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CHAPITRE V.

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1529-1533.

La réforme trouve des adhérents dans les Universités. - Premières années de Jean Calvin. Son séjour à Paris. Il commence à connaître les doctrines de la réforme. Son arrivée à Orléans. Il étudie le droit et la théologie. — Il travaille à répandre la réforme à Orléans et à Bourges. - Ses prédications à Lignières. Son retour à - Il est obligé de quitter

Paris.
Paris.

Son premier ouvrage.

Zèle du réformateur.

Le martyre d'un personnage aussi illustre eut un grand retentissement par toute la France. En effet, la lutte généreuse que Louis de Berquin avait osé entreprendre contre les moines, avait été suivie avec le plus vif intérêt par tous ceux qui désiraient voir refleurir les lettres, et réformer les abus de l'Église. Quoique l'issue de ce long combat fût terrible, et que les esprits fussent un moment frappés de terreur, un grand nombre de personnes se rangèrent secrètement sous l'étendard de l'Évangile.

Ce fut, surtout, au sein des Universités que la réforme trouva le plus grand nombre d'adhérents. Celle d'Orléans, que son voisinage de la capitale avait mise de bonne heure en rapport avec les nouvelles idées, comptait déjà, depuis quelque temps, plusieurs amis des doctrines bibliques, et entr'autres, un avocat, connu sous le nom de François Daniel, et un autre personnage, nommé Nicolas Duchemin (Cheminus),

qui tenait dans sa maison, une pension pour les étudiants qui fréquentaient les écoles de cette ville. Mais la circonstance qui contribua le plus à accroître le nombre des sectateurs des doctrines bibliques dans cette cité, fut l'arrivée d'un jeune étudiant de Picardie, dont le nom est devenu trop célèbre, dans l'histoire de la réformation française, pour que nous ne consacrions pas quelques instants à jeter un coup-d'oeil rapide sur la première période de sa vie, peu connue d'ailleurs.

Jean Calvin, né à Noyon 1, le 10 juillet 1509, appartenait à une famille honnête de la bourgeoisie. Son père, Gérard Cauvin, avait quitté de bonne heure, le bourg de Pont-l'Évêque, lieu de sa naissance, pour venir s'établir à Noyon. C'était un homme de sens et fort estimé, et qui était parvenu à occuper successivement les postes de notaire apostolique, de procureur fiscal du comté, de secrétaire de l'évêché et de promoteur du chapitre 2. Ces diverses charges l'avaient mis

1 En la maison où pend à présent l'enseigne du Cerf, rapporte maître Jacques Le Vasseur, dans la partie de ses Annales de l'Eglise cathédrale de Noyon, intitulée : La Calvinographie, chapitre xci, p. 1157.

Le livre de ce personnage, qui était chanoine de l'église cathédrale de Noyon, contient jusqu'à mille trois cent quatre-vingts pages, et a été imprimé à Paris, l'an 1633 et 1634. Il l'a composé, dit-il, afin de satisfaire à la curiosité de ceux qui parlent de Calvin, pour et contre, et dans ce but, il a feuilleté avec une diligence exacte tous les registres de Noyon et toutes les études des Notaires. Cet auteur, et un docteur en théologie, nommé Jacques Desmay, qui a consigné dans un petit livre intitulé: Remarques sur la vie de Jean Calvin, hérésiarque, tirées des registres de Noyon, ville de sa naissance, Rouen, 1657, les recherches qu'il avait faites sur les lieux, en 1614 et 1615, donnent quelques renseignements précieux sur les premières années de Calvin. Voyez : Charles Drelincourt, La Défense de Calvin, etc., Genève, 1668.

2 Le Vasseur, chap. x, p. 1151.

en rapport avec les seigneurs du voisinage qui l'appelaient souvent, à cause de l'habileté qu'il montrait dans les affaires 1.

Sa mère, Jeanne Lefranc, était native de Cambray, et Jean des Vatines 2, chanoine de Noyon, le tint sur les fonts du baptême dans l'église de Sainte-Godeberte 3.

Jean Calvin fut destiné de bonne heure, par son père, à l'état ecclésiastique 4. On ne possède que fort peu de détails sur son enfance. On sait seulement, qu'il fit ses premières classes au collége des Capettes, établi dans la ville de Noyon 5, et qu'il dut à la considération dont son père jouissait généralement d'être élevé avec les enfants de l'illustre maison des Mommor 6, circonstance heureuse qui lui procura le bienfait d'une éducation soignée dès ses plus tendres années. Un membre de cette famille, messire Charles de Hangest, occupait alors le siége épiscopal de Noyon. Il ne fut pas difficile d'obtenir un bénéfice pour le jeune écolier, chez lequel on remarquait sans doute de brillantes dispositions, et, en effet, dès le 21 mai 1521, il reçut, en qualité de chapelain, une portion du revenu de la chapelle de la Gésine, fondée dans l'église cathédrale 7.

↑ Histoire de la Vie et Mort de feu M. Jean Calvin, par Théodore de Bèze, Genève, 1657, p. 8.

2 Bèze, p. 8. Desmay, p. 31.

En parlant de son baptême, Calvin avait coutume de dire: Je renonce le créme et retiens mon baptême, voulant marquer par là qu'il avait retenu tout ce qui était prescrit par l'Evangile, et qu'il avait rejeté avec soin les cérémonies inventées par les hommes. Bèze, Vie de Calvin, p. 8.

Preface de Calvin sur les Psaumes.

5 Desmay, p. 31.

6

Bèze, Vie de Calvin, p. 8. Calv., Præf. in Senecam: ad Claudium. 7 Desmay, p. 32.

En 1523, la peste éclata à Noyon, avec violence. Plusieurs chanoines abandonnèrent la ville, Gérard Cauvin, craignant de voir la contagion atteindre l'enfant sur lequel il fondait de belles espérances, adressa, le 5 août 1523, une requête au chapitre, afin d'obtenir que Jean Calvin, son fils, pût aller où bon lui semblerait durant la peste, sans perdre ses distributions. La demande fut agréée 1. Ce fut alors que Calvin, à peine âgé de quatorze ans, se rendit à Paris 2 pour continuer ses études. Il fréquenta d'abord, avec les jeunes de Mommor, ses anciens condisciples 3, le collége de la Marche, et eut pour premier précepteur Mathurin Cordier, le célèbre grammairien 4. Puis il passa à celui de Montaigu. Dans les premiers temps, il demeura au collége même, sous la direction d'un maître, qui était aussi espagnol d'origine; mais ensuite, et sans doute pour être moins dérangé dans ses études privées, il prit un logement ailleurs, ayant encore pour précepteur un espagnol qui devint depuis docteur en médecine. Ses progrès furent rapides, et au bout de quelques années, il put commencer l'étude de la philosophie 5, Austère dans ses mœurs, observateur rigide des céré-, monies du catholicisme, ses désirs, d'accord avec la volonté de son père, le portaient vers l'étude de la théologie 6, et c'était afin de le mettre mieux à même

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3 Bèze, Vie de Calvin, p. 8. Calvin, Preface des Psaumes.

Calvin lui dédia, plus tard, son Commentaire sur l'Epitre aux Thessaloniciens.

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de satisfaire son goût, qu'on l'avait fait nommer, le 27 septembre 1527, à la cure de Saint-Martin de Marteville, quoiqu'il ne fût que tonsuré 1. Mais, peu de temps après, son père, qui avait de l'ambition, l'arracha à ses études de philosophie, pour lui faire embrasser la carrière du droit, qui lui paraissait devoir le conduire plus promptement à la fortune et aux honneurs. Calvin céda au désir de son père.

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Cependant, depuis quelque temps, une révolution religieuse s'opérait lentement dans l'âme réfléchie du jeune étudiant. Un de ses compatriotes, nommé Pierre Robert Olivétan, son parent et son ami, lui avait fait part des nouvelles convictions qu'il avait puisées luimême dans la lecture des livres saints, ou dans la fréquentation de ceux qui étaient à la tête du mouvement religieux. Ses discours avaient fait une vive impression sur Calvin, et dès-lors, son zèle pour les pratiques superstitieuses de l'Église s'était refroidi, tandis qu'il commençait, comme il nous l'apprend luimême, à avoir quelque goût de la vraye piété 2.

Ce fut avec ces dispositions que Calvin, âgé alors de dix-huit ans, arriva à Orléans, pour y commencer ses études de jurisprudence, sous le célèbre Pierre de l'Étoile, qui enseignait le droit civil à un très-grand auditoire. Si nous en croyons Desmay, ce serait seulement dans cette ville que Calvin aurait commencé à éprouver de l'éloignement pour les doctrines de Rome. Voici ses paroles : « J'ai appris que ce fut à Orléans où il fut premièrement subverty de la foy par un Jacobin

1 Desmay, p. 35.

? Bèze, Vie de Calvin, p. 10. Calvin, Préface des Psaumes.

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