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Bible, et en entendre l'interprétation, c'est prier aussi et prendre part aux œuvres de bienfaisance que l'Église patronne. Dans cet ordre d'idées, il y a un domaine pour la piété, il y en a un autre pour les affaires séculières, profanes. Les chrétiens ne diront pas que celui qui est bon fils, bon citoyen, bon industriel ou fonctionnaire, est un homme pieux; ils diront que celui-là est pieux qui accomplit certains actes religieux. L'amour de Dieu, tel que le protestantisme avancé le comprend, conduit à un tout autre culte. Parker résume en quelques maximes ce que c'est qu'aimer Dieu. Aimer Dieu, c'est aimer la vérité, non pour l'avantage qu'elle procure, mais parce que c'est la vérité, et que Dieu est la vérité. Aimer Dieu, c'est aimer tout ce qui est beau et bon, car Dieu est l'amour. Aimer Dieu, c'est aimer tout ce qu'il y a de divin dans les hommes, car c'est Dieu qui vit en eux. L'amour de Dieu, ainsi compris, ne se contente plus de l'adoration, du culte que l'humanité dans son enfance voue à la puissance inconnue dont elle cherche à se concilier la faveur. Aujourd'hui la religion s'identifie avec la morale. Dès lors, l'amour de Dieu ou la piété ne peut plus être ce qu'elle était jadis; expression d'une religion morale, elle doit se manifester par des actes moraux. Nous avons un modèle de piété que les chrétiens ne renieront pas. Jésus-Christ passa sa vie, non à prier dans les synagogues, mais à faire le bien. Voilà la vie pieuse par excellence. Donc aimer Dieu, l'adorer, le servir, c'est aimer les hommes, en leur faisant tout le bien que nous pouvons leur faire, dans la position où Dieu, nous place et avec les facultés qu'il nous donne (1). Celui qui aime les hommes et qui les sert est un homme pieux.

Cette conception de la piété ou de l'amour de Dieu change complétement la notion du culte que nous lui devons. Elle fait tomber la distinction des actes en pieux ou religieux, et en profanes ou séculiers. Toutes les actions, toutes les pensées des hommes sont religieuses, quand elles sont inspirées par l'amour de Dieu, ou ce qui revient au même, par l'amour des hommes. Il y a donc des actes, dits profanes, qui sont des actes de piété, tandis qu'il y a tels actes de piété qui sont plus que profanes, qui sont une violation.

(1) Parker, de la Piété et de ses rapports avec la vie humaine. (Sammtliche Werke, t. III, pag. 3, 5, 6, 16, 19, 20.)

des devoirs que Dieu nous impose. L'Église applaudit, comme à un acte d'héroïsme, à la jeune fille qui foule aux pieds les sentiments de la nature, en délaissant père et mère, pour s'enfermer dans un cloître. Cela s'appelle aimer Dieu, sacrifier les liens de la chair à l'amour de Dieu. Les Barbares qui sacrifiaient des hommes, et jusqu'à leurs propres enfants à des divinités sanguinaires, croyaient aussi faire un acte de sublime piété, alors qu'ils commettaient le plus abominable des crimes. Si le père qui immole son enfant, écoutait le cri du cœur, il reculerait épouvanté devant un sacrifice que les prêtres lui représentent comme agréable à Dieu. Si la jeune fille qui abandonne père et mère, écoutait la voix de la nature, elle se garderait de violer le premier devoir que la nature lui impose, celui d'aimer les auteurs de ses jours. C'est parce qu'elle croit qu'il y a un devoir plus sacré, un amour supérieur à l'amour filial, l'amour de Dieu, qu'elle méconnaît la voix de la conscience. Il importe donc que la religion apprenne aux hommes, qu'aimer Dieu, c'est aimer leurs semblables, il importe de leur apprendre qu'il n'y a point de devoirs supérieurs à ceux de la nature. L'amour de Dieu, tel que le conçoit le christianisme traditionnel, tel que les âmes les plus dévouées le pratiquent, conduit trop souvent à ne pas aimer les hommes. L'amour de Dieu que la religion de l'avenir prêche apprendra aux hommes qu'il n'y a qu'une manière d'aimer Dieu, c'est d'aimer leurs semblables.

Un protestant suisse, Lang, le rédacteur des Voix du temps, a écrit une méditation sur la piété raisonnable (1). Nous allons la résumer rapidement, pour donner une idée de la piété moderne. La piété chrétienne a pris au pied de la lettre la séparation de Dieu et de la vie. A ses yeux, c'est toujours le diable qui est le prince de ce monde; le premier pas vers la piété, est de renoncer à Satan. Le mariage est un remède contre l'incontinence; celui qui a la force de résister à Satan fait mieux de ne pas se marier. Voilà la famille flétrie jusque dans sa source. La piété moderne ne voit rien d'impur dans l'union des corps, parce que Dieu nous a donné nos corps, et il a voulu que la race humaine se perpétuât par leur union. Mais l'union des corps n'est pas tout le mariage; le vrai mariage est l'union des âmes. L'homme

(1) Lang, Stunden der Andacht, t. I, pag. 125 et suiv.

et la femme se complètent en s'unissant, ils s'aident à développer leurs facultés, ils travaillent de concert à leur perfectionnement. N'est-ce point là aimer Dieu? Qui l'aime le mieux, la religieuse qui passe ses jours et ses nuits à prier, et qui a commencé par violer le plus saint des devoirs? ou la femme qui soutient son mari dans les rudes épreuves de la vie? Qui aime le mieux Dieu, la vierge qui s'éprend d'un amour mystique pour Jésus, ou la mère qui élève une nouvelle génération dans l'amour de Dieu ? C'est demander s'il y a plus d'amour dans l'égoïsme ou dans le dévoûment.

La piété traditionnelle dit avec le Christ que son domaine n'est point de ce monde; elle abandonne le monde à César. Que César règne en despote, que les citoyens soient sans droit, qu'il y ait des esclaves, et que la servitude corrompe les maîtres, qu'importe à la piété chrétienne? Saint Paul ne dit-il pas aux esclaves qu'alors même qu'ils pourraient être libres, ils doivent préférer d'être esclaves? L'oppression, la tyrannie touchent tout aussi peu les fidèles n'est-ce pas une vertu chrétienne que de supporter des maîtres fâcheux avec patience? Tels ne seront pas les enseiguements de la religion de l'avenir. Elle dira que c'est un acte de piété de délivrer les esclaves de leurs chaînes, parce que l'esclavage enlève aux esclaves la moitié de leur âme, tout en viciant l'âme des maîtres. Elle dira qu'améliorer les institutions sociales, c'est faire acte de grande piété, parce que plus la société est parfaite, plus il y aura de moyens de se perfectionner. Elle prêchera la patience, en tant qu'elle nous aide à supporter les maux inévitables de la vie; mais elle célébrera comme des héros de piété ceux qui sacrifient leur vie pour la liberté.

La piété traditionnelle n'aime pas la science. Nous ne parlons pas du vulgaire des gens d'Église qui ont leurs raisons pour entraver le développement de l'intelligence et pour condamner la liberté de penser. Les héros mêmes de la piété chrétienne voient la science de mauvais ceil, parce qu'elle enfle; pour être acceptée, la science doit se faire la très humble servante de la théologie. La religion de l'avenir placera le développement de la raison parmi nos devoirs les plus impérieux; elle honorera comme ses saints, non ceux qui dédaignent la science, mais

des devoirs que Dieu nous impose. L'Église applaudit, comme à un acte d'héroïsme, à la jeune fille qui foule aux pieds les sentiments de la nature, en délaissant père et mère, pour s'enfermer dans un cloître. Cela s'appelle aimer Dieu, sacrifier les liens de la chair à l'amour de Dieu. Les Barbares qui sacrifiaient des hommes, et jusqu'à leurs propres enfants à des divinités sanguinaires, croyaient aussi faire un acte de sublime piété, alors qu'ils commettaient le plus abominable des crimes. Si le père qui immole son enfant, écoutait le cri du cœur, il reculerait épouvanté devant un sacrifice que les prêtres lui représentent comme agréable à Dieu. Si la jeune fille qui abandonne père et mère, écoutait la voix de la nature, elle se garderait de violer le premier devoir que la nature lui impose, celui d'aimer les auteurs de ses jours. C'est parce qu'elle croit qu'il y a un devoir plus sacré, un amour supérieur à l'amour filial, l'amour de Dieu, qu'elle méconnaît la voix de la conscience. Il importe donc que la religion apprenne aux hommes, qu'aimer Dieu, c'est aimer leurs semblables, il importe de leur apprendre qu'il n'y a point de devoirs supérieurs à ceux de la nature. L'amour de Dieu, tel que le conçoit le christianisme traditionnel, tel que les âmes les plus dévouées le pratiquent, conduit trop souvent à ne pas aimer les hommes. L'amour de Dieu que la religion de l'avenir prêche apprendra aux hommes qu'il n'y a qu'une manière d'aimer Dieu, c'est d'aimer leurs semblables.

Un protestant suisse, Lang, le rédacteur des Voix du temps, a écrit une méditation sur la piété raisonnable (1). Nous allons la résumer rapidement, pour donner une idée de la piété moderne. La piété chrétienne a pris au pied de la lettre la séparation de Dieu et de la vie. A ses yeux, c'est toujours le diable qui est le prince de ce monde; le premier pas vers la piété, est de renoncer à Satan. Le mariage est un remède contre l'incontinence; celui qui a la force de résister à Satan fait mieux de ne pas se marier. Voilà la famille flétrie jusque dans sa source. La piété moderne ne voit rien d'impur dans l'union des corps, parce que Dieu nous donné nos corps, et il a voulu que la race humaine se perpétuât par leur union. Mais l'union des corps n'est pas tout le mariage; le vrai mariage est l'union des âmes. L'homme

(1) Lang, Stunden der Andacht, t. I, pag. 125 et suiv.

et la femme se complètent en s'unissant, ils s'aident à développer leurs facultés, ils travaillent de concert à leur perfectionnement. N'est-ce point là aimer Dieu? Qui l'aime le mieux, la religieuse qui passe ses jours et ses nuits à prier, et qui a commencé par violer le plus saint des devoirs? ou la femme qui soutient son mari dans les rudes épreuves de la vie? Qui aime le mieux Dieu, la vierge qui s'éprend d'un amour mystique pour Jésus, ou la mère qui élève une nouvelle génération dans l'amour de Dieu ? C'est demander s'il y a plus d'amour dans l'égoïsme ou dans le dévoûment.

La piété traditionnelle dit avec le Christ que son domaine n'est point de ce monde; elle abandonne le monde à César. Que César règne en-despote, que les citoyens soient sans droit, qu'il y ait des esclaves, et que la servitude corrompe les maîtres, qu'importe à la piété chrétienne? Saint Paul ne dit-il pas aux esclaves qu'alors même qu'ils pourraient être libres, ils doivent préférer d'être esclaves? L'oppression, la tyrannie touchent tout aussi peu les fidèles n'est-ce pas une vertu chrétienne que de supporter des maîtres fâcheux avec patience? Tels ne seront pas les enseiguements de la religion de l'avenir. Elle dira que c'est un acte de piété de délivrer les esclaves de leurs chaînes, parce que l'esclavage enlève aux esclaves la moitié de leur âme, tout en viciant l'âme des maîtres. Elle dira qu'améliorer les institutions sociales, c'est faire acte de grande piété, parce que plus la société est parfaite, plus il y aura de moyens de se perfectionner. Elle prêchera la patience, en tant qu'elle nous aide à supporter les maux inévitables de la vie; mais elle célébrera comme des héros de piété ceux qui sacrifient leur vie pour la liberté.

La piété traditionnelle n'aime pas la science. Nous ne parlons pas du vulgaire des gens d'Église qui ont leurs raisons pour entraver le développement de l'intelligence et pour condamner la liberté de penser. Les héros mêmes de la piété chrétienne voient la science de mauvais œil, parce qu'elle enfle: pour être acceptée, la science doit se faire la très humble servante de la théologie. La religion de l'avenir placera le développement de la raison parmi nos devoirs les plus impérieux; elle honorera comme ses saints, non ceux qui dédaignent la science, mais

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