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opposer au pouvoir arbitraire les barrieres nelles fixées par la justice, n'empruntera d'ancune autre nation des maximes de prudence et de précaution politique, et il dira à ces législateurs imprudents, qu'il ne reconnaîtra pas comme lois les artifices de l'intrigue et les ordres de la tyrannie.

"Animés par cet instinct généreux, et enflammés de l'indignation qu'excitait en vous l'invasion perfide de votre patrie, vous courûtes aux armes, sans craindre les chances terribles d'une lutte aussi inégale; la fortune subjuguée par votre enthousiasme vous rendit hommage, et pour prix de votre valeur, vous accorda la victoire. L'effet immédiat de ces premiers avantages fut de récomposer l'Etat, divisé, à cette époque, en autant de factions que de provinces. Nos ennemis crurent avoir semé au milieu de nous le germe de l'anarchie, et ils ne songerent pas que le jugement et la circonspection des Espagnols l'emportent toujours sur le machiavélisme français. Une autorité suprême s'établit sans dispute, sans violence, et le peuple espagnol, après avoir étonné l'univers par le spectacle de son enthousiasme et de ses victoires, le remplit d'admiration par sa modération et sa prudence.

"La Junte Suprême fut installée, et son premier soin fut de vous annoncer que, si son premier but était d'expulser l'ennemi, elle faisait de la félicité intérieure et permanente de l'état, l'objet le plus important de son attention. Souffrir qu'il eût été précipité dans le torrent des abus préparés pour sa ruine par un pouvoir arbitraire, eût paru aux yeux de votre gouvernement actuel, un crime aussi énorme que de vous livrer entre les mains de Buonaparté. C'est pourquoi, dès que le fracas de la guerre l'eût permis, la Junte fit retentir à vos oreilles le nom de vos Cortez qui ont toujours été pour nous le rempart de la liberté civile et le trône de la Majesté nationale: nom jusqu'à présent pro

noncé avec mystere par les savants, avec méfiance par les politiques, et avec horreur par les tyrans : mais qui désormais signifiera en Espagne la base indestructible de la monarchie, le plus solide soutien des droits de Ferdinand VII et de sa famille, le droit du peuple et le devoir du gouvernement.

"La résistance morale, aussi universelle que sublime, qui, au milieu de leurs victoires, a couvert nos ennemis de confusion et les a réduits au désespoir, ne recevra pas une moindre récompense. Ces batailles perdues-ces armées détruites, créant de nouvelles batailles et de nouvelles armées, et déployant de nouveau l'étendard de la loyauté sur les cendres et les ruines que les ennemis abandonnentces soldats qui, dispersés dans une action, reviennent s'offrir pour en engager une autre-ce peuple qui, dépouillé de presque tout ce qu'il possédait, retourne à ses habitations pour partager les restes misérables de ses propriétés avec les défenseurs de la patrie-ce concert de gémissements lamentables et de chants patriotiques-cette lutte, enfiu, de la férocité et de la barbarie d'une part, de la résistance et d'une constance inébranlable de l'autre, présentent un terrible et magnifique spectacle, que l'Europe contemple avec étonnement, et que l'histoire un jour écrira en lettres d'or pour l'admiration et l'exemple de la postérité.

"Un peuple aussi magnanime et aussi généreux ne doit être gouverné que par des lois qui soient revêtues du grand caractere que leur donnent le consentement de la nation et l'utilité publique, caractere qu'elles ne peuvent recevoir qu'en émanant de l'auguste assemblée qui vous a été annoncée. La Junta avait proposé qu'elle se tînt pendant tout le cours de l'année suivante, ou plus long-temps, si les circonstances le permettaient; mais depuis que cette résolution a été prise, divers événements publics ont agité l'esprit du peuple; la différence des opinions relatives à l'organisation du gouvernement et au ré

tablissement de nos lois fondamentales, a attiré de nouveau vers ces objets importants l'attention de la Junta, qui s'en est depuis quelque temps profondément occupée.

D'une part, on a recommandé que le gouvernement actuel fût changé en une Régence de trois ou de cinq personnes, et on a représenté cette opinion comme étant justifiée par une de nos anciennes lois, applicable à notre situation présente. Mais la situation dans laquelle s'est trouvé le royaume quand les Français eurent levé le masque qui couvrait leur feinte amitié pour exécuter leur atroce usurpation, est unique dans notre histoire, et ne peut avoir été prévue dans nos institutions. Ni l'enfance, ni la démence, ni même la captivité du Prince, qui donnent ordinairement lieu à ces malheurs, ne peuvent être comparés à notre état présent et à la situation déplorable où il nous a plongés. Une position politique entierement nouvelle demande pareillement des formes et des principes politiques entierement nouveaux. Chasser les Français, remettre en liberté et sur le trône notre Roi bien-aimé, et poser les bases solides et permanentes d'un bon gouvernement: telles sont les maximes qui ont donné naissance à notre révolution, qui la soutiennent et la dirigent; le meilleur gouvernement sera donc celui par lequel ces trois vœux de la nation espagnole auront leur accomplissement.

"La régence dont cette loi parle, nous donnet-elle cette assurance? Que d'inconvénients, que de dangers, que de divisions, que de partis, que de prétentions ambitieuses dans l'intérieur et hors du royaume! Ce serait alors que le mécontentement de nos colonies d'Amérique, actuellement appelées à avoir part au gouvernement présent, serait fondée. Que deviendraient nos Cortez, notre liberté, la perspective flatteuse que nous avons à présent sous les yeux, de notre gloire et de notre bonheur futurs? Que de

viendrait l'objet le plus précieux et le plus sacré pour la nation espagnole, la conservation des droits de Ferdinand? Les fauteurs de cette institution doivent frémir de l'étendue du danger auquel ils les exposeraient, et songer que par elle ils fourniraient au tyran une nouvelle occasion de les vendre et de les acheter. Fléchissons avec respect le genou devant l'antiquité vénérable de la loi, mais profitons de l'expérience des siecles. Ouvrons nos annales et parcourons l'histoire de nos Régences. Qu'y trouverons-nous? Un tableau aussi triste qu'effroyable de désolation, de guerres civiles, de rapine et de dépravation, dans la malheureuse Castille.

"Il n'est pas douteux que dans les grands états le pouvoir ne soit exercé plus avantageusement par un petit nombre de personnes que par un grand. Le secret dans les délibérations, l'unité dans les sentiments, l'activité dans les mesures, et la célérité dans l'exécution, sont nécessaires à l'heureux succès des actes du gouvernement, et n'appartiennent qu'à une autorité concentrée. C'est pourquoi la Suprême Junta vient de concentrer la sienne avec cette circonspection prudente qui n'expose point l'état aux vacillations qu'entraîne tout changement dans l'administration, et n'affecte point essentiellement l'unité du corps à qui l'autorité est confiée. A l'avenir, une section composée de membres amovibles, sera spécialement revêtue de l'autorité nécessaire pour diriger les mesures du Pouvoir Exécutif, qui par leur nature demandent le secret, l'énergie et la célérité.

"Une autre opinion contraire à la Régence s'oppose également à toute innovation qu'on essayerait de faire dans la forme actuelle du gouvernement et à la convocation projetée des Cortez, comme une représentation insuffisante, s'ils sont constitués suivant les formalités ancienes; comme une mesure mal-concertée, et peut-être hasardeuse, eu égard aux

eirconstances présentes; enfin, comme inutile, puisque cette opinion prétend que les Juntes supérieures, élues immédiatement par le peuple, sont ses véritable représentants.

"Mais la Junta avait expressément déclaré à la nation que son premier soin dans cet important objet serait de s'occuper du nombre, du mode, et de l'ordre qui paraîtraient les plus convenables, dans la situation présente des affaires, pour la réunion de cette auguste assemblée; et, d'après cette déclaration, il est tout-à-fait inutile, pour ne pas dire perfide, de soupçonner que les Cortez futurs seront restreints aux formes rigides et exclusives des anciens.

"Oui, Espagnols, vous allez avoir vos Cortez, et la Représentation Nationale s'y trouvera aussi entiere et aussi parfaite qu'elle le peut et le doit être dans une assemblée d'une aussi haute importance et d'une dignité aussi éminente. Vous allez avoir des Cortez, et vous les aurez incessamment, parce que la situation critique où la nation se trouve placée les demande impérieusement; et, à quelle époque, juste Dieu, pourrait-elle adopter cette mesure plus convenablement qu'aujourd'hui quand une guerre opiniâtre a épuisé toutes les ressources ordinaires; quand l'égoïsme des uns et l'ambition des autres affaiblissent et paralysent les efforts du gouvernement par leur opposition ou leur indifférence; quand ils cherchent à déraciner le principe essentiel de la monarchie, qui est l'union; quand l'hydre du fédéralisme, si heureusement réduite à l'impuissance la plus complette, l'année précédente, par la création du pouvoir central, ose encore lever ses têtes hideuses, et s'efforce de nous précipiter dans les horreurs de l'anarchie; quand nos ennemis artificieux épient le moment où nous serons en proie à nos divisions pour élever leur trône sur les ruines qu'elles ne manqueront pas d'accumuler. Aujourd'hui, le temps est venu d'unir en un seul point la dignité et

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