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partie de la législation qui demande non une abolition complète, mais des modifications importantes. » M. Decazes émit une opinion plus tranchée dans la discussion : après avoir qualifié la mort civile de peine monstrueuse, il ajouta qu'il ne s'abstenait d'en voter la suppression que parce qu'il avait reçu l'assurance que le gouvernement était dans l'intention de proposer une mesure législative à cet égard. M. le garde des sceaux Barthe confirma publiquement cette assurance : « Il y a nécessité, dit-il, de modifier la législation sur la mort civile. mais la commission a parfaitement senti comme le gouvernement que ce n'était pas à l'occasion d'une loi sur le Code pénal qu'il fallait porter atteinte aux dispositions du Code civil. Dans une session prochaine, une loi sera présentée aux Chambres sur cette grave question [17. »

Nous avons dû recueillir ces vœux et ces promesses: à côté d'une loi vicieuse, nous aimons à placer l'espérance de sa réforme. La mort civile reste inscrite dans la législation, mais flétrie par le législateur lui-même ; son abolition était sollicitée, elle est devenue nécessaire; c'était une question indécise encore, la discussion l'a mûrie et l'a résolue. Au reste, nous pensons comme le législateur de 1832, qu'une telle suppression ne pouvait s'opérer accidentelle`ment ses conséquences étaient trop graves, elles atteignaient trop d'intèréts, pour qu'on pût les régler par voie d'amendement.

Le Code civil, en énumérant les incapacités que cette fiction entraîne, a trop souvent confondu les droits civils et les droits naturels il pouvait retrancher la jouissance des premiers aux condamnés qu'une peine perpétuelle a frappés, mais il ne pouvait toucher aux droits naturels. Il a done outrepassé son pouvoir; dans une sorte d'entraînement de logique, il a suivi les traces des jurisconsultes romains en poussant jusqu'à des conséquences extrêmes la fiction qu'il avait adoptée; et il a brisé des liens sacrés, méconnu d'impérissables droits. C est là surtout ce que la loi doit se hâter de faire disparaître.

On doit reconnaître en même temps que les condamnés à perpétuité ne peuvent conserver la jouissance de leurs droits civils ou continuer la gestion de leurs biens. Comment, en effet, admettre que du fond d'un bagne, ou d'une forteresse qui s'est à jamais refermée sur lui, un condamné puisse disposer de sa fortune, exercer son autorité civile, contracter, faire des

[1] Code pénal progressif, pag. 122.

actes de commerce, des spéculations industrielles? une incapacité légale doit nécessairement enchaîner ses actes. Mais quels doivent être la nature et les limites de cette incapacité?

Nous pensons qu'elle devrait, autant que possible, être purement civile; qu'il ne faudrait pas lui imprimer un caractère pénal, en faire une peine nouvelle, accessoire de le peine principale: son but unique doit êire de régler les effets civils de la peine perpétuelle. Les jurisconsultes ont joué sur les mots quand ils ont refusé d'appeler la mort civile une peine, parce qu'elle n'était que la conséquence d'une autre peine. Elle frappe souvent le condamné plus que cette peine principale elle-même ; elle le frappe dans ses propriétés dont elle le dépouille ; dans sa famille dont elle brise les liens ; dans ses droits, dans ses devoirs qu'elle détruit.

N'oublions pas aussi que les peines perpétuelles elles-mêmes doivent laisser entrevoir aux condamnés une safutaire espérance, une étoile lointaine. La grâce promet à la régénération du coupable, à ses regrets, à sa bonne conduite, le terme de ses maux : elle introduit dans la perpétuité même un germe pénitentiaire. Le législateur doit donc avoir devant les yeux cette intervention possible de la grâce : il ne doit pas imprimer à ses peines, même perpétuelles, des effets irrévocables. Les incapacités sont l'accessoire du châtiment; elles doivent en suivre le sort, vivre ou s'éteindre comme lui.

M. Taillandier, à la Chambre des députés, et à la Chambre des pairs, M. Decazes [2], ont émis l'opinion que les incapacités prononcées par les art. 28 et 29 du Code pénal, à l'égard des condamnés à temps, étaient pleinement suffisantes pour les condamnés à perpétuité. Ces incapacités ont un double caractère. Les unes prennent leur source dans la dégradation civique, les autres dans l'interdiction légale. Les premières n'auraient que peu d'effet pendant l'exécution de la peine perpétuelle; les droits dont elles suspendent l'exercice se tronvent presque nécessairement suspendus pendant cette exécution; mais elles ajoutent à l'impossibilité physique une impossibilité légale ; elles empêchent le condamné de faire par une voie indirecte ce qu'il ne peut faire directement: sous ce premier rapport, il est utile de les prononcer. Ensuite, dans les cas de grâce, la position du condamné à perpétuité ne doit pas être plus favorable que celle du condamné à temps. Les incapacités qui suivent celui-ci dans

[2] Code pénal progressif, pag. 113 et 122.

la société, après sa libération, doivent le saisir également; il ne doit pas recouvrer de plein droit des facultés que son crime l'a rendu indigne d'exercer: ces incapacités remplaceraient à son égard les déchéances dont la mort civile le frappe aujourd'hui.

L'interdiction légale prescrite par l'art. 29 du Code pénal, a pour unique effet d'enlever au condamné à temps l'administration de ses biens pour la transporter aux mains d'un tuteur; cette simple disposition suffirait-elle à la gestion des intérêts des condamnés perpépétuels? En nous reportant au Code civil qui en règle les effets, ne trouverons-nous aucune difficulté dans son application? La loi a-t-elle suffisamment protégé les droits de la femme et des enfans, prévu les besoins de la famille, pendant la durée d'une peine qui se mesure sur la vie du condamné ? Les biens resteront-ils dans une complète immobilité? La famille ne doitelle pas dans ce cas, sans jouir d'un droit de propriété, exercer cependant plus de droits qu'un simple tuteur? Il nous paraît qu'en supprimant les droits civils, il serait indispensable de régler par des dispositions nouvelles les effets de l'interdiction qui devrait en prendre la place; que les dispositions actuelles de la loi, établies pour les condamnés à temps seulement, seraient incomplètes, qu'elles devraient être modifiées en vue de la perpétuité de la peine. Mais, en principe, cette mesure de l'interdiction légale nous paraîtrait parfaitement appropriée aux peines de cette nature: elle ôte au condamné la faculté d'abuser de ses biens; elle lui impose des privations qui ne sont que la conséquence nécessaire du châtiment; elle peut cesser avec ce châtiment même, si la grâce vient en interrompre le cours; enfin elle constitue une incapacité réelle, personnelle et qui n'a rien d'immoral en elle-même.

Ainsi la loi, en se hâtant d'effacer une fiction qui n'est propre qu'à égarer ses décisions, doit néanmoins laisser peser sur la tête des condamnés une interdiction à peu près complète des droits politiques et des droits civils. Et cette interdiction peut contenir deux classes distinctes d'incapacités : les unes qui, suivant le sort de la peine, tomberaient nécessairement avec elle par l'effet de la grâce; telle serait la tutelle du condamné ; les autres qui continueraient de s'attacher à ce condamné jusqu'à sa réhabiliation, telles que les déchéances qui constituent la dégradation civiqne.

Nous avons vu que le Code pénal n'attache la mort civile qu'aux peines des travaux forcés à perpétuité et de la déportation. De là s'est élevée

dans la discussion de 1832, la question de savoir, si la peine nouvelle de la détention perpétuelle, qui remplace la déportation dans son exécution, devait également l'entrainer.

M. de Vatimesnil avait proposé un amendement ainsi conçu : « L'art. 29 du Code pénal sera appliqué au condamné à la détention perpétuelle, pendant la durée de la peine. » On disait à l'appui : cette peine est d'institution nouvelle; or puisqu'on proclame hautement les désastreux effets de la mort civile, on doit sinon la proscrire, parce que ce serait modifier indirectement un code qui n'est pas en délibération, du moins s'abstenir de la prononcer dans ce cas nouveau. Le Code civil laissant la faculté de l'adjoindre aux peines perpétuelles, ou de l'en détacher, il serait étrange, lorsque la suppression n'en est qu'ajournée, de lui donner des racines et de l'implanter plus profondément dans la législation, en l'attachant à une peine nouvelle.

On a répondu que la détention perpétuelle n'est qu'un mode d'exécution de la déportation; qu'elle doit donc emporter les mêmes incapacités, que toutes les peines perpétuelles doivent être accompagnées de la privation de certains droits civils, et que la loi n'ayant prononcé d'autres incapacités à l'égard des condamnés à perpétuité que celles qui prennent leur source dans la mort civile, il était nécessaire de maintenir provisoirement cette peine, jusqu'à ce que le législateur se fût occupé de formuler l'interdiction qui pourra la remplacer. Ces considérations ont prévalu, et l'amendement a été rejeté [1].

Aucune discussion sérieuse ne s'est élevée sur l'application à la détention perpétuelle du 2o § de l'art. 18 du Code pénal, ainsi conçu : « Néanmoins le gouvernement pourra accorder au condamné à la déportation l'exercice des droits civils ou de quelques-uns de ces droits. » Cette disposition peut toutefois soulever de graves difficultés.

Le Code pénal de 1810 ne l'avait admise qu'en faveur du déporté, et seulement dans le lieu de la déportation. Resserrée dans ces termes, cette exception se justifiait. Le condamné qui a été privé des droits civils dans son pays, peut en acquérir de nouveaux dans la nouvelle patrie que la peine lui a donnée; il peut s'y marier, il peut y posséder; la faculté de lui rendre l'exercice des droits civils pouvait donc avoir des effets utiles. « Le déporté, disait M. Treil

[1] Code pénal progressif, pag. 116 et 121.

hard, dans l'exposé des motifs, sera provoqué à mériter par une conduite sage et laborieuse, de récupérer la vie civile et d'acquérir l'état de colon; ce sera l'encourager à devenir meilleur, et ce ressort ne, sera pas moins utile au bien de la colonie qui est intéressée à compter des citoyens plutôt que des captifs, et à les fixer dans son sein par l'attrait de la propriété et les liens de la vie civile. » De ces paroles il résulte évidemment que l'intention du législateur n'était point de relever des droits anéantis par la mort civile, mais seulement de permettre au déporté d'exercer des droits nouveaux dans la société où il se trouvait transporté. Les droits acquis étaient respectés; les liens que la mort civile avait brisés n'étaient pas renoués : l'incapacité ne cessait que pour l'avenir; elle continuait de peser sur le passé.

Est-ce bien dans ce sens que le législateur de 1832 a compris la même disposition? Peut-être n'en a-t-il point mesuré toute la portée. Il n'y a vu qu'une exception favorable aux déportés, et comme la détention perpétuelle était substituée à la déportation, il n'a pas voulu, plus rigoureux que le Code de 1810, priver cette classe de condamnés du même bienfait. Mais le motif n'existait plus : le déporté rendu à la société, quoique dans un autre hémisphère, avait besoin de jouir des droits civils, pour jouer un rôle actif dans cette société. Qu'importe, au contraire, au détenu, à jamais séparé de la vie sociale, d'acquérir des droits nouveaux qu'il ne ⚫ pourrait exercer?

Serait-ce donc qu'on aurait voulu restreindre les effets de la mort civile elle-même, et permettre au gouvernement de la désarmer dans certains cas de ses conséquences les plus odieuses? Si tel est le sens du § 2 de l'article 18, des objections très fortes s'élèveraient pour le combattre. Les incapacités légales qui constituent la mort civile sont encourues du jour de l'exécution de la peine c'est ce jour même que la succession du condamné s'est ouverte, que son mariage s'est dissous, qu'il a cessé de vivre aux yeux de la loi civile. Ces incapacités ouvrent dès lors des droits, soit au profit de la société, soit au profit des tiers. Comment admettre que le gouvernement puisse avoir la puissance de renverser ces droits, de renouer les liens du mariage, de deshériter des ayant-droits! Lorsque les incapacités sont encourues, la grâce

[1] Avis des comités du conseil d'Etat, du 21 déc. 1822, approuvé le 8 janv. 1823.

[2] Art. 633 du C. d'inst. crim.

elle-même ne peut en relever le condamné [1]; et la réhabilitation ne les fait cesser que pour l'avenir [2].

A la vérité, le gouvernement peut exercer la faculté que lui attribue le Code, avant la mise à exécution de la peine, avant que les incapacités n'aient été acquises, qu'elles ne soient irrévocables. Mais comment concevoir qu'une faculté aussi extraordinaire puisse être sérieusement exercée? Il dépendrait donc du gouvernement d'ouvrir ou de fermer une succession, de continuer ou de dissoudre un mariage, de confirmer ou de suspendre les droits d'une épouse ou d'un père? Nous ne pouvons admettre une telle puissance : les droits des familles, les droits des tiers échappent au pouvoir d'une décision gracieuse. Si telle était, d'ailleurs, l'intention de la loi, si la mort civile paraissait trop rigoureuse pour la classe des condamnés auxquels s'applique la détention perpétuelle, n'eût-il pas été plus rationnel d'accueillir l'amendement qui proposait de séparer ces deux peines? n'eût-il pas été plus facile de restreindre à quelques incapacités nettement définies l'interdiction qui devait peser sur les détenus à perpétuité ?

Nous sommes donc amenés à penser que le 2e § de l'art. 18 doit conserver encore le sens que lui attribuait le législateur de 1810, que la faculté que ce paragraphe confère au gouvernement ne doit s'appliquer qu'aux droits civils à venir, et non à ceux que la mort civile a brisés ; en un mot, qu'elle a pour but non de suspendre ou de limiter les effets de la mort civile, au moment où elle est encourue, mais de rendre au condamné l'exercice de ses droits civils pour l'avenir, lorsque la grâce vient mettre un terme à la peine afflictive et le restituer à la société.

Après la mort civile, se présente, parmi les peines privatives de certains droits, la dégradation civique et l'interdiction des droits civiques, civils et de famille. La première de ces peines, constituant dans certains cas une peine principale, et le Code l'ayant mise au nombre des peines infamantes, nous avons dû l'examiner dans notre chapitre V, et nous n'y reviendrons pas [3].

L'interdiction des droits civiques, civils et de famille est la suspension partielle de certains droits que l'art. 42 du Code pénal énumère [4]. Elle diffère de la dégradation civique, 1o en ce

[3] Voyez suprà, pag. 50.

[4] Art. 42. « Les tribunaux jugeant correction nellement, pourront, dans certains cas, interdire,

que cette dernière peine est infamante et peut être prononcée comme peine principale, tandis que l'interdiction n'est qu'une peine accessoire et correctionnelle, 2o en ce que les incapacités que la dégradation entraîne, quoiqu'elles soient à peu près calquées sur celles de l'interdiction, sont cependant plus étendues et plus complètes; 3o en ce que ces incapacités forment dans la première de ces peines un ensemble compact et indivisible, tandis qu'elles se divisent au contraire dans la seconde, et peuvent ainsi s'approprier au caractère particulier de chaque délit.

Cette dernière différence est ce qui distingue surtout l'interdiction de la dégradation. Nous avons remarqué, en parlant de cette peine, combien était défectueuse cette application simultanée d'une foule d'incapacités dont quelques unes sont nécessairement étrangères au délit qu'on veut atteindre. La sage disposition de l'art. 42 du Code pénal permet un emploi plus judicieux de ces peines, dont il se borne à donner l'énumération : Le juge peut y puiser pour chaque espèce, et choisir celle qui lui semble la plus propre à réprimer le vice qu'il veut punir.

Du reste, comme les déchéances prononcées par l'art. 42, ont été textuellement transportées dans l'art. 34 qui définit les effets de la dégradation civique, nous ne reviendrons point sur ces diverses incapacités que nous avons déjà appréciées. Nous aurons seulement occasion, dans le cours de cet ouvrage, d'examiner si cette interdiction qui, aux termes de l'art. 45, ne peut être prononcée par les tribunaux que lorsqu'elle a été ordonnée par une disposition particulière de la loi, a toujours été appliquée avec discernement.

Le Code pénal ajoute à ces incapacités une incapacité nouvelle qu'il a rendue spéciale pour

en tout ou en partie, l'exercice des droits civiques, civils et de famille suivans: 1o de vote et d'élection; 2o d'éligibilité; 3o d'être appelé ou nommé aux fonctions de juré ou autres fonctions publiques, ou aux emplois de l'administration ou d'exercer ces fonctions on emplois ; 4° du port d'armes ; 5o de vote et de suffrage dans les délibérations de famille; 6° d'être tuteur, curateur, si ce n'est de ses enfans et sur l'avis seulement de la famille; 7o d'être expert ou employé comme témoin dans les actes; 8o de témoignage en justice autrement que pour y faire de simples déclarations.

[1] Art. 29. Quiconque aura été condamné à la peine des travaux forcés à temps, de la détention

les condamnés aux travaux forcés à temps, à la détention temporaire et à la réclusion; il leur enlève l'administration de leurs biens; il les place en état d'interdiction légale [1].

Cette incapacité que la loi a réservée aux peines les plus graves, se prolonge et s'éteint avec elles. C'est une conséquence presque nécessaire des peines d'une longue durée et des peines perpétuelles. Il ne faut pas qu'un condamné puisse disposer de ses revenus et de ses biens quand il subit un châtiment sevère; il ne faut pas qu'il ait les moyens d'acheter à prix d'or une évasion, ou que par des profusions scandaleuses, il fasse d'un séjour d'humiliation et de deuil un théâtre de joie et de scandale.

On a reproché à l'interdiction légale d'avoir manqué de prévoyance pour la famille du condamné. En s'attachant, en effet, aux termes des articles 30 et 31 du Code pénal, on pourrait en induire que la loi a voulu réserver à l'interdit la totalité des revenus, puisqu'elle prescrit aututeur de lui en rendre compte à la fin de l'interdiction. Les intérêts et les revenus devraient donc s'accumuler et se réunir au principal; aucune portion n'en pourrait être distraite, même pour secours à la famille. A l'appui de cette interprétation, on a invoqué l'art. 475 du Code d'inst. crim. qui dispose, en faveur de la famille des contumax ; que « durant le séquestre, il peut être accordé des secours à la femme, aux enfans, au père ou mère de l'accusé, s'ils sont dans le besoin. » D'où l'on déduisait cette conséquence, que la même disposition n'ayant pas été reproduite à l'égard de la famille des condamnés contradictoires, elle n'avait droit à aucun aliment, à aucun secours sur la fortune de ces condamnés. C'est pour obvier à cet inconvénient que M. Emm. Poulle proposa, dans les discussions relatives à la révision du Code

ou de la réclusion, sera, de plus, pendant la durée de sa peine, en état d'interdiction légale; il lui sera nommé un tuteur et un subrogé tuteur pour gérer et administrer ses biers, dans les formes prescrites pour les nominations des tuteurs et subrogés-tuteurs aux interdits. (Voyez à l'appendice l'article correspondant du Code de 1810.

Art. 30. Les biens du condamné lui seront remis après qu'il aura subi sa peine, et le tuteur lui rendra compte de son administration. (Méme observation.)

Art. 31. Pendant la durée de sa peine, il ne pourra lui être remis aucune somme, aucune provision, aucune portion de ses revenus.

pénal, un article additionnel ainsi conçu: «Le tuteur pourra faire remise à la famille du condamné d'une partie de ses revenus, à titre de secours, en vertu d'une délibération du conseil de famille, laquelle sera homologuée par le tribunal de 1re instance du domicile du condamné [1]. » Cet article, qui n'était que la reproduction d'une disposition du Code pénal de 1791 [2], fut repoussé parce qu'il parut inutile. En effet, d'après l'art 29 du Code pénal, le condamné est entièrement assimilé à l'interdit, en ce qui concerne l'administration de ses biens. Or le Code civil a tracé les règles d'après les quelles les biens d'un interdit doivent être administrés. Si la famille du condamné se trouve dans le besoin, elle doit s'adresser au tuteur, et elle en reçoit les secours qui lui sont nécessaires, avec l'autorisation du conseil de famille. Cette faculté, reconnue par la loi civile, semble suffire aux familles dont l'un des membres est frappé d'une condamnation temporaire.

L'objection tirée de l'art. 475 du Code d'instruction criminelle n'est pas fondée. En effet, la loi n'a pas appliqué le même mode d'administration aux biens des condamnés par contumace ou contradictoirement. Ceux-ci sont régis comme biens d'interdit; ceux-là comme biens d'absent (art. 471 C. d'inst. cr.). Les premiers sont administrés par un tuteur sous la surveillance d'un conseil de famille : les autres passent dans les mains de l'administration des domaines, qui leur applique les règles administratives. Il fallait done, dans ce dernier cas, créer une disposition formelle en faveur de la famille tel a été l'objet de l'art. 475. Mais elle était moins nécessaire dans le cas d'interdiction, puisque les biens ne sortaient pas des mains de cette famille, et le Code pénal a pu sans danger s'en référer aux règles du droit commun. Ce ne serait qu'en étendant ces règles à un cas non prévu par le Code civil, à celui d'une peine perpétuelle, qu'elles deviendraient insuffisantes.

M. Gaillard-Kerbertin avait proposé, dans la même discussion, de définir l'expression trop vague de famille, de déterminer à quelles per

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sonnes les alimens sont dus. C'est ainsi que le Code pénal de 1791 limitait ce droit à la femme, aux enfans, au père et à la mère. Mais la solution de cette difficulté paraît se trouver dans les art. 203, 205, 206 et 207 du Code civil. Là sont les règles communes qui doivent s'étendre à toutes les questions de cette nature. C'est donc avec raison que cette proposition ne fut point accueillie [3].

Au reste l'interdiction, telle que le Code civil l'a établic, se trouve modifiée par l'art. 31 du Code pénal, qui défend de remettre aux condamnés, pendant la durée de la peine, aucune somme, aucune provision, aucune portion de leurs revenus. C'est là ce qui imprime à cette interdiction un caractère spécia!, ce qui la sépare du droit commun.

Cette mesure a paru trop absolue à quelques esprits. On lit dans les discussions du conseil d'Etat, que M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angely) en avait demandé la suppression, parce que, disait-il, la prohibition était trop rigoureuse, et qu'elle serait sans cesse éludée. M. Redon proposait de laisser à l'administration la faculté de remettre des secours aux condamnés dans la proportion de leurs besoins. Mais M. Treilhard et M. Berlier firent écarter cette proposition, en soutenant qu'on introduirait un privilége scandaleux en faveur des criminels riches, et une inégalité choquante entre divers hommes qui doivent subir la même peine [4].

M. Carnot a reproduit l'opinion émise par MM. Regnaud et Redon. « N'y avait-il donc, dit ce criminaliste, aucun moyen à prendre pour allier les principes de l'humanité avec ceux d'une rigoureuse justice? Tous les intérêts n'auraient-ils pas été ménagés, si le Code avait autorisé le conseil de famille à fixer le montant des sommes que le curateur aurait dû remettre entre les mains des administrateurs des prisons, pour subvenir aux plus pressans besoins du condamné? Les individus qui se sont rendus coupables de crimes, ne méritent sans doute aucune faveur; mais peut-on regarder comme une simple faveur, de subvenir aux besoins que réclame l'humanité [5] ? »

sa femme, à ses enfans, à son père ou à sa mère, s'ils sont dans le besoin. »

[3] Code pénal progressif, pag. 150. [4] Procès-verbaux du conseil d'Etat, séance du 8 oct. 1808. Locré, t. 15, éd. Tarlier.

[5] Comment. du Code pén., tom. I, pag. 105.

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