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forte L'hyver y eft doux peut-être à caufe de la chaleur de l'Océan, car il paroît que l'eau de mer eft moins froide que l'eau douce. Les vignes de la meilleure efpece y réuffiffent bien. La culture des figuiers s'y fait par art, mais avec fuccès : les habitans couvrent ces arbres durant l'hiver, avec de la paille de froment & d'autres matieres propres à empêcher l'effet des grands froids. Strabon décrivant la Gaule Narbonnoife dit, qu'elle produit toutes les efpeces de fruits qui viennent en Italie: il ajoute, que vers le Septentrion, la Gaule produit également les mêmes fruits, à l'exception des olives, des figues & des raisins, qui y mûriffent difficilement. C'eft auffi à-peu-près ce qu'en écrivent Céfar & Varron. Ce dernier (de Re ruft.) dit, que dans la Gaule Tranfalpine & vers le Rhin, il y a quelques cantons où la vigne, l'olivier & les autres fruits ne viennent pas, à moins qu'on n'ait engraiffé la terre avec une craie blanche foffile, ce qu'il faut entendre de la marne. Mais ce que Claudien, Lucien, Pétrone, Diodore & Cicéron difent du froid exceffif & des glaces de la Gaule, peut paffer pour exagéré.

S'il en faut croire Pline, ce fut un artisan Helvétien, nommé Elicon, qui le premier transporta dans la Gaule le figuier, l'olivier & la vigne. Les vendanges ne tarderent pas à y devenir abondantes ; & on recueillit dans ce pays une fi grande quantité de vins, que dans la fuite les Romains y vinrent faire leurs provifions; ce que Columelle rapporte avec une forte de reproche pour fes compatriotes. C'étoit, fuivant le récit de Plutarque, la ville de Vienne, qui faifoit à Rome les envois ordinaires de ce vin nommé Picatum, fi eftimé des Anciens. Que veulent donc dire Vopifcus & Eufebe, lorfqu'ils écrivent que l'Empereur Probus permit aux Gaulois de faire des plantations de vignes? De favans hommes ne le comprennent pas encore aujourd'hui. Quelques-uns penfent que jufqu'au regne de Probus, il n'y avoit encore eu de vignes que dans la Gaule Braccate ou Narbonnoise, c'eft-à-dire, dans la Province Romaine, & que jufqu'alors on n'en avoit point planté dans le refte de cette région. Mais cela ne peut être vrai, puifque Pline, qui vivoit long-temps avant l'Empereur Probus, fait mention des vins de Berri & de l'Auvergne. Diodore affure pour fon temps, que la Gaule Comate ne produifoit point de vin. Céfar ( lib. IV, de Bello Gall.), compare pour la fobriété & la tempérance les Sueves de la Germanie, aux Ner

viens de la Gaule, c'est-à-dire, aux peuples du Hainaut. Ils ne fouffrent point, dit-il, que l'on porte chez eux du vin, parce qu'ils penfent que cette liqueur rend les hommes qui en boivent, mous, efféminés, & peu propres à fupporter les travaux & les fatigues. Aujourd'hui la Gaule, ou plutôt la France, produit des vins excellens de toute forte. Cependant la nature du fol fe refufe en quelques provinces à la culture de la vigne. Elle ne réuffit pas dans la plus grande partie de la Bretagne, en Normandie, en Picardie, en Flandre, &c.; cette production y eft remplacée par des pommes & des poires, dont on fait une boiffon faine, qu'on appelle cidre & poiré. C'eft la France qui fournit des vins à l'Angleterre, à la Hollande, à tous les pays du Nord, où le froid du climat ne permet point de cultiver la vigne.

Pline remarque que la Gaule produit le vaciet, où on l'emploie pour la teinture des vêtemens des esclaves. Le vaciet, autrement dit l'airelle ou mirtile, est un arbuste affez ressemblant au myrte: il a les feuilles un peu oblongues, & produit des baies noires ou purpurines, bonnes à manger. Il en croît beaucoup dans les forêts de la baffe Normandie & du Maine, où le peuple en appelle le fruit morets ou fantines, & s'en nourrit. La Gaule produit le coccum: c'est la graine ou les baies d'un arbriffeau, dont on fait ufage pour la teinture d'écarlate. Galien attefte qu'on tiroit de la Gaule le nard, avec quoi les Anciens faifoient la thériaque. La culture des lins dans la Gaule, ainfi que les toiles que l'on en faifoit pour les voiles de vaisseaux, y faifoient une branche confidérable de fon commerce. On peut obferver néanmoins, que les voiles des navires ne fe faifoient pas de lin dans tous les pays, puisque Céfar nous apprend que les peuples du Diocèfe de Vannes en Bretagne, employoient pour cela des peaux de bêtes au lieu de toiles. Le lin & le chanvre font encore aujourd'hui un objet des plus confidérables du commerce de la France. C'est ce Royaume qui approvifionne l'Espagne de cordages & de voiles pour la marine, &c.

Les terres de la Gaule qui ne font point occupées par les grains & les fruits, fervant immédiatement à la nourriture de l'homme, fourniffent de gras pâturages, où l'on éleve de nombreux troupeaux, de toutes fortes de beftiaux. On peut dire en un mot, que les habitans y font dans une parfaite abondance de tout ce qui eft néceffaire pour le comeftible & le vêtement, de viandes, de laitages, de beures, de fromages, de laines, de peaux, de cuirs

&c. Sidoine Apollinaire, dans fon Panégyrique de Majorien, vante la richeffe de la Gaule, en nourritures de troupeaux. Ariftote a écrit qu'on n'y voyoit point d'ânes; il y en a beaucoup aujourd'hui. Trébellius Pollion (in D. Claudio), fait l'éloge des Cavalles de la Gaule, renommées dans l'antiquité. Ce pays nourriffoit autrefois de grandes meutes de chiens; c'eft de quoi rendent témoignage les Poëtes: Ovide, Oppien, Gratius, le Grammairien Pollux, & l'Orateur Euphrada. Pline affure avoir vu dans l'arene du grand Pompée, un loup cervier pris dans la Gaule. Strabon écrit qu'on y voyoit des porcs, auffi remarquables par leur taille & leur force, que par leur légéreté à courir: auffi Athénée rapporte-t-il que la Gaule avoit la réputation de faire les meilleurs jambons; & le même Strabon affure qu'il y en avoit une si grande quantité dans ce pays, que non-feulement la ville de Rome mais l'Italie entiere y venoit faire fes fournitures. Varron observe de même (de Re ruft. lib. II, cap. IV.), que tous les ans on apportoit de la Gaule à Rome, des jambons, des fauciffes, des cervelas, &c. On lit la même chofe dans Pline. Le même Varron (de L. L.) dit, qu'on trouvoit en Gaule des lievres d'une grandeur extraordinaire : il fait auffi mention des laines de ce pays, ainfi que Strabon, qui ne fait pas l'éloge de leur finefse.

Pline fait une courte defcription de certains oifeaux particuliers à la Gaule feptentrionale, & vers l'Océan, qu'il appelle Onocrotales; ce mot fignifie: qui a le cri d'un áne. Ils font peu différens du cigne. Il n'oublie pas le faumon qu'on y trouve dans les fleuves, ni le phyfetere où fouffleur, poiffon marin d'une grandeur prodigieufe, lequel s'élevant en forme de colonne, & plus haut que les voiles d'un navire, lance au loin un déluge d'eaux. C'eft auffi dans les parages de la Gaule que cet Auteur place les poiffons appellés Néreïdes, les éléphans & les béliers marins. Stobée rapporte, d'après Callifthene, que dans la Saone, il naît un grand poiffon, que ceux du pays appellent Clupea, lequel au croiffant de la lune eft blanc, & noir après la pleine lune; & lorfque fon corps a pris toute fa croiffance, il perit par fes propres épines ou picquans. On dit qu'on trouve dans la tête de ce poiffon, une pierre femblable à un grain de fel, laquelle portée fufpendue au côté gauche, dans le temps que la lune eft décroiffante, guérit de la fievre quarte. Michel Glycas, d'après Anaftafe, appelle cette pierre Clopias : & Plutarque la nomme Scolo

pidon. Pline raconte, fur la foi de Varron, qu'on a vu autrefois une fi prodigieufe quantité de grenouilles dans la Gaule, qu'elles obligerent les habitans d'une grande ville de ce pays à l'abandonner, pour aller s'établir ailleurs. Enfin voici ce qu'on lit au fujet des poiffons foffiles, dans Pomponius Méla ( lib. II. in fine), dans l'endroit où il traite de la Gaule Narbonnoise : On y voit, dit-il, couler une fontaine, dont les eaux, loin d'être douces, font plus falées que celles de la mer. Tout près eft un terrein couvert de gramen arondinacée, qui fait une agréable verdure; mais ce terrein eft fufpendu fur des eaux cachées & ftagnantes; ce qui le prouve, c'eft que fa partie du milieu eft détachée du refte, & forme comme une ifle flotante, que l'on peut mouvoir à son gré en la pouffant ou en la tirant. Si l'on en précipite quelques parcelles, auffitôt elles reviennent & furnagent. C'est delà, ajoute-t-il, que les Auteurs Grecs & Romains, foit faute de connoître la vérité, foit par le plaifir de raconter d'agréables menfonges, ont prit occafion d'écrire, & de tranfmettre à la postérité, que dans ce pays il fort de la terre un poiffon, qui ayant pénétré du fond de la mer jusques là, y eft tué & tiré mort par les habitans du pays. Il paroît, dit Paul Mérula de qui je tiens ces recherches, que par les Grecs dont Méla fufpecte ici la fincérité, il veut parler de Strabon & d'Athénée. Le premier dit (lib. VI.), que près du Tet (qui coule à Perpignan), & à affez peu de distance de la mer, il y a un lieu d'une nature humide & rempli de falines, duquel on tire des poiffons, que l'Auteur appelle Keftreis (mugiles, des mulets). Lorsque vous avez fouillé la terre, dit-il, à deux ou trois pieds de profondeur, vous trouvez, en y enfonçant une pointe de fer en harpon, de ces fortes de poiffons, & de la grandeur ordinaire : ils vivent dans la boue comme les anguilles. A l'égard d'Athénée, il dit (lib. VIII.), d'après Polybe (lib. XXXIV.), que depuis les montagnes des Pyrénées, jufqu'à Narbonne, il y a une plaine, au milieu de laquelle coulent le Tec & le Tet; que dans cette plaine on trouve des poiffons qu'on appelle poiffons foffiles; que le terroir de ce local eft léger & rempli d'herbes; que la terre étant fablonneuse à deux ou trois coudées de profondeur, on y rencontre de l'eau qui s'y eft répandue des fleuves voifins, & y coule dans des ruiffeaux fouterreins; que les poiffons fuivent le cours de ces ruiffeaux, pour y chercher de la nourriture; & qu'enfin, comme ils

aiment la racine des herbes, tout l'intérieur des terres de ce rivage eft rempli de ces poiffons, que les habitans prennent, après avoir enlevé la peloufe. On peut ajouter ici ce qu'Ariftote (In admirandis) raconte, favoir que fur les confins des terres de la République de Marseille, & du côté de la Ligurie, il y a un lac, dont les eaux bouillonnantes venant à fe répandre au dehors, jettent, contre toute croyance, une multitude prodigieuse de poiffons.

Strabon écrit qu'il y a des mines d'or & d'argent dans la Gaule; que les montagnes des Cévenes produifent un or très-pur, mais

que le pays des Tarbelles, peuples qui habitoient ce qu'on appelle

pas

aujourd'hui le Labourd, aux environ de Baïonne, fournissoit l'or le plus pur que l'on connût. Le même Auteur parle des mines de fer du Périgord & du Berri. Il y a, fuivant Athénée, des mines d'or dans divers cantons du pays des Celtes. Aufone donne l'épithete d'Aurifer au Tarn, qui coule dans l'Aquitaine. Diodore dit qu'il y a dans la Gaule plufieurs fleuves qui charrient de l'or; auffi lifons-nous dans Procope, que les Gaulois faifoient fabriquer des monnoies de l'or de leur fol, & qu'ils ne faisoient porter l'empreinte & l'image des Empereurs Romains, comme faifoient les autres peuples, mais qu'ils les revêtoient d'attribus analogues à la nation. Caffiodore (lib. VII. Varior. 37.) parle de la monnoie des Gaulois. Cette région paffoit, parmi les Anciens pour un pays riche en métaux précieux, & opulent : plufieurs Ecri vains en ont confacré les témoignages dans leurs ouvrages comme Manilius, Dion, Jofeph, & les Oracles Sybillins. Et, fi Diodore a écrit que la Gaule n'avoit point de mines d'argent d'un autre côté Athénée raconte, qu'une forêt dans les Pyrénées ayant été réduite en cendres par un incendie, on en vit couler des ruiffeaux d'argent, tant en Gaule, qu'en Espagne. Strabon parle auffi des mines d'argent dans le Rouergue & le Gevaudan. Il y a en plufieurs endroits de la Gaule, des mines de cuivre comme l'attefte Céfar. On y trouve des améthiftes, felon Pline & du corail, vers les Ifles Stéchades, aujourd'hui d'Hyeres. Dion de Prufe, dit que dans un fleuve du pays des Celtes, on ramaffe de l'ambre jaune & du fuccin.

Le Royaume de France, qui occupe aujourd'hui la Gaule Tranfalpine des Anciens, moins une étendue de vingt-quatre millions d'arpens de terre, eft un des plus grands, des plus floriffans, des

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