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La polygamie n'a jamais été connue des Gaulois; on le prouve par ce que César rapporte (1) de leurs conventions matrimoniales, dans lesquelles on voit des vestiges évidens de la communauté de biens qui est en vigueur entre les personnes mariées parmi nous, et qui suppose nécessairement que les Gaulois n'avaient qu'une seule femme; communauté, au

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<«<taine qui la prit usa de son aventure en soudard, et la « viola. Or, s'il était homme sujet à son plaisir, autant ou plus l'était-il à son profit, et lors fut attrapé par son ava<< rice; car lui étant promise une grosse somme d'argent pour « délivrer cette femme, il la conduisit au lieu qui lui fut désigné pour la rendre et mettre en liberté : c'était sur le bord « d'une rivière, que les Galates passèrent, lui comptèrent << son argent, et reprirent Chiomara; mais elle fit signe « de l'œil à l'un de ses gens qu'il tuât ce capitaine romain, << ainsi comme il prenait congé d'elle et la caressait; ce que « l'autre fit, et d'un coup d'épée lui avala la tête: elle la releva, et, l'enveloppant au devant de sa robe, tira son che<< min et s'en alla. Arrivée qu'elle fut au logis de son mari, <«< elle lui jetta cette tête à ses pieds; de quoi il s'étonna et « lui dit : Ma femme, il faut garder la foi. Ce fait - mon,

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pondit - elle; mais aussi faut-il qu'il n'y ait qu'un seul homme vivant qui ait eu ma compagnie. » (Plutarq., des Vertueux faits des femmes, traduct. d'Amyot.)

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(1) Viri quantas pecunias ab uxoribus dotis nomine acceperunt, tantas ex suis bonis, œstimatione facta, cum dotibus communicant. Hujus omnis pecunia conjunctim ratio habetur, fructusque servantur. Uter eorum vitá superarit, ad eum pars utriusque cum fructibus superiorum temporum pervenit. (Cæsar, de Bell. Gall., lib. 6.)

reste, dont on ne voit point de traces chez les autres peuples anciens.

Il paraît aussi que la virginité était en honneur parmi nos ancêtres, du moins à certains égards. Neuf filles, qui gardaient une virginité perpétuelle, rendaient des espèces d'oracles dans la petite île de Sain, vis-à-vis la côte de Quimpercorentin (1).

TROISIÈME PARTIE.

Des dieux honorés par les Gaulois, et des sacrifices
humains.

César parle de six divinités adorées par les Gaulois; les voici selon l'ordre dans lequel il les nomme : Mercure, Apollon, Mars, Jupiter, Minerve et Dis. Commençons par ôter Minerve, qui est certainement empruntée des Grecs de Marseille (2): reste donc cinq divinités qu'on croit propres aux Gaulois. On pré

(1) Mela rapporte bonnement que ces vierges de l'île de Sain se transformaient en toutes sortes de bêtes: Seque in quæ velint animalia vertere, etc. (Lib. 3, cap. 6.) Ne se seraient-elles pas masquées en bêtes, et la renommée, qui altère ordinairement les faits, n'aurait-elle pas prétendu qu'elles se transformaient réellement en animaux? Il pourrait être aussi que ces sages vierges en imposassent au peuple, afin de s'attribuer plus de crédit.

(2) On sait que Minerve était le dieu tutélaire des Grecs. et des Romains.

tend que le dieu que César nomme Mercure, est leur Teutatès, qu'Apollon est leur Belenus. Les uns disent que Mars est leur Esus; d'autres, que c'est Taranis ou Camulus. Selon quelques-uns, Jupiter est leur Taranis, et, selon d'autres, Jupiter fut substitué à Esus. Dis est leur Pluton; il y a des auteurs qui veulent qu'il soit le même que Teutatès.

L'identité prétendue des dieux gaulois avec ceux des Romains, n'est fondée que sur des raisonnemens et sur des conjectures de nos critiques modernes, qui n'auront jamais un grand degré de certitude. En effet, dans toutes les religions polythéistes, le nom d'une divinité ne réveillait pas seulement l'idée de ses attributs, et du département qui lui était échu en partage; il rappelait encore l'histoire de sa naissance et de ses aventures. Or, ces légendes ne pouvaient être les mêmes, chez les nations barbares, que chez les Grecs et les Romains; elles n'étaient jamais qu'un amas des productions fantastiques de l'imagination des poëtes et du fanatisme des prêtres. Dans chaque religion, elles étaient fondées sur les coutumes, les opinions, le tempérament des diverses nations, et sur la nature du pays.

Taranis (1) pouvait avoir, chez les Gaulois, un dé

(1) Taranis est nommé Taranucus sur une inscription, de taran, tonnerre, foudre; racine, taro, taraou et torry, frapper, briser. De là on conclut que Taranis est Jupiter. D'autres soupçonnent que ce pouvait être le Mars des Gaulois,

partement particulier, semblable en partie à celui du Jupiter des Grecs, régner comme lui dans le ciel, et manier la foudre comme lui: mais il n'était pas de même le souverain des dieux et des hommes; il n'était pas le fils de Rhéa et de Saturne, ni le petit-fils d'Uranus; il n'avait pas détrôné son père pour régner à sa place, et n'avait point partagé l'empire de l'univers avec ses deux frères.

Il en faut dire autant des autres dieux gaulois, d'Esus, de Teutatès, de Belenus, de Belisana, qu'on a prétendus les mêmes que Mars, Mercure, Apollon et Minerve. C'est sur des conjectures très-peu assurées qu'on conclut l'identité de ces dieux gaulois avec des dieux romains. Par exemple, l'explication du nom de Teutatès par celui de Mercure, ne peut avoir de fondement que dans un passage de Tite-Live (1), dans lequel on lit, suivant les anciennes éditions, qu'une colline voisine de la nouvelle Carthage, en Espagne, portait le nom de Mercure : In tumulum quem Mercurium Teutatem vocant. L'édition de le Clerc n'a pas le mot Teutatem; mais en le laissant, il est visible qu'il s'agit là d'une dénomination donnée par les Carthaginois, colonie phénicienne. Or, il est sûr que les Phéniciens avaient un dieu qu'ils appelaient Thaut ou Thot, et que Philon de Biblos

lequel avait tiré son nom du tumulte des armes. Ennius s'est servi d'un mot approchant pour exprimer le son des trompettes Cum tubá terribilem sonitum Tarantara dixit. (1) Lib. 20, cap. 44.

prétend être le Mercure des Grecs. Platon, dans le Philèbe, parlant des Egyptiens, donne à ce dieu le nom de Theuth. Cicéron le nomme de même (1). Lactance écrit Theutus (2). Mais qu'a de commun la religion des Gaulois avec celle des Egyptiens et des Phéniciens? Quiconque aura étudié la religion de nos pères, sera convaincu que rien n'était plus éloigné de l'idée qu'ils avaient de la Divinité, que le goût des Egyptiens. Dans la religion de ceux-ci, tout était bas et méprisable, et le choix de leurs dieux, aussi bien que les figures qu'ils leur donnaient, la rendaient ridicule et extravagante. Il n'y avait, au contraire, rien de plus sage et de plus grand que la religion des Gaulois, si on la compare avec celle des autres peuples qui n'avaient pas le bonheur de servir le vrai Dieu. Je suis donc très-persuadé que les Gaulois, comme les autres nations, partagèrent l'administration de l'univers entre plusieurs divinités distinctes; mais il me paraît en même temps incontestable qu'ils conservèrent toujours l'idée d'un Dieu spirituel, tout-puissant et unique, et que ce n'est qu'à la faveur de cet ÉtreSuprême et unique, que leurs dieux subalternes recevaient les honneurs de la Divinité.

Et comment les Gaulois, si supérieurs aux autres peuples dans leurs idées sur la Divinité, n'auraient-ils pas reconnu un Dieu suprême et unique? L'idée de cet Étre souverain et unique est gravée si profondé

(1) Lib. de Natura deorum, 3.

(2) Lib 1, cap. 6.

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