordination d'être éclairé fur ce qui regarde la fainteté du Sacerdoce, s'étoit condamné par efprit de religion & de pénitence à ne jamais faire les fonctions de la prêtrife; ce qui n'étoit pas fans exemple dans l'Antiquité. Il ajouta que M. de Péréfixe avoit fçu la chofe, & que bien Join de blamer l'Eccléfiaftique, il l'avoit fort approuvé. L'Archevêque répondit qu'il avoit bien fait de s'abstenir de dire la Meffe pour un tems, mais non pas pour toujours.

dit

Pendant que M. de Saci étoit allé rendre à la Mere Abbeffe ce que lui avoit dit l'Archevêque, celui-ci s'entretint avec M. Racine qu'il fit appeller, l'ayant vu dans l'Eglise à fon arrivée. Il gliffa quelques mots dans la converfation fur le nouveau Décret de Rome qui cenfuroit 65. propofitions de la Morale relachée, & dont les Janféniftes, dit-il, triom

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