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irrésistible qui devait tout emporter de l'ancien Régime, abus des institutions et institutions elles-mêmes.

C'est surtout dans sa conception du rôle de l'Etat en matière financière que M. Brocard nous montre le marquis de Mirabeau réellement supérieur à son temps. Par ses critiques contre l'abus des emprunts onéreux et stériles, contre le gaspillage croissant des finances et les excès d'une fiscalité oppressive, par les remèdes qu'il propose et les règles qu'il établit, « l'Ami des hommes » contient déjà dans ses grandes lignes l'admirable livre de la Théorie de l'impôt ».

A tous les éloges que mérite l'étude si attrayante et si documentée de M. Brocard, nous joindrons une légère critique :

Nous aurions désiré, dans un dernier chapitre qui eût résumé tous les autres, un rapide parallèle entre les doctrines exposées par Mirabeau dans l'Ami des Hommes, et celles professées par Quesnay à la même époque ce parallèle eût précisé leurs points de contact et leurs divergences: il eût servi de transition toute naturelle à une seconde étude que M. Brocard nous donnera bientôt sans doute pour y approfondir les doctrines du marquis de Mirabeau après l'Ami des Hommes, celles du fidèle disciple de Quesnay qui écrivit à la louange de son maitre la Philosophie Rurale et les Economiques.

Marquer les étapes d'une conversion à peu près unique dans l'Histoire de la Science Economique, signaler les légères divergences qui séparent encore en dernière analyse le disciple du maître, dégager enfin de cette double étude une synthèse générale de l'œuvre tout entière, et rechercher quelle part considérable elle a exercée sur les idées et sur les hommes de la Révolution, tel sera sans nul doute l'objet de ce second livre qu'appelle le premier. Nous sommes sûrs d'y retrouver les solides et précieuses qualités d'investigation et de synthèse dont M. Brocard a fait preuve dans son étude sur l'ami des Hommes. H. BABLED.

II

Les Revues.

I. Revues de langue française.

10 REVUE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE

Les valeurs mobilières et l'impôt, par ETIENNE CLEMENTEL (no du 18 juin 1903). Notre système fiscal, comme d'ailleurs notre Code civil, porte encore l'empreinte de l'ancienne prééminence des valeurs immobilières sur les valeurs mobilières. Il importe cependant de s'apercevoir que la vieille maxime juridique « res mobilis, res vilis», n'est plus vraie. Aujourd'hui, si l'on évalue avec M. Neymarck la fortune française à 240 milliards, il faut y faire part égale aux valeurs mobilières et aux valeurs immobilières. Chacunes contribuent à ce total pour 120 milliards environ. Senlement, tandis que les valeurs immobilières sont toutes atteintes par l'impôt, il est loin d'en être de même pour les valeurs mobilières.

Depuis 1850, le législateur a bien essayé de poursuivre et d'atteindre les valeurs mobilières par la création d'un droit de timbre spécial sur les titres d'actions et obligations des sociétés, communes et départements, par l'assujettissement des titres de sociétés à un droit proportionnel de transmission destiné à atteindre leur circulation, par l'impôt de 4 0/0 sur le revenu des actions, obligations, parts d'intérêts, etc., etc., et par l'impôt sur les opérations de bourse.

Mais, un grand nombre de valeurs échappent encore à l'impôt :

D'abord les rentes sur l'Etat français qui représentent à elles seules plus du quart de la fortune mobilière française. La question de leur immunité discutée depuis longtemps doit aujourd'hui être résolue par la négative, et il serait facile d'assujettir ces titres de

rente au droit commun des valeurs mobilières sans provoquer un affaissement des cours: il suffirait, selon M. Clémentel, de créer un type nouveau de 3 0/0 inconvertible pendant un certain nombre d'années, et de procéder par voie de conversion facultative.

Mais, outre la rente française, les fonds d'états étrangers échappent eux aussi à l'impôt, et voilà qui est moins justifiable encore. Sans doute, ils sont soumis au droit de timbre, mais c'est là une charge très légère, et manifestement inférieure à celles qui pésent sur des valeurs françaises. Il y a d'ailleurs certains fonds d'Etats étrangers qui échappent même au droit de timbre et beaucoup y échappent frauduleusement en ne se présentant pas au timbrage: la preuve en est dans les contraventions journalières que l'on peut relever à ce sujet.

D'autre part, en fait encore, sinon en droit, un grand nombre de valeurs mobilières étrangères autres que les fonds d'Etat échappent aux charges qui grèvent lourdement les valeurs françaises de même ordre. Le résultat est que, tandis que les valeurs françaises, abstraction faite des fonds d'Etat, représentant 35 milliards de capital, acquittaient durant le dernier exercice connu 137 millions de droits, les valeurs étrangères de même ordre représentant 8 milliards au moins de capital, n'acquittaient que 18 millions. Une réforme s'impose donc : Comment se fera-t-elle ?

En premier lieu, il est entièrement facile, sans toucher à la législation actuelle, de faire tomber sous le coup de la loi certaines valeurs qui échappent actuellement à l'impôt en usurpant le titre de fonds d'Etat. Sous cette étiquette viennent en effet s'abriter des emprunts de provinces, de villes, et même de véritables entreprises privées (Ex. : Emprunts de la province de Bahia, de Mendoza, obligations domaniales du Crédit Forcier d'Autriche, obligations des chemins de fer de Victor Emmanuel, du chemin de fer Transcaucasien, du chemin de fer Australien, dit « Victoria Railway », tabacs portugais, Banque hypothécaire de Buenos Ayres, etc...). Or, pourquoi traiter plus favorablement les capitaux destinés à la construction de chemins de fer étrangers que ceux destites aux résaux français ? D'autant plus que cela a pour résultat de placer les entreprises françaises dans un certain état d'infériorité et que, lorsqu'il s'agit de chemins de fer à dividendes garantis par l'Etat, il s'ensuit une répercussion directe sur le budget. Donc, il faut réviser le classement des fonds d'Etat.

Mais en second lieu, il faut abolir le traitement privilégié dont jouissent les foods d'Etats étrangers eux-mêmes. Leur exonération s'explique par des causes historiques qu n'existent plus. A la suite de nos désastres de 1870, on voulut ouvrir largement notre bourse aux étrangers, et, malgré Gambetta et Pouyer Quertier, qui luttèrent pour le triomphe des principes de l'équité fiscale, c'est par la loi du 29 juillet 1872 que l'immunité en faveur des fonds d'Etats étrangers fut proclamée. Mais aujourd'hui, les motifs invoqués alors par M. Thiers ont disparu. La plupart des pays frappent les fonds d'Etats étrangers qui cisculent chez eux. Nous devons agir de même. Le principe de l'égalité devant l'impôt, et l'intérêt financier de notre pays l'exigent.

Pour parvenir à cette taxation des fonds étrangers, de nombreux systèmes ont éte proposés (Relèvement des droits de mutation, ou du droit de timbre, ou encore di l'impôt sur les opérations de bourse) afin de compenser les droits auxquels échappent plus facilement ces titres. Mais, de tous les systèmes proposés, un seul semble possible: c'est la perception de l'impôt au moment du paiement des coupons. C'est le seul moyen de frapper le revenu de ces titres. La perception de la taxe serait assurée par le systeme automatique de la retenue pratiquée pour le compte du Trésor par un tiers dont toutes les opérations sont justiciables de la loi française, sans qu'il soit nécessaire de mettre en cause directement ou indirectement l'Etat intéressé.

La seule objection qu'on puisse faire, résulte de la difficulté de saisir une matière imposable aussi subtile et aussi propre à se dissimuler qu'un coupon au porteur. Mais, d'abord, des opérations relatives au paiement des coupons seraient faciles à contrôler lorsqu'elles seraient faites par un établissement de crédit constitué en société par actions, car l'Administration jouit chez eux d'un large droit d'investigation. Or, on pourrait étendre ce droit d'investigation aux banquiers, agents de change, etc., ou si on répugne å ertte

extension, on pourrait exiger la communication à toute réquisition des agents d'un registre à souche mentionnant les paiements.

Il serait d'ailleurs facile de fortifier le contrôle en exigeant, sous peine d'amende contre les parties, que l'énonciation d'un titre de rente étranger dans un acte public soit accompagnée de l'indication de la date et du lieu où les derniers intérêts auraient été payés, et du nom du banquier qui aurait effectué ce payement s'il avait eu lieu en France.

« En résumé, conclut l'auteur, comme l'impôt ne peut et ne doit atteindre les intérêts qu'au moment de leur encaissement, le fisc, qui ne saurait s'adresser utilement à l'Etat étranger, ni au porteur de titres qu'il ne connait pas, aurait recours à la collaboration d'un intermédiaire chargé, sous certaines conditions de contrôle, de recouvrer la taxe au moment où se produit le fait matériel générateur de l'impôt ».

Réseaux d'Etat et tarifs, par MARCEL PESCHAUD, nos du 10 mai et du 10 juin 1903. Etude très documentée et très sérieuse, mais qui se place beaucoup plus au point de vue économique qu'au point de vue financier de la question. Elle mérite cependant d'être signalée aux lecteurs de la Revue car, en ces matières, les deux points de vue se complè. tent et sont unis par un lien étroit.

20 LA RÉFORME SOCIALE (16 juin 1903).

Le régime des caisses d'épargne, par H. BLERZY. pp. 942-948.

Le régime des caisses d'épargne demanderait aujourd'hui une révision sérieuse. La question de l'emploi des fonds surtout mérite de retenir l'attention. Le livre des Caisses d'épargne et du Trésor public est beaucoup trop étroit, et il en résulte en temps de crise une solidarité redoutable qui vient accentuer les embarras et du Trésor et des Caisses d'épargne.

M. Blerzy voudrait que l'on donnât plus d'indépendance aux Caisses d'épargne, que leurs directeurs, à d'étroites conditions sans doute, et sous la surveillance du ministre des Finances, bien entendu, fussent maîtres de leur gestion, de façon à varier la composition de leurs portefeuilles en suivant en cela l'exemple des grandes Compagnies d'assurances sur la vie dont les besoins de trésorerie sont assez analogues à ceux des Caisses d'épargne.

Il faudrait aussi substituer la Banque de France comme banquier des Caisses d'épargne à la Caisse des Dépôts et consignations. Cela présenterait le double avantage de réaliser l'indépendance réciproque des Caisses d'épargne et du Trésor, et de rapprocher chaque Caisse d'épargne de son banquier, grâce à la diffusion des succursales.

Grâce à ces réformes, le remboursement en cas de crise et de panique, pourrait, suivant l'auteur, être aisement assuré. Au lieu de la célèbre clause de sauvegarde qui deviendrait certainement insuffisante en cas de panique générale, les directeurs pourraient assurer et annoncer le paiement à bureau ouvert, ce qui est le seul moyen d'arrêter la panique. Ils le pourraient, en contractant sur les titres de leur portefeuille, un emprunt facilement consenti. Peut-être en résulterait-il une légère perte pour la Caisse d'épargne, mais au moins la débâcle serait évitée et le crédit promptement raffermi.

Des réformes analogues pourraient être introduites dans le régime de la Caisse d'épargne postale. Plus de liberté; plus d'autonomie. Le moment est venu, en somme, de libérer les Caisses d'épargne de toutes les tutelles par lesquelles on avait voulu protéger leur naissance. Elles seraient même assez fortes aujourd'hui pour qu'on supprimât les franchises quon leur a accordées; franchise de l'impôt du timbre-quittance, franchise postale, et, pour la Caisse d'epargne postale dont les livrets sont payables à tout bureau de poste, dérogation à la loi du 9 février 1874 (art. 4) soumettant au droit de timbre pro

portionnel les billets, mandats, etc..., servant à procurer une remise de fonds de place en place.

Il faut ramener toutes les Caisses d'épargne au régime du droit commun.

3o L'ECONOMISTE FRANÇAIS.

A signaler:

L'avenir de nos finances (4 avril).

Le relèvement des finances italiennes (4 avril).

Les loyers et les revenus à Paris (9 mai).

Le budget de 1904 et le projet d'impôt général sur le revenu (20 juin et 4 juillet). Les tentations fiscales à l'égard des successions (11 juillet).

De la conversion des emprunts en obligations amortissables, et notamment de la Dette unifiée d'Egypte (18 juillet).

L'augmentation des dépenses fédérales, par CHARLES J. BULLOCK, pp. 96, III. Si l'on suit l'augmentation des dépenses fédérales depuis l'origine du gouvernement national aux Etats-Unis, on voit que cette histoire se divise en cinq périodes:

La première va de 1789 à 1811. Les dépenses augmentent sous le gouvernement fédéra liste pour atteindre leur maximum en 1800 avec un chiffre total de $ 10.813.000, soit $2,04 par tête. Ensuite elles diminuent sous le régime démocratique et tombent à $ 8.474.000, soit $ 1,17 par tête.

La deuxième période va de 1812 à 1860. Les dépenses naissent régulièrement jusqu'à atteindre le chiffre total de $ 63.200.000, mais sans que le chiffre par tête atteigne seulement le taux de 1800, puisqu'il s'arrête en 1860 à $2.01.

La troisième période comprend la décade de 1861 à 1870. Formidable accroissement de dépenses grâce à la guerre de Sécession: $293.655 000, soit, par tête $ 7,61.

La quatrième période est composée des seize années suivantes et se termine au 30 juin 1886. Elle est caractérisée par une rapide diminution des intérêts de la dette qui, de $ 129.255.000 en 1870, tombent à $ 95.757.000, et à $ 50.580.000 en 1886, le budget total restant à cette date au chiffre de $ 242.483.000, soit par tête $ 4,22.

Enfin, pendant la cinquième période, qui va de 1886 à nos jours, la réduction des inté rêts de la Dette est plus que compensée par l'augmentation par ailleurs d'autres dépenses. La guerre Hispano-Américaine a exercé sur les finances des Etats-Unis, ainsi que sur d'autres branches de la vie nationale, une profonde influence. En 1902, le chiffre des dépenses monte à $ 471.190.000, qui représentent une charge par tête de $ 5,96, et le secrétaire du Trésor annonce pour 1903 une augmentation de dépenses de 40 à 50 millions de dollars.

Ce tableau historique permet de voir que depuis 1886 les Etats-Unis se sont engagés dans une période d'augmentations inquiétantes des dépenses. Elles ont pour cause dans ces dernières années le développement démesuré du budget militaire. Tandis que la charge par tête qui correspond en 1903 aux charges des dépenses civiles est de $1,75 seulement, la charge totale s'élève à $ 5,96.

Or, dans certains milieux, on assiste à ce mouvement avec satisfaction. Tel est le cas par exemple du célèbre statisticien Carroll D. Wright. Mais c'est ce que n'admet pas l'auteur du présent article. Il déplore que le peuple américain se crée à l'égal des peuples européens une lourde charge militaire qui, pour n'atteindre pas encore le taux du budget militaire français par exemple ($ 4,16 par tête) ou anglais ($ 4,23 par tête), atteint déjà le chiffre respectable de $ 2,09.

Sans doute, les Etats-Unis sont riches et ils s'enrichissent tous les jours. Mais pour que l'accroissement du chiffre des dépenses soit normal, il faut qu'il ne soit pas plus que proportionnel à l'accroissement de la fortune publique. Or, que l'on compare les dépenses globales à la fortune publique globale, ou la charge fiscale par tête, à la fortune par tête, les résultats sont aussi anormaux :

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De toutes façons, par conséquent, il apparaît qu'il serait temps de ralentir le cours de l'augmentation des dépenses. Mais on paraît loin de vouloir y songer, puisque l'on annonce encore d'autres augmentations.

II. Revues de langue anglaise.

1° POLITICAL SCIENCE QUATERLY, vol. XVIII, no 1. Mars 1903.

Valeur et taxation, par VICTOR ROSEWATER, pp. 88-96.

Les incertitudes des économistes sur la définition de la valeur se retrouvent lorsqu'il s'agit de définir la valeur des propriétés pour déterminer l'assiette des impôts. Faut-il fixer ces valeurs imposables d'après le prix de vente, d'après le coût de production ou le coût de reproduction, d'après la puissance d'achat, ou d'après la capitalisation des revenus? Aucune de ces méthodes n'est sans doute infaillible, mais, conclut l'auteur, elles se corrigent et se complètent l'une l'autre, et doivent être tour à tour employées.

2o THE QUATERLY JOURNAL OF ECONOMICS, vol. XVII, no 4, novembre 1902. L'industrie sucrière et sa législation en Europe, par CHARLES GRIFFIN, p. 1-43. Dans cette étude d'un caractère général, l'auteur examine brièvement l'intérêt fiscal que présente la question du sucre dans les différents pays d'Europe.

3o THE ECONOMIST

Signalons, parmi les articles parus depuis le commencement de l'année :

Les finances russes (24 janvier).

Les progrès des finances italiennes (31 janvier).

Les finances de la République Argentine (14 février).

La situation financière de Chili (7 mars).

Les finances nationales (4 avril),

Lord Milner et les finances de nos nouvelles colonies (2 mai).

Les moyens financiers du bill agraire Irlandais (9 mai).

Le point de vue financier du projet de bill des chemins de fer (20 juin).

III. Revues de langue italienne

1° LA RIFORMA SOCIALE

L'état présent du problème des chemins de fer, par A. BRUNICARDI, pp. 146-165.

L'auteur examine la question du rachat par l'Etat et aborde à ce propos le point de vue financier.

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