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LUCINDE, à Zerbin.

N'est-ce pas de ces gens qui font des sortiléges?

ZERBIN, à Frosine.

Mais vous ne venez pas pour nous tendre des piéges?

Vous auriez tort; Lucinde et moi

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Nous sommes de si bonne foi!

FROSIN E.

Non: soyez rassurés ; je viens pour vous instruire.

LUCIND E.

Et ce mal, s'il vous plaît, comment l'appelle-t-on ?

FROSINE.

Ecoutez, je vais vous le dire;

Mais ne vous vantez pas de connaître son nom:
C'est l'amour.

LUCINDE ET ZERBIN.

C'est l'amour!

FROSINE.

Oui: ce mot vous fait rire?

ZERBIN.

Nous l'ignorions jusqu'à ce jour.

LUCINDE.

Je voudrais bien savoir ce que c'est que l'amour.

FROSINE.

L'amour est de nos coeurs le tourment et la joie;
Il anime nos yeux, il embellit nos traits;
Par lui le teint fleurit, la grâce se déploie ;
La beauté, quand elle aime, a cent fois plus d'attraits.

ZERBIN.

Ah! je n'en puis douter, car Lucinde est charmante.

FROSIN E.

Un amant ne croit voir que l'objet qui l'enchante.

LUCINDE.

Assurément j'ai de l'amour;

Car je crois voir Zerbin et la nuit et le jour....

FROSIN E.

Mais l'heure m'appelle à l'ouvrage ; Adieu. Si vous voulez en savoir davantage, Retrouvez-vous ici, je m'y rendrai ce soir.

LUCINDE.

Je brûle déjà de vous voir;

Car d'en parler cela soulage.

FROSIN E.

Belle enfant, sois tranquille, et compte sur mes soins

Je guérirai ta maladie.

LUCINDE.

Ma bonne, écoutez donc; je veux être guérie;
Mais non pas tout-à-fait, au moins.

LÉONARD.

MISIS ET DAPHNÉ,

TRADUCTION LIBRE DE LA HUITIEME IDYLLE DE GESSNER.

MISIS.

Il est passé, ce noir orage

Qui dans nos champs répandait la terreur.
Le tonnerre qui gronde et les vents en fureur
Ne font plus de leur bruit retentir ce bocage.
On ne voit plus de rapides éclairs,

Perçant la profondeur d'un funèbre nuage,
En longs sillons de feu serpenter dans les airs.
Viens, Daphné, ne crains rien : déjà dans la prairie
Le jeune Alcimédon ramène ses troupeaux;

Déjà sa voix fait redire aux échos

Le nom cher à son cœur, le doux nom d'Egérie.
Suis-moi; viens contempler l'astre dont le retour
Sur nos champs obscurcis répand l'éclat du jour.

DAPHNÉ.

O mon ami! que la campagne est belle!

De cette onde qui fuit, que le cristal est pur!
Dans les plaines du ciel vois-tu ce bel azur?
Sens-tu dans l'air cette fraîcheur nouvelle?
Les rayons du soleil percent de tous côtés;
Comme il darde sur nous sa flamme étincelante,
Entre l'obscurité tremblante

De ces nuages écartés!

Comme l'air qui les chasse offre à nos yeux sans cesse Un spectacle mouvant d'ombres et de clartés! Comme un rideau léger, vois-tu fuir l'ombre épaisse, Et courir à travers ces vallons humectés?

Vois la lumière ensuite éclairer la richesse

De nos sillous ressuscités.

MISIS.

Qu'à mes yeux comme aux tiens la nature est riante !
Oui, ma chère Daphné, tout charme ici les yeux;
Regarde au loin cette écharpe brillante

Dont le cercle éclatant ceint la voûte des cieux!
Vois sur nos plaines arrosées

Cet arc resplendissant s'étendre et se courber!
Vois ses extrémités tomber

Sur les collines opposées!

De ce vaste tableau que mon œil est flatté!
Et que de ces couleurs l'étonnant assemblage
Du voile épais de ce nuage

Embellit bien l'obscurité !

Ah! sans doute le ciel, par cet heureux présage,
Annonce à nos cantons épargnés par l'orage,
L'abondance, le calme et la sérénité.

DAPHNÉ.

Quel doux parfum la terre exhale!
Que l'air est frais, et que le ciel étale
De diverses beautés un riche assortiment!
Vois ces gouttes de pluie, en perles transformées,
Mêler l'éclat du diamant

Au verdoyant éclat des plantes ranimées.
Remarques-tu ces insectes divers,
Ces papillons brillans, ces abeilles dorées,
Qui, se jouant dans le vague des airs,
Étendent au soleil leurs ailes colorées?
Entends-tu le zéphir soupirer dans ces fleurs?
Comme tout reverdit dans ces vastes contrées!
Nos campagnes désaltérées

Recouvrent du printemps les flatteuses couleurs.
Vois ces saules mouillés étaler leur feuillage
Sur les bords du canal qui baigne ce séjour;
Comme ses eaux réfléchissent l'image
De ce ciel embelli par l'éclat d'un beau jour!

MISIS.

Embrasse-moi, Daphné. Quelle vive allégresse J'éprouve en contemplant les charmes de ces lieux! Qu'autour de moi tout m'intéresse!

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