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L'attaque et la défense avoient été égament vives et brillantes. Les assiégeans ternirent malheureusement l'éclat de la victoire par tous les excès de licence et de barbarie, dont une guerre de la nature de celle qu'ils avoient entreprise, auroit dû, ce semble, les éloi

gner.

Les seigneurs qui avoient des fiefs assurés dans leur patrie y retournèrent; les puînés des familles les remplacèrent. Mais au lieu de se donner, par la concentration de l'autorité, un gouvernement fort, capable de protéger efficacement la conquête; dominés par leur vanité et plus encore peut-être par les préjugés du siècle, où l'on ne connoissoit pas d'autre forme de gouvernement, ils la disséminèrent comme à l'envi et se firent une multitude de petits états qu'ils décorèrent comme ceux d'Europe des noms de duchés, comtés, baronies, avec les mêmes. charges et les mêmes avantages. Delà des princes d'Antioche, des comtes de Tripoly, d'Edesse, de Jaffa, d'Ascalon; des marquis de Tyr; des seigneurs de Ramlah, de Krak, de Sidon, de Béryte, et autres, tous plus ou moins indépendaus, mais surtout les deux premiers dont la puissance étoit égale à celle des

rois de Jérusalem, et dont les perpétuelles dissensions avancèrent la ruine

commune.

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de la croi

On ne peut disconvenir que la dépo- Avantages pulation n'ait été immense; mais il se sade. mêla parmi les croisés une multitude de fainéans, de pillards, de brigands et de gens perdus de débauche, qui se croisèrent eux-mêmes, et dont le départ, loin d'être une calamité, devint un soulagement pour les cantons qu'ils abandonnèrent. Ceux qui envisagent les croisades sous le point de vue politique, disent qu'elles donnèrent aux rois les moyens d'augmenter leur puissance, parce que les grands vassaux démembrèrent leurs fiefs et les vendirent aux roturiers par le même motif, ils affranchirent beaucoup de leurs serfs; autant de diminué de la masse de leurs forces, quand, attaqués par les monarques dans leurs droits ou prétentions, ils voulurent leur résister. L'affranchissement des serfs facilita les acquisitions, et occasionna des lois plus détaillées que les anciennes

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sur

les héritages, la sûreté et le partage des propriétés. Enfin, la communication avec l'orient, accoutuma les Français » à aller chercher eux-mêmes les belles étoffes de l'Inde, et les épiceries qu'ils

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Armoiries.

recevoient
des Génois.

auparavant des Vénitiens et

Dans ce temps les armoiries commencèrent à devenir communes. Ceux qui revenoient de la croisade ne manquoient pas de se faire grand honneur de cette expédition, et pour en réveiller perpétuellement le souvenir, ils plaçoient les bannières, sous lesquelles ils avoient combattu, dans les endroits les plus apparens de leurs châteaux, comme des monumens de gloire. Les familles en s'alliant, se communiquoient ces signes d'illustration et les fondoient les unes dans les autres. Les dames les brodoient sur les meubles, sur leurs habits, sur ceux de leurs époux; les demoiselles sur ceux des chevaliers; les guerriers les faisoient peindre sur leurs écus; mais comme les étendards entiers n'auroient pas pu tenir dans de petits espaces, on abrégeoit, pour ainsi dire, la représentation des hauts faits qu'ils devoient retracer à la mémoire. Au lieu du pont que le chevalier avoit défendu, on mettoit une arche; au lieu de la tour, on mettoit un créneau, un héaume au lieu de l'armure complette qu'il avoit enlevée à un ennemi. Le fond de l'écusson étoit ordinairement la couleur de la bannière primitive, et les domes

tiques s'en montroient chamarrés dans les cérémonies. Ainsi on peut dire que le blason a été, dans le principe, une espèce de langue qui faisoit reconnoître les droits à l'estime publique, et les alliances.

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On doit aussi aux voyages d'outre- Poésie mer les emblêmes et les devises héral- française. diques; il ne nous en reste presque pas de ce temps qui ne fassent allusion aux coutumes, aux animaux, aux plantes de ce pays. On trouve enfin à cette époque les premiers essais de la poésie française. Des croisés revenus de la Palestine, parcouroient les châteaux pour y porter les nouvelles de ceux qu'ils avoient laissés en orient. Ils réci toient les prouesses dont ils avoient été témoins, en augmentoient le merveilleux, comme il arrive ordinairement aux conteurs et inventoient au défaut de la réalité. On appeloit trouvè es ceux qui mettoient en vers, on plutôt en prose rimée ces belles actions, et leur donnoient une modulation; chanteres et menestrels ceux qui les accompagnoient d'instrumiens. Ils étoient bien venus, fêtés et chargés de présens. Il ne faut pas les confondre avec les jongleurs qui promenoient des betes étrangères, et faisoient, pour de

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l'argent, des tours de force ou d'adresse qu'ils avoient appris dans l'orient. Ceuxci amusoient ou étonnoient, mais n'intéressoient pas, et étoient peu considérés.

comme

une

Ordres On remarque enfin, religieux singularité du règne de Philippe 1, la militaires. naissance des plus célèbres ordres reli

gieux militaires, qui, de France, se sont répandus dans toute l'Europe: les hospitaliers de St. Jean, et les templiers ; le premiers fondés par Raymond Dupuy, gentilhomme dauphinois, les seconds par neuf gentilshommes réunis, tous Français. Ils se vouèrent à la réception, au service, et à la défense des pelerins de la Terre-Sainte; et de religieux soldats qu'ils étoient d'abord, sont devenus souverains. Enfin les Antonins fondés par un gentilhomme de Dauphiné, nommé Gaston, qui vona sa personne et ses biens au soulagement de ceux qui étoient atteints d'une espèce de peste qu'on appeloit le feu

sacré.

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Après ces ordres, qui doivent leur établissement à la charité chrétienne, et au desir d'être utile à ses semblables, en viennent d'autres enfantés par une émulation de piété, et le projet de se sanctifier dans les exercices d'une

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