Images de page
PDF
ePub

>> entièrement la gravité », comme on a vu dans sa Somme même, et dans son Commentaire sur saint Paul, où il paroît revenir plus précisément aux expressions des saints Pères, il met avec eux la plaisanterie au nombre des vices repris par cet apôtre. Il étoit ordinaire aux Pères de prendre à la lettre la parole de notre Seigneur : Malheur à vous qui riez, car vous pleurerez. Saint Basile, qui en a conclu qu'il n'est permis de rire «< en >> aucune sorte; oùdénote, xadólov: quand ce ne >> seroit qu'à cause de la multitude de ceux qui >> outragent Dieu en méprisant sa loi (1) », tempère cette sentence (2) par celle-ci de l'Ecclésiastique (3): « Le fou éclate en riant, mais le sage » rit à peine à petit bruit », et d'une bouche timide. Conformément à cette sentence, il permet, avec Salomon, « d'égayer un peu le visage par >> un modeste souris »; mais pour ce qui est de «< ces grands éclats et de ces secousses du corps », qui tiennent de la convulsion; selon lui, elles ne sont pas d'un homme « vertueux, et qui se pos» sède lui-même ». Ce qu'il inculque souvent (4), comme une des obligations du christianisme.

S'il faut pousser ces maximes à toute rigueur et dans tous les cas, ou s'il est permis quelquefois d'en adoucir la sévérité, nul homme ne doit entreprendre de le décider par son propre esprit. Dieu, qui sait la valeur des biens qu'il nous promet, et les secours qu'il nous donne pour y par

(1) Reg. brev. int. xxx1 ; tom. 11, pag. 425. — (2) Reg. fus. interr. XVII; tom. 11, pag. 360. (3) Eccli. xx1. 23. — (4) Constit. mon. cap. x1; sup. Epist. xx11, ol. 411, n. 1; tom. III, pag. 99.

[blocks in formation]

xxxIII. Passages de sur le sérieux de la vie

saint Basile

chrétienne.

venir, sait aussi à quel prix il les doit mettre. Il ne faut pas du moins, que nos foiblesses nous empêchent de reconnoître la sainte rigueur de sa loi, ni d'envisager le maintien austère de la vertu chrétienne au contraire, il faut toujours voir la vérité toute entière, afin de reconnoître de quoi nous avons à nous humilier, et où nous sommes obligés de tendre. On ne peut pousser plus loin l'obligation d'un chrétien, que fait saint Basile sur cette parole de notre Seigneur : «< On » rendra compte au jugement d'une parole inu» tile (1) » : lorsque demandant ce que c'est que cette parole appelée par le Fils de Dieu à un si sévère jugement; il répond (2) que a toute parole

qui ne se rapporte pas à l'utilité que nous de»vons rechercher en notre Seigneur, est de ce » genre et, continue-t-il, le péril de proférer » de telles paroles est si grand, qu'un discours » qui seroit bon de soi, mais qu'on ne rapporte» roit pas à l'édification de sa foi, n'est pas exempt » de péril, sous prétexte du bien qu'il contient; >> mais que dès-là qu'il ne tend pas à édifier le >> prochain, il afflige le Saint-Esprit » : ce qu'il prouve par un passage de l'Epître aux Ephésiens. << Or, conclut-il, quel besoin de dire; quel mal » c'est d'affliger le Saint-Esprit »?

Partout ailleurs il confirme la même doctrine (3), et il ne faut pas s'imaginer qu'il ne parle que pour les moines; puisqu'au contraire, et ses paroles et ses preuves et tout l'esprit de ses

(1) Matt. 111. 36. —— (2) Reg. brev. int. xx11; tom. II, pag. 423.

[blocks in formation]

discours, démontrent qu'il veut proposer les obligations communes du christianisme, comme étant d'autant plus celles des moines, qu'un moine n'est autre chose qu'un chrétien qui s'est retiré du monde pour accomplir tous les devoirs de la religion chrétienne.

» que

Que si l'on dit qu'en tout cas les défauts que reprend ici saint Basile sont des péchés véniels, et que pour cela on les appelle petits péchés; ce père ne souffrira pas ce discours à un chrétien. << Il n'y a point, dit-il (1), de petit péché : le grand péché » est toujours celui que nous commettons, parce c'est celui-là qui nous surmonte, et le petit » est celui que nous surmontons ». Et encore qu'il soit véritable en un sens de comparaison, qu'il y a de petits péchés, le fidèle ne sait jamais avec certitude jusqu'à quel point ils sont aggravés par le violent attachement d'un cœur qui s'y livre, et il doit toujours trembler à cette sentence du sage: Qui méprise les petites choses, tombe peu à

[ocr errors]
[blocks in formation]

XXXIV.

Conséquen. ce de la doc

trine préce

Par tous ces principes des saints Pères, sans examiner le degré de mal qu'il y a dans la comédie, ce qui dépend des circonstances particulières, on voit qu'il la faut ranger parmi les choses les plus dente. dangereuses; et en particulier on peut juger si les Pères, ou les saints docteurs qui les ont suivis, et saint Thomas comme les autres, avec les règles sévères qu'on vient d'entendre de leur bouche, auroient pu souffrir les bouffonneries de nos théâtres, ni qu'un chrétien y fît le ridicule per

(1) Reg. brev. int. ccxc; tom. 11, p. 518. — (2) Eccli. xIx. 2.

XXXV.

sonnage de plaisant. Aussi ne peut-on pas croire qu'il se trouve jamais un homme sage qui n'accorde facilement, du moins qu'être bouffon de profession, ne convient pas à un homme grave, tel qu'est sans doute un disciple de Jésus-Christ. Mais dès que vous aurez fait ce pas, saint Chrysostôme retombera sur vous avec une étrange force, en vous disant : C'est pour vous qu'un chrétien se fait bouffon: c'est pour vous qu'il renonce à la dignité du nom qu'il porte : « ôtez les audi»teurs, vous ôterez les acteurs » : s'il est si beau « d'être plaisant sur un théâtre, que n'ouvrez» vous cette porte aux gens libres (1) »? nous dirions maintenant aux honnêtes gens : « quelle » beauté dans un art où l'on ne peut exceller » sans honte »? et le reste.

Saint Thomas, comme on a vu, marche sur ses pas; et s'il a un peu plus suivi les idés, ou si vous voulez les locutions d'Aristote; dans le fond il ne s'est éloigné en rien de la régularité des saints Pères.

Cela posé, il est inutile d'examiner les sentiConclusion mens des autres docteurs. Après tout, j'avouerai de tout ce sans peine, qu'après s'être long-temps élevé contre les spectacles, et en particulier contre le théâ

discours.

1 tre, il vint un temps dans l'Eglise qu'on espéra de le pouvoir réduire à quelque chose d'honnête ou de supportable, et par-là d'apporter quelque remède à la manie du peuple envers ces dangereux amusemens. Mais on connut bientôt que le (1) Hom. vi in Matt. Hom. xvп in Ep. ad Eph. n. 3; tom. XI, pag. 125.

plaisant et le facétieux touche de trop près au licencieux, pour en être entièrement séparé. Ce n'est pas qu'en métaphysique, cette séparation soit absolument impossible, ou, comme parle l'Ecole, qu'elle implique contradiction: disons plus, on voit en effet des représentations innocentes; qui sera assez rigoureux pour condamner dans les colléges celles d'une jeunesse réglée à qui ses maîtres proposent de tels exercices pour leur aider à former ou leur style ou leur action, et en tout cas leur donner surtout à la fin de leur année quelque honnête relâchement? Et néanmoins voici ce que dit sur ce sujet une savante compagnie qui s'est dévouée avec tant de zèle et de succès à l'instruction de la jeunesse (1) : « Que » les tragédies et les comédies, qui ne doivent » être faites qu'en latin, et dont l'usage doit être » très-rare, aient un sujet saint et pieux : que » les intermèdes des actes soient tous latins, et » n'aient rien qui s'éloigne de la bienséance, >> et qu'on n'y introduise aucun personnage de » femme ni jamais l'habit de ce sexe ». En passant, on trouve cent traits de cette sagesse dans les réglemens de ce vénérable institut: et on voit en particulier, sur le sujet des pièces de théâtre, qu'avec toutes les précautions qu'on y apporte pour éloigner tous les abus de semblables représentations, le meilleur est, après tout, qu'elles soient très-rares. Que si, sous les yeux et la discipline de maîtres pieux, on a tant de peine à ré(1) Rat. Stud, tit. reg. Rect. art. 13.

« PrécédentContinuer »