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A donner de l'encens à madame une telle,

Et de nos francs marquis essuyer la cervelle.

CE SONT, SONT-CE:

(Mis. III. 7.)

C'est comme parle le plus souvent Molière, quand il suit un pluriel; et non pas c'est, est-ce, à la manière de Bossuet : Comment, ces noms étranges ne sont-ce pas vos noms de baptême ? (Précieuses ridic. 5.)

Ce sont vingt mille francs qu'il m'en pourra coûter. (Mis. V. 1.) Il est probable qu'en prose Molière eût dit c'est vingt mille francs, comme dans la phrase de Pourceaugnac citée plus haut; car l'idée ne se porte pas à considérer les francs isolément, mais sur une somme de 20,000 francs.

Ce ne sont plus rien que des fantômes ou des façons de chevaux.

(L'Avare. III. 5.) C'EST ou EST, en rapport avec un substantif au pluriel :

Et deux ans, dans son sexe, est une grande avance. (Mélicerte. I. 4.) Il est clair qu'il n'y a point là de faute, parce que la pensée porte non pas sur le nombre des années, mais sur l'unité de temps représentée par deux ans. Deux ans, c'est une grande

avance.

Quatre ou cinq mille écus est un denier considérable! (Pourc. III. 9.) Tous les hommes sont semblables par les paroles, et ce n'est que tions qui les découvrent différents.

les ac

(L'Av. I. 1.)

Il est certain que cette façon de parler paraît la plus conforme à la logique habituelle de la langue française, qui gouverne toujours la phrase, non sur les mots à venir, mais sur les mots déjà passés, en sorte qu'une inversion change la règle : J'ai vu maints chapitres; j'ai maints chapitre vus.

Ce est au singulier, représentant cela. Pourquoi mettre le verbe au pluriel? On ne dirait plus aujourd'hui, comme du temps de Montaigne, cela sont.

Mais ce peut être un mot collectif enfermant une idée de pluriel; et quand ce pluriel touche immédiatement au verbe qui le suit, il n'y a point d'inconvénient à mettre ce sont, au lieu de ce est. Nos pères paraissent en avoir jugé ainsi, car la

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forme ce sont se retrouve dans le berceau de la langue. Elle prédomine dans le livre des Rois :

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« Ço sunt les deus ki flaelerent e tuerent ces d'Égypte el désert. » (Rois. p. 15.)

Le tort des grammairiens est d'avoir rendu cette forme obligatoire; elle n'est que facultative, et il est toujours loisible d'employer c'est devant un nom pluriel. Les grammairiens, qui nous imposent rigoureusement ce sont eux, prescrivent aussi c'est nous, c'est vous, locutions absurdes! Puisqu'on gardait la tradition du moyen âge, il fallait du moins la garder tout entière, et dire ce sommes nous, c'étes vous. Mais on n'a obéi qu'à une routine aveugle et inconséquente.

Dans Pathelin, Guillemette recommande à M. Jousseaume de parler bas, par égard pour le pauvre malade; et elle-même s'oublie jusqu'à élever fort la voix. Le drapier ne manque pas d'en faire la remarque :

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A la fin, le drapier reconnaît son voleur dans l'avocat :

« Je puisse Dieu desadvouer

«Se ce n'estes vous, vous, sans faulte... >>

Je renie Dieu si ce n'est vous!

Et dans la scène où Pathelin subtilise le drap : L'honnête homme que feu votre père !

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• On trouve douze rois choisis par le peuple, qui partagèrent entre eux

<< le gouvernement du royaume. C'est eux qui ont bâti les douze palais

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qui composoient le labyrinthe. » (BossUET. Disc. sur l'hist, un. 3o p.)

« Ce n'est pas seulement des hommes à combattre, c'est des montagnes

« inaccessibles, c'est des ravines et des précipices d'un côté; c'est partout • des forts élevés,... ` (Or. fun. du pr. de Condé.)

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On voit que Bossuet veut présenter une idée d'ensemble : les rois qui ont bâti le labyrinthe, et ce qu'il y a à combattre; et non pas attirer la pensée, la divertir sur les détails, sur les éléments qui forment cette unité. Il ne veut pas nous faire compter les rois égyptiens ni les sommets des montagnes, mais nous frapper par un tableau ; il emploie le singulier.

Cependant, après avoir rapporté ce passage, l'auteur des Remarques sur la langue française et le style déclare avec dureté : « Il faut partout ce sont. » « Il est certain, ajoute-t-il par forme d'atténuation, que les Latins disaient poétiquement animalia currit. » Les Latins n'ont jamais parlé de la sorte, ni en vers ni en prose; l'auteur confond la grammaire latine avec la grecque. Au surplus, la locution Çox τpéyɛt n'a pas le moindre rapport à ce dont il s'agit. On aimerait mieux trouver dans ce livre moins d'érudition, et un peu plus d'égards pour les grandés gloires littéraires de la France. C'est à l'instant même où il vient d'inventer cet animalia currit, que l'auteur reproche à Bossuet des solécismes : «Bossuet a commis cette faute à outrance.... Le solécisme est commis avec une telle insistance, qu'il est permis de croire que Bossuet n'était pas bien fixé sur cette règle d'usage, qu'il rencontre néanmoins quelquefois. » (I. p. 445.) Non, Bossuet n'a pas fait ici de solécisme, et il parlait français autrement que par rencontre et par hasard.

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Ce n'est plus ces promptes saillies qu'il savoit si vite et si agréable«ment réparer.» (Or. f. du pr. de Condé.) Substituez ce ne sont, vous déchirez l'oreille : ce ne sont plus

ces.....

Voltaire dit pareillement :

« vère. »

<«< Les saints ont eu des foiblesses; ce n'est pas leurs foiblesses qu'on ré(Canonis. de s. Cucufin.) L'idée porte sur ce qu'on révère, et non sur les faiblesses des

saints.

Et Racine :

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Ce n'est pas les Troyens, c'est Hector qu'on poursuit.» (Androm.) L'idée porte de même ici non pas sur les Troyens, mais sur ce qu'on poursuit,

Et comme après un nom collectif au singulier on peut mettre le verbe au pluriel, par rapport à la pensée que ce singulier réveille, de même on peut mettre le verbe au singulier à côté d'un substantif au pluriel, quand il y a unité dans l'idée.

Ainsi, dans Pourceaugnac, Molière a pu dire, et devait dire en effet :

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Quatre ou cinq mille écus EST un denier considérable. Sont un denier eût été impropre.

(III. 9.)

Par la même raison, M. de Chateaubriand a dû écrire :

* паих. »

Qui racontera ces détails, si je ne les révèle? Ce n'est pas les jour(De la censure.) Concluons qu'il y a un art, une délicatesse de style à choisir l'une ou l'antre forme, selon le besoin de la pensée ou de l'harmonie; et c'est à l'usage qu'il fait de cette liberté qu'on reconnaît le bon écrivain.

C'EST A.... A (un infinitif), et non pas de :

C'est aux gens mal tournés, aux mérites vulgaires,

A brûler constamment pour des beautés sévères. (Mis. III. 1.) C'EST POUR (un infinitif), cela mérite que....: Certes c'est pour en rire, et tu peux me le rendre. (Mélic. I. 2.) C'EST POUR (un infinitif) QUE.... :

Et c'est pour essuyer de très-fâcheux moments, Que les soudains retours de son âme inégale. Cela est fait pour..... Cela, savoir que....

(Psyché. I. 2.)

C'EST (un infinitif) DE (un infinitif), et non que de: C'est m'honorer beaucoup de vouloir que je sois témoin d'une entrevue si agréable. (Mal. im. II. 5.) C'EST QUE, par syllepse, sans relation grammaticale avec ce qui précède :

Et afin, madame Jourdain, que vous puissiez avoir l'esprit tout à fait content, et que vous perdiez aujourd'hui toute la jalousie que vous pourriez avoir conçue de monsieur votre mari, c'est que nous nous servirons du même notaire pour nous marier, madame et moi. (B. gent. V. 7.)

Je vais vous dire une chose, c'est que nous nous servirons, etc.

C'EST TOUT DIT, adverbe; c'est tout dire, tout est dit quand on a dit cela:

Il est fort enfoncé dans la cour, c'est tout dit:

La cour, comme l'on sait, ne tient pas pour l'esprit. (Fem. sav.IV.3.)

CE QUI EST DE BON, pour ce qu'il y a de bon : Le mari ne se doute point de la manigance, voilà ce qui est de bon.

CE VOUS EST, CE NOUS EST :

En un mot, ce vous est une attente assez belle
Que la sévérité du tuteur d'Isabelle.

Ce nous est une douce rente que ce M. Jourdain,

(G. D. I. 2.)

(Ec. des mar. I. 6.)

(Bourg. gent. I. 1.)

C'est ici le datif de profit : c'est à

vous, à nous....

CHAGRIN DÉLICAT, délicatesse chagrine :

S'il faut que cela soit, ce sera seulement pour venger le public du chagrin délicat de certaines gens.

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(Préf. de la Crit. de l'Éc.des fem.)

Les savants ne sont bons que pour prêcher en chaise.

(Fem. sav. V. 3.)

« Chaise n'est point une erreur de Martine. Autrefois, on appelait ainsi ce que nous nommons aujourd'hui chaire; on disait : une chaise de prédicateur, de régent. Vaugelas préférait en ce sens le mot chaise, mais il n'excluait pas le mot chaire. Ce dernier ne se dit plus que des siéges ordinaires. » (M. Auger.)

La note de M. Auger est fort juste; mais il y faut ajouter quelques développements, car ce point touche à l'une des circonstances les plus singulières de l'ancienne langue : c'est l'habitude de grasseyer et de zézayer. Jacques Dubois (Sylvius) et Charles Bouille en font le caractère du parler parisien au XVIe siècle; mais je suis persuadé que la chose est beaucoup plus ancienne et plus générale, au moins en ce qui touche le grasseyement. En effet, les preuves de l'r supprimée, ou transformée en 7, se rencontrent partout dans les manuscrits du

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