Nous pouvons raisonner de même manière touchant la communion sous les deux espèces. Si elle produit, par la vertu du sacrement, plus de grâce que la communion sous une seule espèce, celui qui se prive de l'une par obéissance, peut se rendre aussi agréable à Dieu, que celui qui les recevrait toutes deux. Et comme l'Eglise a eu de trèsgrandes raison pous ôter l'usage du calice, soit qu'elle ait voulu éviter les inconvénients et les irrévérences qui se commettaient, soit qu'elle ait cru périlleux de le permettre dans un temps auquel cette permission aurait donné occasion à l'erreur; soit encore pour quelques autres raisons qui ne sont pas connues, nous ne saurions être vrais chrétiens et murmurer de ce qu'elle a fait, quelque soif spirituelle que nous ayons de ce divin breuvage. David ayant désiré ardemment de l'eau de la citerne de Bethleem, et trois hommes de cœur s'étant détachés de son armée, sans en AU LECTEUR. rien dire, el ayant percé le camp ennemi pour en aller quérir, ce grand prince refusa ce rafraîchissement, et ne voulut pas boire le sang de ces trois braves hommes, selon la noble expression de l'Ecriture mais il cn fit une offrande à Dieu, Libavit eam Domino 1 (Reg., XXIII). Ceux qui voudraient bien se désaltérer en buvant de la coupe du Seigneur, et qui d'ailleurs considèrent le péril où ils exposeraient la vérité, par les conséquences qu'en tireraient ceux qui n'ont pas encore soumis leur esprit à la foi catholique, font mieux de se contenter de l'usage que l'Eglise fait dans le sacrifice de cette divine liqueur, et libare eam Domino, en attendant, pour en boire à leur aise, et sans hasarder le salut de personne, que la guerre spirituelle que nous avons avec nos frères séparés soit finie, par l'heureuse victoire que la grâce remportera, s'il plaît à Dieu sur eux, en captivant leurs esprits à l'obéissance de la parole de Jésus-Christ. 80008 Les controverses qui sont entre les catholiques et les protestants ont été si éclaircies. depuis quelques années, et tant de grands hommes ont servi l'Eglise et secondé les picuses intentions du roi sur ce sujet, que si les ministres et les docteurs protestants n'avaient pris un soin extraordinaire de cacher à ceux de leur parti les ouvrages des catholiques, et ne les avaient empêchés de les lire, il y a longtemps que tous ceux d'entre eux, à qui Dieu a donné un peu de lumière et de bonne foi, auraient abandonné leur nouvelle et fausse religion. C'est un artifice des ministres protestants, pour couvrir la mauvaise cause qu'ils soutiennent, d'écrire continuellement, comme si l'on ne leur avait rien répondu, afin de faire accroire à ceux qu'ils veulent retenir dans l'erreur, que la doctrine qu'ils tâchent d'imprimer dans leurs esprits est encore dans son entier et n'a jamais été réfutée. Ceux qui ont quelque créance en eux, lisent leurs écrits sans lire les réponses des catholiques, et ils demeurent dans une fausse paix que leur donnent les préjugés qu'ils ont formés dès leur enfance, et dans lesquels ils s'affermissent faute d'éclaircissements. Je sais bien que les pères de l'Eglise ont toujours écrit, tant que les hérésies ont fait du bruit; et les protestants, qui crient sans cesse que nous sommes dans l'erreur, se voudront peut-être parer de leur exemple, en disant qu'ils ne veulent pas laisser les catholiques en repos, jusqu'à ce qu'ils leur aient fait connaître la vérité; et c'est en cela même qu'ils témoignent leur faiblesse et font voir leur mauvaise foi. Les pères combattaient toujours les hérétiques, mais ils ne dissimulaient pas ce que les hérétiques leur opposaient. Ils y répondaient c'est ce que les protestants ne font pas; ou s'ils y répondent, ce n'est que par de froides railleries, en n'attaquant que ce qu'ils croient le moins fort dans les écrits des catholiques et ne faisant pas semblant de s'apercevoir de ce qui les accable. Les catholiques au contraire réfutent ouvertement leurs adversaires, et soutiennent, sans rien dissimuler, la vérité, contre laquelle, selon saint Paul, on ne peut rien (II aux Cor., c. XIII, 8), et c'est celle vérité qui les rend invincibles, parce que Dica, qui est la vérité même, combat pour eux. Les docteurs protestants espèrent encore de pouvoir regagner une parcréance, en leur disant que les théologiens, qui ont travaillé à leur changement, ne leur ont pas parlé sincèrement, et qu'ils on! fardé leur religion pour engager les simples à l'embrasser, et les conduire ensuite dans l'idolâtrie et dans l'impiété. C'est pourquoi l'on a cru qu'il serait fort utile, pour renverser toutes les machines dont se servent ces faux docteurs, de faire un portrait au naturel de la religion chrétienne et catholique, et de l'exposer au pu blic, afin que chacun en reconnaisse les traits. Comme cet ouvrage est fort court, fort clair et fort simple, il sera aisément vu ct entendu de tout le monde. Il ne faut pas que nos adversaires disent qu'il y ait rien de déguisé: on est assuré qu'il n'y a pas un catholique qui ne le reçoive, comme il est conçu, sans hésiter, et n'avoue qu'il comprend la pure doctrine de l'Eglise. On défie le plus babile et le plus raffiné protestant de le faire démentir par aucun de ceux de notre communion, ni d'y trouver un double sens. Il n'est pas naturel de croire qu'on ait séduit tous les catholiques de la terre pour les faire en trer dans un complot de fourberie sur ce sujet; cependant on s'oblige de faire d're anathème par toute l'Eglise romaine à quiconque s'éloignera de ce qui est déclaré dans ce système, comme étant de foi. Par ce moyen on sera d'accord du fait, on verra clair dans nos dogmes, et les protestants ou demi-protestants, qui disent qu'ils ne s'éloigneraient pas de nous s'ils pouvaient prendre confiance en ce qu'on leur déclare être de nos sentiments, et qu'ils ne demeurent séparés que parce qu'ils croient que nos docteurs les trompent, ne pourront plus opposer cette méchante raison, puisqu'on expose à la vue et à la censure de tous les chrétiens la foi de l'Eglise romaine, et que l'on prétend expliquer ce qui est contenu dans ce petit écrit, que dans le sens simple et naturel de toutes les paroles dont il est composé. On sait assez quels fruits a produits l'Exposition de la foi catholique, que M. l'évêque de Meaux a donnée au public. Une lettre pastorale, que l'auteur de ce système publia il y a quelques années, touchant l'honneur et l'invocation des saints, dans laquelle il expliquait nettement la doctrine de l'Eglise, a aussi beaucoup servi à détromper plusieurs, qui n'étaient retenus dans le parti protestant que par la persuasion dans laquelle ils étaient que nous portions le culte des saints jusqu'à l'idolâtrie. Ce système, venant encore comme au secours de ces ouvra ges, pourra contribuer à arracher le reste de la méfiance qu'on a, ou que l'on fait semblant d'avoir de la sincérité des catholiques. On ne se contente pas d'exposer dans ce système la vraie religion dans son sens naturel, on en prouve encore la vérité dans le fond et, comme tout ce qui est controverse entre les catholiques et les protestants est démontré par l'Ecriture, dont on a marqué les endroits à la marge, afin que le lecteur y puisse aisément avoir recours, on croit que c'est le moyen de fermer la bouche à nos contradicteurs, qui ne cessent de publier que les catholiques n'ont pas le respect qui est dû à la parole de Dieu. Il faut qu'ils rougissent eux-mêmes de ce reproche. C'est au contraire aux catholiques à le leur faire, puisqu'on fait voir clairement, en citant l'Ecriture, sur laquelle la doctrine catholique est appuyée, qu'on ne peut s'éloigner de notre foi sans renoncer au fondement sur lequel les protestants font semblant d'être si fort affermis, et duquel néanmoins ils sont si éloignés, qu'il faut qu'ils l'abandonnent en combattant les dogmes des catholiques. LE VRAI SYSTEME DE LA RELIGION CHRÉTIENNE ET CATHOLIQUE. Dieu ayant par sa miséricorde, et par l'adorable profondeur de sa providence, disposé l'esprit du roi à se servir de l'autorité qu'il tient du Ciel pour éteindre l'hérésie dans son royaume, et réunir à l'Eglise ceux de ses sujets qui s'en étaient éloignés, nous ne saurions assez estimer les soins et les ouvrages de tant de grands hommes, qui ont travaillé et travaillent encore incessamment à éclaircir les vérités que l'erreur avait si fort obscurcies dans l'esprit de nos frères séparés. Comme nous ne pouvons assez déplorer le malheur de ceux qui ferment les yeux à des lumières si vives et si brillantes, et qui embarrassent la religion par des sophismes volontaires, je les appelle ainsi, parce qu'il est impossible que ceux mêmes qui les produisent n'en aperçoivent la fausseté. M. l'évêque de Meaux a donné, il y a déjà longtemps, au public, l'Exposition sincère de la foi catholique, ce qui a ouvert les yeux à un grand nombre de personnes qui, ne cherchant que la vérité, ont connu la mauvaise foi de ces faux docteurs qui nous faisaient passer, en prêchant à ceux de leur parti, pour des superstitieux, pour des impies, pour des idolâtres et pour des corrupteurs de la foi et de la morale de Jésus-Christ. Ce trèspieux et très-savant prélat les a couverts de confusion; mais il n'a pas abattu tout leur orgueil, et son excellent ouvrage n'a fait qu'augmenter la haine que les plus entêtés et les plus envenimés de leurs ministres ont conçue contre l'Eglise. Nous voyons tous les jours paraître des lettres qui, sous le nom de pastorales, ne sont autre chose que des satyres, et contre le soin religieux et paternel que le roi prend du salut de ses sujets, et contre les personnes qui travaillent à la réunion de ceux qui, étant baptisés, ne devraient reconnaître qu'une foi, comme il n'y a qu'un Dieu et qu'un baptême (aux Ephés., ch. IV, 3, 4, 5, 6), qui nous doit tous incorporer à Jésus-Christ en unité d'esprit et dans le sein d'une même Eglise. Ces lettres, prétendues pastorales, ne tendent qu'à troubler les consciences de ceux à qui Dieu a fait la grâce d'ouvrir l'esprit et le cœur pour embrasser la foi catholique, à les tenter, à les exciter à l'apostasie, et à retenir les autres dans l'erreur, tantôt par une fausse ostentation de miracles, que l'auteur de ces dangereuses lettres prétend que Dieu a faits en faveur de leur fausse religion; tantôt par l'énumération des martyrs et des confesseurs de leur parti; tantôt en dogmatisant que c'est une erreur intolérable de dire que l'on ne puisse se sauver que dans l'unité de l'Eglise laissant ainsi chacun en liberté d'opérer son salut en quelque communion que ce soit; s'étant même porté jusqu'à cette extrémité de justifier l'impiété de Nestorius, et de dire qu'il avait eu raison de ravir à la très-sainte Vierge la qualité de mère de Dieu. Quoique nous devrions déplorer le malheur dans lequel les emportements de cet auteur le jettent, et que l'aigreur avec laquelle il parle toujours fasse bien voir qu'il n'y a que la passion et nulle vérité dans ses discours, cependant il y a sujet d'espérer que les excès auxquels il s'abandonne ouvriront les yeux de ceux mêmes à qui il parle, et que Dieu se servira de ses propres discours pour désabuser les personnes qu'il veut enchaîner dans l'erreur, pour les traîner dans le précipice avec lui. Les miracles qu'il prétend qui ont été faits dans les Cévennes et ailleurs, en leur faveur, s'ils sont véritables, sont en faveur des catholiques et non des protestants. Il dit qu'on a entendu dans les airs des voix angéliques et d'une mélodie charmante, aux lieux où le roi a fait abattre les temples et interdit l'exercice de la religion des protestants: et il prétend par là montrer que le Seigneur a témoigné qu'il condamnait ce qui avait été fait contre eux. Un chrétien peut-il soutenir une chose si éloignée de la conduite ordinaire de Dieu ? Est-ce qu'il témoignerait par des chants d'allégresse et de joie qu'il condamne la destruction des temples qui seraient destinés à le glorifier, et l'anéantissement de la vraie religion. Lorsque les prophètes, par l'ordre de Dieu, ont parlé de la ruine de Jérusalem et de son temple, n'a-ce pas été avec des paroles de lamentation et de douleur, et n'est-il pas visible que si l'on a entendu des chants et des cantiques de joie dans les lieux où les temples des protestants ont été abattus, Dieu a voulu que les esprits bienheureux, dont il s'est servi en cette occasion, aient témoigné qu'ils s'en réjouissaient, aussi bien que de la conversion de ceux qui ont abandonné la fausse religion, selon ce que Jésus-Christ a dit, qu'il y aurait de la joie dans le ciel et parmi les anges sur la conversion des pécheurs (en S. Luc, ch. XV, 7 et 10). Les descriptions pathétiques, que cet ardent esprit nous fait des martyrs des Cévennes et d'autres lieux, lesquels ont été exécutés par les bourreaux ou exterminés par les gens de guerre, pour avoir été pris dans des lieux écartés, où ils avaient été séditieusement convoqués, ne font-elles pas voir les excès de ses discours? séditions ni de révoltes. Ils ont souffert la mort en priant Dieu pour les princes qui les faisaient mourir, et ils sont morts martyrs de Jésus-Christ, mais non pas comme des rebelles à leur souverain. Le roi a défendu à ses sujets, de la religion prétendue réformée, toutes assemblées et altroupements. Ils ont désobéi à sa majesté: est-il contre les lois de châtier ceux qui n'obéissent pas à ce que le prince commande ou défend pour maintenir le repos public? Cet auteur fait un mérite du crime de ses désobéissants, et attribue à générosité religieuse leur soulèvement contre les ordres du roi, qui a été obligé d'envoyer des troupes, afin de contenir ces révoltés et d'empêcher leurs rébellions. Est-ce une chose fort extraordinaire que des troupes chargent des gens contre lesquels elles sont commandées? Y a-t-il de la cruauté de châtier, par les peines que les lois ont ordonnées, ceux qui sont pris les armes à la main contre l'autorité royale? Les premiers martyrs de Jésus-Christ se sont-ils jamais révoltés contre les empereurs, même païens? Ils n'ont pas obéi lorsqu'on leur a commandé de donner de l'encens aux idoles; mais ils n'ont point fait de Outre ces désobéissances aux ordres du roi, par ces attroupements et ces assemblées dangereuses au repos public, quelques-uns de ceux que l'auteur des lettres pastorales dit avoir été punis avec cruauté, et qu'il fait passer pour des martyrs, sont des sacriléges qui, ayant fait profession de la religion catholique, ont profané l'adorable Eucharistie par des actions qu'il rapporte lui-même dans ses lettres. Un roi chrétien et catholique estil fort coupable, ou, pour mieux dire, ses officiers ont-ils tort de venger l'honneur de Dieu, outragé par des actions d'une impiété qui fait horreur à ceux mêmes de la communion des protestants? Je dis à ceux mêmes de cette communion, car nous avons vu en Flandre, il y a peu de mois, des officiers suisses, protestants, condamner très-sévèrement et à de grands supplices, leurs soldats catholiques, profanateurs de notre adorable sacrement; sur ce principe, que ceux qui sont dans le sein de l'Eglise, où l'on adore la sainte Eucharistie, ne peuvent être considérés que comme des impies lorsqu'ils manquent de respect pour ce mystère. C'est une chose dont je suis moi-même témoin. L'auteur des lettres se plaint avec beaucoup de force de la dureté que les troupes, et surtout les dragons, ont exercée envers ceux qui ne leur en donnaient aucun sujet. Cela peut être vrai; mais il est vrai aussi, que si par hasard il s'est passé quelque chose envers des innocents, de la maniere qu'il le rapporte, ç'a été contre l'intention de sa majesté, dont toute la terre connaît et admire l'extrême modération. Il est très-difficile d'empêcher que des gens de guerre ne se portent quelquefois à certains excès; mais si ceux dont on se plaint avaient été connus des commandants, ils les auraient assurément réprimés. Il se peut bien faire aussi, et il est très-probable que l'auteur des lettres exagère ce qu'il avance, par un zèle immodéré pour son parti, ou qu'il écrit sur de faux mémoires de quelque esprit emporté. Le roi, dont Dieu par une grâce toute particulière, a affermi l'autorité légitime plus que celle d'aucun autre prince de la terre, n'a-til pas eu raison de prévenir les funestes effets que pourrait produire le prétexte de maintenir la religion dans laquelle les protestants ont été élevés dès leur enfance? Le siége de la Rochelle et de tant d'autre villes, que le feu roi de très-glorieuse mémoire a été obligé de soumettre à son obéissance par la force de ses armes, et tant de guerres que ce grand prince a soutenues contre les protestants de son royaume, doivent faire encore trop d'impression dans nos esprits, pour ne pas justifier la fermeté dont Louis le Grand, son auguste fils, se sert en cette occasion. L'antiquité n'a jamais blâmé les édits, quoid'Honorius que très-sévères de Constantin, et des autres contre les hérétiques: peut-on ne pas louer le zèle du roi qui, sans violenter la créance intérieure, n'a puni que ceux qui ont désobéi à ce qu'il a commandé pour la tranquillité publique. On défie l'auteur de ces lettres intitulées Pastorales, de marquer un homme qui n'ait été coupable que du scul fait de la religion. Mais après tout l'auteur de ces lettres, qui voudrait bien nous persuader les prétendus miracles qu'il nous raconte, et faire respecter comme des martyrs et des confesseurs ceux qui ont souffert quelque chose pour ces attroupements défendus par le roi, devrait au moins être d'accord avec les autres auteurs qui sont de sa communion. J'ai vu un livre composé par un protestant (intitulé du Pouvoir des Souverains), qui dit en plusieurs endroits que le prince peut faire des lois ou des ordonnances touchant l'exercice extérieur de la religion, auxquelles les sujets sont obligés en conscience d'obéir, pourvu qu'elles ne détruisent pas l'essentielle de la religion. Il déplore l'aveuglément de ceux qui croient être martyrs de Jésus-Christ en désobéissant à leurs princes, et dit qu'ils ne sont au contraire des martyrs que de leur propre opinion et de leur fausse générosité. Il établit cette maxime en tant d'endroits, qu'il serait ennuyeux de les rapporter en détail. Le lecteur pourra avoir recours au livre même. Or si son sentiment est vrai, l'on ne saurait désavouer, que le roi n'ayant rien ordonné que la séparation des assemblées des protestants, ont dû lui obéir. C'est donc, selon ce théologien, confrère de l'auteur des lettres, et bien éloigné de sa pensée, une pure illusion que les miracles et les martyrs qu'il nous vante eu faveur de la désobéissance criminelle des protestants des Cévennes et d'autres lieux, lesquels cet auteur du Pouvoir des Souverains qualifie au contraire d'hypocrisie et d'opiniâtreté. Ces lettres pastorales recommencent à traiter les controverses, comme si jamais l'on n'en avait parlé; et au lieu de répondre précisément à tout ce qu'on a écrit contre la fausse doctrine des protestants, l'auteur expose les arguments cent fois invinciblement refutés. Comme il ne dit rien de nouveau, il n'y a pas d'apparence de s'attacher à y répondre. J'ai publié il y a quelques années des mémoires touchant la religion, dans lesquels je crois avoir satisfait aux plus fortes objections de cet auteur, et principalement dans les réponses que j'ai faites à un ministre qui a écrit contre moi, et je ne pourrais ici dire que ce que j'ai déjà dit. Si je croyais que ces petits ouvrages méritassent d'être considérés, je prierais ceux qui verront cet écrit d'y avoir recours; mais j'aime mieux les inviter à la lecture des ouvrages qui ne sont pas de moi, parce que je les estime beaucoup plus que les miens. Puisque l'anteur des lettres attaque particulièrement M. l'évêque de Meaux, M. de Pellisson et M. Nicole, ces grands hommes sauront bien venger la cause de Dieu et de son Eglise. Ils l'ont déjà fait d'une manière à faire taire celui qui les provoque. J'exhorte ceux a qui il resterait encore quelque doute, à voir ce que ces savants auteurs ont si avantageusement écrit pour soutenir la vérité. Mais cependant on a cru qu'il ne serait pas mauvais d'exposer le vrai système de la religion chrétienne et catholique, afin de confondre tout d'un coup les protestants qui, n'ayant aucun principe certain, sont flottants et se laissent emporter à tout vent de doctrine (aux Ephés. ch. IV, v. 14), de faire voir l'injustice que ces contradicteurs emportés font aux catholiques, en leur imputant des sentiments tout opposés à leur créance, et de justifier en même temps ceux qu'ils appellent convertisseurs, croyant leur dire une injure, au lieu qu'ils ne peuvent leur donner un plus grand éloge. Voici donc ce système, tout naturel, sans figure et sans équivoque. Il faut avant toutes choses être persuadé de la nécessité de l'existence de Dieu. Les philosophes, qui n'avaient d'autre théologie que celle que leur raison leur apprenait, ont reconnu que la nature nous imprime à tous un sentiment de la divinité, duquel il est impossible de se défaire. Tous les hommes, hors un petit nombre d'athées ou qui font semblant de l'être, sont d'accord sur ce point. Nous n'avons qu'à ouvrir les yeux. La structure du monde, l'ordre et la succession des saisons et des générations, la suite des jours et des nuits, de la lumière et des ténèbres, l'alliance des éléments, la composition des corps inanimés, les mouvements et les diverses opérations des animaux, leur nourriture et celle des plantes, la multiplication et l'accroissement des fruits de la terre, le vol des oiseaux, l'art de nager des poissons, et leur subsistance dans le fond des eaux, la prévoyance des bêtes pour leurs besoins et ceux de leurs petits, leur subordination à notre égard, le raisonnement des hommes, l'arrangement et la beauté des corps célestes, et tout le reste de ce qui fait l'objet de nos sens, de notre intelligence, des sciences, de notre admiration, dans l'ordre et la vicissitude du monde et de toute la nature, nous convainquent démonstrativement que tout ce que nous connaissons est l'ouvrage d'un être intelligent,et que le hasard n'a pu produire l'univers. Or cet être intelligent, auteur de toutes choses, est ce que nous appellons Dieu, indépendant de tout et de qui tout dépend. Cette grande vérité supposée, nous avons mille arguments qui nous persuadent la divinité de Jésus-Christ. Dieu est infiniment parfait, et par conséquent la souveraine sagesse est de croire tout ce qu'il nous fait entendre. Or il nous fait entendre que Jésus-Christ est Dieu il faut donc que nous le croyions. Que Dieu nous ait fait entendre que Jésus-Christ est Dieu, il est aisé de le prouver. Il nous l'a fait entendre par des miracles, et par 1 accomplissement des prophéties, et comme il n'y a que Dieu qui puisse parler par des prophéties et par des miracles, parce qu'il n'y a que Dieu qui soit au-dessus des lois de la nature: il s ensuit que Jésus-Christ est Dieu. Non seulement Dieu a fait des miracles d'une main invisible, pour prouver la divinité de Jésus-Christ; mais Jésus-Christ en a fait lui-même visiblement, et a encore donné à ses apôtres le pouvoir d'en faire pour prouver cette même vérité, non seulement à ses apótres, mais encore aux hommes apostoliques et à plusieurs saints. Les apôtres, les hommes apostoliques et les saints ont persuadé la divinité de Jésus-Christ par ces miracles, en préchant simplement, sans éloquence et sans ornement celle surprenante vérité, par la seule exposition des mystères; tout cela n'est pas humain : il faut donc conclure que Jésus-Christ est Dieu. Si Jésus-Christ est Dieu, tout ce qu'il a dit est véritable. Il a dit qu'il est Fils de Dieu, et que lui et son Père ne sont qu'un même Dieu : ainsi la divinité de Jésus-Christ prouve qu'il y a plusieurs personnes en Dieu mais elle ne prouve pas qu'il y ait plusieurs dieux : ce qui de toutes les erreurs est la plus grossière. Jésus-Christ est Dieu, puisqu'il parle et agit en Dieu mais comme il a paru dans les actions humaines, taut qu'il a été sur la terre, et qu'il s'est lui-même appelé fils de l'homme, il faut encore conclure qu'il est Dieu et hom. me tout ensemble. Il est vrai que l'unité d'une même essence en plusieurs personnes distinctes semble choquer la raison, aussi bien que l'union de deux natures si éloignées l'une de l'autre en une même personne: mais puisque Dieu a révélé ces grands mystères, il faut les croire et captiver notre esprit à l'obéissance de sa parole (11, aux Corinth., ch. X, v. 5): car par sa sagesse et sa bonté infinie, il ne peut ni être trompé, ni nous tromper. Les catholiques et les protestants sont d'accord de toutes ces ineffables et suressentielles vérités (S. Denis, I, des Noms divins, c. 1), comme elles sont appelées par les saints pères. Je les ai prouvées le plus clairement qu'il m'a été possible dans mes mémoires touchant la religion. Le sieur de Labbadie, savant protestant, a fait sur ce sujet un excellent ouvrage, et jusque-là nous sommes dans les mêmes sentiments. Il n'y a qu'un Dieu : Jésus-Christ est Dieu : tout ce que Dieu dit est véritable: tout ce qu'il fait est juste, saint, adorable; voyons maintenant la conduite que cet Homme-Dieu a tenue pour composer la religion qu'il est venu établir en ce monde. Il a commencé par composer une Eglise (en S. Matth., ch. XVI, v. 18), c'est-à-dire un corps de personnes soumises à sa doctrine. Pour gouverner cette Eglise, il a appelé des apôtres qu'il a instruits, afin d'instruire et de conduire les autres (en S. Matth. ch. X, v. 1, et suivants; S. Marc, ch. III, v. 13 et 14; S. Luc ch.VI, v. 13 et suivants; S. Jean, ch. XVII, v. 8 et 14). Il les a instruits de vive voix : car Jésus-Christ n'a jamais rien écrit: mais il leur a expliqué ce qui est contenu dans les livres de Moïse et dans les autres de l'Ancien Teslament, composés par des hommes inspirés de Dieu. Il leur a expliqué les mystères qui DEMONST. EVANG. III. ne leur étaient pas assez intelligibles dans ces livres divins et surtout celui de son incarnation, de la rédemption du genre humain et de tout ce qu'il est venu opérer en ce monde, et leur a donné les règles de mœurs qu'il voulait être observées. Les apotres instruits par Jésus-Christ ont prêché les mêmes choses et les ont expliquées aux autres hommes, et de vive voix en vive voix ces vérités sont venues jusqu'à nous. On ne doit pas hésiter sur cette tradition, ni se persuader que ce soit une vaine idée qu'on se forme. Quand nous n'en aurions nulle preuve positive, la raison nous porte rait à la croire. Les lois humaines, les règles du juste gouvernement des Etats et de la conduite que les hommes doivent avoir dans la société les exemples, qu'on tire des ac-tions passées, tout cela n'est qu'une tradition; cependant toutes ces choses sont nécessaires pour la conduite ordinaire des hommes. Pourquoi voudrions-nous que la seule reli.. gion dépendit de la lumière de chaque parti. culier, qui la règlerait comme il lui plairait ? Si Jésus-Christ l'a formée, il faut qu'elle vienne, et qu'elle coule depuis son auteur jusqu'à la fin des siècles. Il est vrai que les hommes, qui conservent cette tradition, sont sujets à erreur, et que comme les lois humaines, les règlements des Etats et de la société civile se sont souvent altérés par la suite des temps, à cause de l'inconstance des hommes, on pourait dire aussi qu'il n'y aurait rien d'assuré dans la religion, si elle dépendait de cette tradition. L'objection semble être très-considérable à qui ne raisonne qu'humainement; mais si nous voulons un peu nous élever au-dessus de nous-mêmes, et faire réflexion que la religion est l'ouvrage de Dieu seul, sans que les hommes y aient d'autre part que celle de leur soumission, nous nous persuaderons aisément que Dieu n'abandonne pas cette tradition au caprice des hommes, et que sa Providence la conduit et la soutient: qu'ainsi elle ne saurait nous tromper, quelque inconstants que soient les hommes qui en sont les gardiens, et quelque sujets qu'ils soient à tromper et à être trompés. Depuis la création du monde les hommes n'ont pas été sans religion jusqu'à Moïse, c'està-dire pendant près de deux mille cinq cents ans, selon la supputation ordinaire, ou plus longtemps, si celle d'un savant chronologiste, qui a donné depuis peu un très-bel ouvrage au public, est bien fondée. Cependant Moïse a été le premier écrivain. Ce n'a donc été que la tradition qui, pendant tant de siècles a soutenu la religion et la connaissance des vérités et des règles de mœurs par lesquelles Dieu voulait qu'on l'honorât, qu'on s'altachât et qu'on allât à lui. Depuis Moïse jusque presque au temps de Jésus-Christ, les livres sacrés ont été écrits successivement ainsi les vérités n'ont élé écrites que les unes après les autres, et se sont conservées par tradition. Jésus-Christ a parlé et n'a pas écrit, comme il a été déjà dit. Les apôtres et les évan (Dix-neuf.) |