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ne put en obtenir que deux, qui furent Simon Rodriguez et François Xavier le premier resta en Portugal, et le second s'embarqua pour les Indes, dont il devint l'apôtre.

Ignace, après avoir triomphé des calomnies par lesquelles on avoit tâché de noircir sa réputation et celle de ses compagnons, présenta au pape Paul III le projet de son institut. Trois cardinaux furent nommés pour l'examiner. Ils le rejetèrent d'abord, dans la pensée que les ordres religieux étoient en trop grand nombre; ils changèrent ensuite d'avis, et sur leur rapport, le pape approuva le nouvel ordre, sous le titre de Compagnie de Jésus, par une bulle datée du 27 Septembre 1540. Ignace en fut élu supérieur général; mais il ne se rendit à ce choix qu'après une longue résistance. Il prit le gouvernement de la compagnie le jour de Pâques de l'année 1541. Il fit sa promesse immédiatement au souverain pontife, et ses compagnons lui firent la leur comme à leur général et à leur chef.

Le nouveau général commença par faire le catéchisme dans l'église de Sainte-Marie de Strata, qui lui fut depuis donnée. Il s'appliquoit encore à diverses autres œuvres de piété et de miséricorde; mais ces saintes occupations ne lui laissoient pas oublier sa société naissante. Il rédigea ses constitutions ou règles, d'après lesquelles chacun devoit se conduire par rapport à sa propre sanctification, à celle du prochain, et à l'éducation de la jeunesse (d). Il ne prescrivit point d'habit particulier à ses religieux; il leur fit porter celui

(d) Il y a en Italie un ordre de religieux spécialement consacré à l'éducation de la jeunesse. Ce sont les clercs réguliers des écoles pies. Ils ont eu pour fondateur Joseph Cazalana, gentilhomme d'Aragon. Voyez sa vie sous le 27 Août.

que les ecclésiastiques portoient de son temps. II ne les assujettit point au chœur, afin qu'ils pussent se livrer uniquement aux fonctions du ministère (e).

Le zèle dont brûloit Ignace pour la gloire de Dieu, lui inspira le projet de ces pieux établissemens dont la ville de Rome lui est redevable. Il fonda une maison pour recevoir les Juifs qui voudroient se convertir, durant le temps qu'on employoit à les instruire, et une autre pour retirer les courtisanes qui désiroient quitter leurs désordres, sans être appelées toutefois à l'état religieux dans le monastère des Repenties. Quelqu'un lui ayant représenté qu'il étoit rare que la conversion de ces sortes de femmes fût sincère, il lui répondit qu'il s'estimeroit très-heureux d'empêcher un seul péché, quelque chose qu'il lui en dût coûter. Il fit encore établir d'autres maisons, la première pour les pauvres orphelins, la seconde pour les jeunes filles que la misère mettoit en danger de perdre leur innocence.

Pendant qu'il s'occupoit dans Rome de toutes ces bonnes œuvres, on lui demandoit de toutes parts des ouvriers formés de sa main. François Xavier, comme nous l'avons dit, fut envoyé aux Indes orientales sous les auspices et la protection de Jean III, roi de Portugal; Jean Nugnez et Louis Gonzalez passèrent dans les royaumes de Fez et de Maroc pour instruire les esclaves chrétiens. En 1547, quatre partirent pour le Congo, en Afrique; quelques années après, treize furent envoyés dans l'Abissinie: du nombre de ces der

(e) Quelques femmes de Flandre et du Piémont s'étant réunies ensemble, firent des vœux sous la règle de saint Ignace, et prirent le nom de Jésuitesses; mais leur institut fut aboli par Urbain VIII, en 1631.

niers étoit Jean Nugnez, que le pape Jules III fit patriarche d'Ethiopie; deux de ses compagnons furent sacrés évêques. Enfin le roi de Portugal demanda plusieurs membres de la même société pour aller annoncer l'évangile aux habitans des pays qu'il possédoit dans l'Amérique méridionale.

Le pape Paul III ayant demandé deux théologiens de la compagnie, qui assistassent en son nom, avec ses légats, au concile qui devoit se tenir à Trente, Ignace choisit Jacques Laynez et Alphonse Salmeron: mais quelque connoissance qu'il eût de leur capacité et de leur vertu, il ne laissa pas de leur donner diverses instructions relatives à la conduite qu'ils devoient tenir; il leur recommanda sur-tout de parler avec modestie et humilité, d'éviter les disputes inutiles, et de s'abstenir d'un vain étalage de savoir. Claude le Jay assista au même concile en qualité de théologien du cardinal Othon, évêque d'Ausbourg. Ferdinand, roi des Romains, crut rendre service à l'église en le nommant évêque de Trieste. Cette nomination remplit l'humble religieux de la plus vive douleur; il écrivit à son général pour le prier de s'employer de toutes ses forces, afin qu'on ne le chargeât pas d'un fardeau si pesant. Ignace fut alarmé lui-même; et comme il craignoit que la promotion aux dignités ecclésiastiques ne fût préjudiciable à sa société naissante, il conjura Ferdinand, dans une lettre aussi pressante que respectueuse, de se désister de sa nomination, et de procéder à une autre. Le prince, touché de ces raisons, lui accorda ce qu'il demandoit. Il fit valoir les mêmes raisons auprès du pape et du sacré collége, dans le dessein d'obtenir que tous les Pères de la société fussent exclus des dignités ecclésiastiques; il représenta sur-tout que c'étoit le

plus sûr moyen de conserver parmi eux l'esprit d'humilité et de pauvreté, qui étoit l'ame de leur état; et que d'ailleurs, étant missionnaires, il seroit bien plus utile à l'église qu'ils estassent toute leur vie simples religieux, parce qu'alors ils seroient prêts à voler d'un bout du monde à l'autre quand la gloire de Dieu l'exigeroit. Ayant obtenu ce qu'il sollicitoit, il obligea les Jésuites (f) profès à s'engager, par un vœu simple, à ne jamais rechercher les dignités ecclésiastiques, et même à les refuser quand on les leur offriroit, à moins que le pape ne les forçât de les accepter.

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Ce fut en 1546 que les Jésuites commencèrent à enseigner dans l'Europe, et François Borgia que l'église a depuis honoré comme Saint, leur fit bâtir à Gandie le premier collége qu'ils aient eu, en y attachant les priviléges dont jouissent les universités. Nous avons dit en Europe, car l'année précédente ils avoient été mis en possession du séminaire de Goa, fondé par Jean III, roi de Portugal, et avoient commencé à y enseigner les principes de la langue latine à la jeunesse indienne. Le second college qu'ils eurent en Europe fut celui de Coïmbre, dont la fondation est aussi de l'année 1546. Cet établissement, ainsi que plusieurs autres semblables, tant en Portugal que dans l'Espagne et au Brésil, fut conduit et dirigé par le P. Simon Rodriguez qui mourut à Lisbonne, en 1579, avec une grande réputation de science et de sainteté.

Entre autres règles qu'Ignace prescrivit à ceux qui enseignoient dans les colléges, il leur ordonna de s'appliquer sur-tout à donner des leçons de piété, de modestie et d'humilité; de faire enten

(f) Ils furent ainsi nommés de l'église de Jesus, qu'on leur donna dans Rome.

dre tous les jours la messe à leurs écoliers; de les obliger à se confesser chaque mois; de commencer toujours leurs exercices publics par la prière; de saisir toutes les occasions d'inspirer l'amour des biens célestes à ceux qui fréquenteroient leurs classes; d'avoir recours à la méditation, aux pieuses lectures, et à d'autres semblables pratiques de religion, pour ne pas laisser éteindre en eux-mêmes l'esprit de ferveur et de recueillement. Il leur recommanda de se conduire tellement, qu'eux et leurs écoliers ne fissent rien que pour la plus grande gloire de Dieu. Il traitoit fort durement ceux qu'il voyoit enflés de leurs connoissances, et moins fidèles qu'auparavant aux exercices de la religion. Il ôtoit l'enseignement à ceux dans lesquels il découvroit du penchant pour les opinions singulières. Il prit aussi diverses mesures pour procurer l'avancement des maîtres, et pour exciter l'émulation parmi les écoliers.

Dans l'intérieur de sa compagnie, il recommanda à tous, et principalement à ceux qui étoient chargés de la conduite des novices, les conférences, la lecture des vies et des écrits des Pères du désert, ainsi que des autres ouvrages ascétiques qui pouvoient les faire tendre à la perfection. On peut juger des succès qu'eut cet avis, du moins relativement à plusieurs de ses enfans, par le livre du P. Alphonse Rodriguez, intitulé: Pratique de la perfection chrétienne. On y trouve un recueil des plus belles maximes des anciens moines, présentées d'une manière claire et méthodique (g), Rodriguez ne fut pas le seul des

(g) Nous avons plusieurs traductions françaises de cet excellent ouvrage. La plus estimée, tant pour la fidélité que pour l'élégance, est celle de M. l'abbé Regnier Des

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