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et par l'union de l'infini avec le fini, a mis, par l'inviolable conception de la Vierge Marie, son essence divine dans un corps mortel, et s'est ainsi fait homme exempt de souillure: il est à la fois entièrement homme et entièrement Dieu, opérant par sa toute-puissance, dans sa chair sacrée, des choses au-dessus de la nature de la chair, et dans son humanité sainte, des choses en dehors de sa divinité même. Son corps n'a aucune action divine, et sa divinité ne fait rien d'humain ; sa divinité et son humanité conservent ainsi chacune leur propre nature, coopérant, chacune en ce qui leur convient, à l'acte divin de l'humanité du Verbe, qui est exempte de toute infirmité. C'est ce qui explique pourquoi Béron, confondant sans raison, et puis séparant de même la divinité et l'humanité du Christ, aboutit à une négation absolue: ne voyant pas que le même acte opéré par les deux natures suppose leur intime union et leur coexistence.

FRAGMENT

DU TRAITÉ DE SAINT HIPPOLYTE

Contre L'HÉRÉSIE de noétius. (1)

I. Quelques-uns ont mis en avant une autre doctrine, se faisant les disciples et l'écho d'un certain Noétius, mort depuis peu, et qui était originaire de Smyrne. Ce Noétius, tout gonflé d'orgueil, se disait inspiré par un génie particulier. Il soutenait que le Christ était la même personne que le Père, et que le Père, comme le Fils, s'était fait homme et avait souffert. Et voyez où l'ont conduit l'engoûment de son orgueil et l'inspiration de cet étrange génie. Ses actions nous ont assez fait voir qu'il ne parlait pas avec un cœur pur; car celui qui blasphème contre le Saint-Esprit s'est déshérité lui-même du ciel. Il disait qu'il était Moïse, et que son frère était Aaron. Quelques saints prêtres l'ayant entendu professer de pareilles erreurs, l'amenèrent devant les chefs de notre Église, et firent un examen de sa doctrine. Alors, s'enveloppant de détours, il soutint que dans le fond ce n'était point là ce qu'il avait voulu dire. Quelque temps après, il revint à sa première erreur, et ayant rassemblé autour de lui quelques sectaires

(1) Traduit du grec par F. Turrianus.

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qui partagaient son erreur, il voulait soutenir publiquement son hérésie. Les prêtres le citèrent de nouveau au tribunal de l'Église, où il fut réprimandé. Cependant il résistait, en disant : Quel mal puis-je faire si je continue de vénérer le Christ? Mais les prêtres, chargés de le juger, lui répondaient : Nous savons qu'il n'y a qu'un seul Dieu; nous savons que le Christ, son Fils, a souffert comme il souffert; qu'il est mort ainsi qu'il est mort; et qu'il est ressuscité le troisième jour, qu'il est assis à la droite du Père, et qu'il viendra juger les vivants et les morts. Nous disons cela, parce que l'Eglise nous l'a appris. L'ayant ainsi convaincu d'hérésie, ils le retranchèrent de la communauté des fidèles, auxquels il voulait, dans l'égarement de son orgueil, communiquer ses erreurs.

II. Ces sectateurs de Noétius font donc tous leurs efforts pour établir leur hérésie; et ils cherchent à s'appuyer de ce qui est dit dans la loi (1) : « Je suis le Dieu de vos pères: <«< vous n'aurez pas d'autres dieux que moi. » Et encore dans un autre endroit : « Je suis le premier et le dernier r; « et après moi, il n'y en a aucun autre (2). » Ils allèguent que ces passages prouvent qu'il n'y a qu'un seul Dieu; et ils ajoutent : « Si nous confessons que le Christ est Dieu, il « faudra bien en conclure qu'il est le Père, puisqu'il est << Dieu. Le Christ-Dieu a souffert dans sa passion; donc le « Père aussi a souffert; car il était le Père lui-même. » Mais c'est-là une erreur, et les Écritures ne parlent point dans ce sens. Ils présentent encore d'autres sophismes : ainsi, disent-ils, il est encore écrit (3) : « C'est lui qui est « notre Dieu, et nul autre ne subsistera devant lui, si on <«<le compare à lui. C'est lui qui a trouvé toutes les voies << de la vraie science, et qui l'a donnée à Jacob, son ser« viteur, et à Israël, son bien-aimé. Après cela, il a été <<< vu sur la terre, et il a conversé avec les hommes. >> Vous voyez bien, disent-ils, que c'est-là le Dieu qui est seul et

(1) Exod. III, 6. ; xx, 3.

(2) IS. XLIV, 6; XLIV, 5. (3) Baruch, 11, 36.

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unique, le même qui, plus tard, a été vu sur la terre, et qui a conversé avec les hommes. Et dans un autre endroit, il est dit encore (1); « L'Égypte, avec tous ses tra<< vaux, l'Éthiopie, avec son trafic, et Saba, avec ses « hommes d'une haute taille, tous ces peuples passeront « vers vous, ô Israël! ils seront à vous; ils marcheront après vous; ils viendront les fers aux mains; ils se pros<< terneront devant vous, et ils vous prieront avec soumis<<<sion ; ils diront: Il n'y a de Dieu que chez vous, et il n'y << a point d'autre Dieu que le vôtre. » Ainsi, vous le voyez, nous disent-ils encore, comme les Écritures annoncent toujours un seul Dieu! Ainsi, voilà leurs aveux bien connus; après avoir posé la question d'après les dires de nos adversaires, nous allons la soumettre à un sérieux examen. Ils disent donc que le Christ était Dieu, et que, quoiqu'il fût Dieu, il a souffert pour nous, afin de nous sauver. Et ils confessent qu'ils ne peuvent dire autrement, puisque l'Apôtre lui-même confesse un seul et unique Dieu, lorsqu'il dit (2): « De qui les Patriarches sont les pères, et <«< desquels est sorti selon la chair Jésus-Christ même, qui «<est Dieu, au-dessus de tout, et béni dans tous les siè«< cles. >>

III. Telles sont les autorités qu'ils nous opposent en altérant tous les textes, comme fit Théodotus, qui voulait prouver que le Christ n'était qu'un homme. Mais ni les uns ni les autres n'ont entendu le sens des saintes Écritures; et leur ignorance même étant démontrée, elle devient une preuve de plus en faveur de la vérité. Voyez, en effet, mes frères, quel sophisme téméraire et dangereux ils ont avoué, quand ils ont dit avec impudence: Le Christ est le Père; il est le Fils; c'est lui qui a souffert, et qui est ressuscité d'entre les morts. Mais ce n'est pas là le véritable sens : les Écritures parlent juste; mais Noétus les explique à sa guise, et leur fait dire tout autre

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chose. Mais faut-il rejeter les Écritures, parce que Noétius ne les entend pas? Quel Chrétien, en effet, ne confesse pas un seul Dieu; mais de là s'ensuit-il qu'il nie le véritable sens de l'Incarnation? Rétablissons donc d'abord le vrai sens des textes; exposons d'abord comment il faut entendre que Dieu le Père est un seul Dieu (1) « qui est le <<< Père de tout ce qui est, de qui toutes choses tirent leur être, et qui nous a faits pour lui (2). »

«

IV. Mais auparavant, commençons, comme je l'ai annoncé, par réfuter l'erreur; nous exposerons ensuite la vérité. Il est donc dit : « L'Égypte, avec tous ses travaux, « l'Ethiopie avec son trafic, et Saba....., » et ce qui suit jusqu'à cet endroit où il est dit : « Tu es le Dieu sauveur « d'Israël. » Nos adversaires citent ce passage sans avoir l'intelligence de ce qui précède; car, agissant avec ruse et malice, ils tronquent les saintes Ecritures. Ils n'ont qu'à reprendre le texte dans son entier, et ils trouveront le vrai sens de la fin du passage. Le chapitre commence un peu plus haut, et c'est là où il faut se reporter pour voir à qui le prophète parle et de quoi il parle. Ainsi, on lit plus haut et au verset 11 (3): « Interrogez-moi sur mes << fils et mes filles, et sur les ouvrages sortis de mes mains. « C'est moi qui ai fait la terre, et qui ai créé l'homme « pour l'habiter; mes mains ont fondé les cieux ; c'est moi qui commande aux astres; c'est moi qui le susciterai « pour faire régner la justice, et qui aplanirai devant « lui tous les chemins. Il rebâtira la ville qui m'est con« sacrée, et il renverra libres mes captifs sans rançon ni « présent, ainsi dit le Dieu des armées. Voici ce que dit le Seigneur L'Egypte avec tous ses travaux, l'Ethio<«< pie avec son trafic,» et tout le reste du passage que nous avons déjà rapporté. De quel Dieu donc veut ici parler le prophète, si ce n'est de Jésus le Christ, Verbe du Père, et de sa venue future sur la terre? Et plus loin, il prédit

(1) Eph. I, 15. (2) Cor. VIII,

6. (3) Is. xLv, 11 et suiv.

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