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tire dans les environs. S'il n'y avoit point de dix-|
me, il feroit en état de payer comme rente au
propriétaire l'autre moitié, ou, ce qui revient au
même, la valeur de l'autre moitié. Mais fi la dixme
lui enleve un dixième du produit, il faut qu'il
demande un rabais du cinquième fur la rente,
fans quoi il ne pourroit plus retrouver fon capi-
tal & le profit ordinaire. Dans ce cas, au lieu
de fe monter à la moitié du produit ou à cinq
-dixièmes, la rente ne fe montera plus qu'à quatre
dixièmes. Dans les terres pauvres, au contraire,
le produit eft quelquefois fi petit & les frais de
culture fi confidérables, qu'il ne faut pas moins
que les quatre cinquièmes du produit pour rém-
placer le capital du fermier avec les profits or
dinaires. Dans ce cas, quand il n'y auroit point
de dixme, la rente du propriétaire ne pourroit
excéder un cinquième ou deux dixièmes de tout
le produit. Mais fi le fermier paye en dixme un
dixième du produit, il faut qu'il le paye de moins
fur la rente du propriétaire, qui, par confé-
quent, fe trouvera réduite à un dixième de tout
le produit.

Si la dixme eft fouvent une taxe fort inégale fur la rente, elle eft auffi toujours un grand découragement aux améliorations que pourroit faire le propriétaire & à la culture du fermier. La dixme a rélégué long-temps la culture de la garance aux Provinces-Unies, qui étant habitées par des presbytériens, & par conféquent affranchies de cet impôt deftructif, faifoient une forte de monopole de cette plante utile pour la teinture contre tout le refte de l'Europe. Les dernières tentatives pour en introduire la culture en Angleterre, n'ont été faites que d'après un ftatut qui a ordonné qu'en place de toute ef pèce de dixme, on ne prendroit que cinq fchelings par acre fur la garance.

Une taxe fur les terres proportionnées non à la rente, mais au produit, eft le principal revenu de divers états de l'Afie, comme il ett le principal revenu de l'églife dans la plus grande partie de l'Europe. L'empereur de la Chine perçoit la dixième partie du produit de toutes les terres de P'Empire. L eftimation de cette dixième partie eft cependant fi modérée, que dans plufieurs provinces elle n'excède pas, dit on, le treizième du produit ordinaire. On dit que la taxe fur les terres ou fur la rente des terres, qu'on étoit dans l'ufage de payer au gouvernement mahométan du Bengale, avant que ce pays tombât au pouvoir de la compagnie angloife, fe montoit environ au cinquième du produit. C'eft à quoi l'on prétend que fe montoit auffi la taxe fur les terres de l'ancienne Egypte.

On dit qu'en Afie cette forte de taxe intéreffe le fouverain à l'amélioration & à la culture des terres. On ajoute que les fouverains de la Chine, ceux du Bengale, tandis qu'il étoit foumis au gouvernement mahométan, & ceux de l'ancienne

Egypte, ont eu la plus grande attention à faire & entretenir de bons chemins & des canaux navigables, afin de favorifer le plus qu'ils pouvoient l'accroiffement de la quantité & de la valeur de chaque partie du produit, en ouvrant à chacune le marché le plus étendu que comportaffent leurs domaines. Mais la dixme de l'églife elt divifée en tant de petites portions, qu'aucun de fes propriétaires ne fauroit avoir un intérêt de cette nature. Le curé d'une paroiffe ne trouveroit jamais fon compte à faire un chemin ou un canal pour donner au loin un débouché au produit de fa paroiffe. Ces impôts, quand ils font destinés à l'entretien de l'état, peuvent avoir quelques avantages qui en contrebalancent l'inconvénient. Deltinés à entretenir l'églife, ils n'ont que leurs inconvéniens qui ne font compenfés par rien.

Les taxes fur le produit des terres peuvent être levées ou en nature, ou en argent.

Le curé d'une paroiffe ou un homme d'une petite fortune, qui vit de fon bien, peuvent trouver quelquefois de l'avantage à recevoir en nature, l'un fa dixme, & l'autre fa rente. L'espace où il faut recueillir & la quantité à recueillir, font fi peu de chofe, qu'ils peuvent avoir l'oeil fur la perception de chaque partie de ce qui leur est dû. Si les rentes d'un homme fort riche étoient en nature dans une province éloignée, il feroit en grand danger de perdre beaucoup par fa négligence, & encore plus par la faute de fes facteurs & de fes agens. La perte du fouverain par la mauvaise conduite & la déprédation de fes collecteurs, feroit néceffairement encore plus grande. On dit cependant qu'une partie du revenu public fe touche en nature à la Chine. Les mandarins & les autres receveurs font fort intéreffés à continuer une pratique fujette à bien plus d'a bus & de malverfations que le paiement en argent. Une taxe fur le produit des terres, levée en argent, peut fe lever ou fuivant une appréciation qui fuive les variations du prix courant, ou fuivant une évaluation fixe, c'est-à-dire, toujours à tant le boiffeau de bled, par exemple, quel qu'en foit le prix courant. Le produit d'une taxe levée de la première façon changera, felon toutes les variations qui arriveront dans le produit réel des terres felon les progrès ou la décadence de la culture. Le produit d'une taxe levée de la feconde manière variera non-feulement fuivant les variations dans le produit de la terre, mais fuivant celles qui arriveront & dans la valeur des métaux précieux, & dans la quantité de ces métaux contenus en différens temps fous une même denomination de la monnoie.

Si au lieu d'une certaine portion du produit de la terre, ou du prix de cette portion, l'on doit payer une certaine, fomme d'argent, en compen→ fation de toute taxe ou dixme, l'impôt eft pour lors exactement de la même nature que la taxe angloife fur les terres. Il ne hauffe & ne baiffe

la rente de la maifon, ne peut affecter, au moins pendant long-temps, la rente du bâtiment. Si celui qui bâtit n'y trouve pas un profit raisondes maifons augmentera, & en fort peu de tems le profit de bâtir reprendra le niveau avec les autres emplois. Une pareille taxe ne peut pas tomber non plus entiérement fur la rente foncière; elle fe partagera donc de manière à tomber en partie fur celui qui habite la maison, & en partie fur le propriétaire du fol.

point avec le revenu des terres. Il n'encourage ni ne décourage l'amélioration. La dixme eft une taxe de ce genre, dans la plus grande partie des paroiffes où l'on paye ce qu'on appelle un abon-nable, il fera obligé d'y renoncer; la demande nement en place de toute autre dixie. Durant le gouvernement mahométan du Bengale, au lieu du paiement en nature d'un cinquième du produit, on établit dans la plupart des zemindarats un abonnement qu'on affure avoir été fort modéré. Quelques perfonnes au fervice de la compagnie angloife, fous prétexte de remettre le revenu public à fa véritable valeur, ont fubftitué à l'abonnement un paiement en nature. Sous leur adminiftration, ce changement doit décourager la culture & donner de nouvelles occafions de voler dans la perception du revenu public, qu'on dit être fort déchu de ce qu'il étoit lorfqu'il a paffé entre les mains de la compagnie.

Taxes fur la rente des maisons.

La rente d'une maifon peut être diftinguée en deux parties, dont une peut s'appeller proprement revenu du bâtiment, & l'autre s'appelle commu

nément revenu du terrein,

La rente du bâtiment eft l'intérêt du capital employé à le faire. Pour que cet emploi foit de niveau avec les autres, il faut que cette rente fuffife, 1. pour payer à celui qui bâtit, le même intérêt qu'il auroit eu pour fon capital, s'il l'avoit prêté fous bonne caution, & 2°. pour tenir toujours la maifon en bon état. Le revenu du bâtiment ou le profit ordinaire de celui qui bâtit, eft donc réglé par-tout par l'intérêt ordinaire de d'argent. Lorsque le taux courant de l'intérêt eft à quatre pour cent, la rente d'une maifon qui, en fus du paiement de la rente foncière, rapporte fix ou fix & demi pour cent fur toute la dépenfe du bâtiment, donne peut-être un profit fuffifant à celui qui a fait bâtir.

Tout ce qui excède ce profit raisonnable dans la rente, va naturellement au revenu du terrein, & fe paye ordinairement par le propriétaire du bâtiment au propriétaire du fol, quand ce font deux perfonnes différentes. Ce furplus de la rente eft le prix que paye l'habitant de la maison pour quelque avantage réel ou fuppofé de la fituation. Dans les maifons éloignées des grandes villes & fituées dans des endroits où il y a beaucoup de terreins à employer, la rente foncière n'eft prefque rien, ou n'eft que ce que rapporteroit le fol s'il étoit cultivé. Elle eft quelquefois bien plus forte dans les maifons de campagne voisines des grandes villes, & on y paye fouvent la commodité ou la beauté de la fituation. Les revenus du terrein font généralement plus hauts dans la capitale, & dans ces quartiers de la capitale où l'on veut avoir plus de maifons, quelle que foit la raifon qui en fait demander davantage.

Une taxe fur la rente d'une maison, payable par celui qui l'occupe, & proportionnée à toute

Suppofons, par exemple, qu'un particulier juge qu'il peut mettre au loyer d'une maifon 60 liv. fterlings par an, & fuppofons encore qu'il y ait quatre fchelings par livre ou un cinquième, de taxe à payer fur ce loyer par celui qui occupe la maifon; dans ce cas, une maifon de 60 liv. de rente lui en coûtera 72 c'eft-à-dire, 12 liv. de plus qu'il ne croit pouvoir y mettre. Il fe contentera donc d'une maifon inférieure ou d'une maison de sol. de rente qui, avec les 10 liv. à payer pour la taxe, complettera la fomme de 60 liv. par an, qui eft juftement tout ce qu'il fe croit en état d'y mettre ; & pour payer la rente, il fe privera de certaines commodités qu'il auroit trouvées de plus dans une maifon de 60 liv. de loyer. Il fera pourtant mieux logé dans une maifon de so liv. de rente, en conféquence de la taxe, que s'il n'y avoit point de taxe.

La proportion de la dépenfe pour fe loger, à tout le refte de la dépenfe d'une perfonne, eft différente, felon les différens degrés de fortune. Cette proportion eft peut-être au plus haut degré dans le plus haut degré de fortune, & diminue graduellement dans les degrés inférieurs, de manière qu'en général elle eft au plus bas dans le plus bus degré. Les néceffités de la vie font la grande dépenfe des pauvres. Il leur eft difficile de le procurer leur fubfiftance, & ils y mettent la plus grande partie de leur petit revenu. Le luxe & la vanité occafionnent la principale dépenfe du riche, & une maifon magnifique embellit & fait reffortir avantageufement toutes les richesses de luxe & de vanité qu'il poffède. Une taxe fur les rentes des maifons tomberoit donc fur le riche, & il n'y auroit rien de déraisonnable dans cette inégalité; car il paroît affez jufte que le riche contribue à la dépenfe publique, non-feulement en proportion de fon revenu, mais un peu audelà de cette proportion.

En général, il n'y a peut-être pas un feul article de dépenfe ou de confommation, par lequel on puiffe mieux juger de l'état que tient un homme, que par ce que lui coûte fon logement. Une taxe proportionnée fur cet article, produiroit peut-être en Angleterre un revenu plus confidérable que celui qu'on en a tiré jufqu'à préfent dans quelle partie de l'Europe que ce foit. Mais fi la taxe étoit bien forte, la plupart des gens

ticheroient de s'y fouftraire autant qu'ils pour rolent, en fe contentant de maifons plus petites, & en tournant d'un autre côté la plus grande partie de leur dépense.

Les maifons inhabitées ne doivent point payer de taxes. Une taxe fur elles tomberoit entiérement fur le propriétaire, qui par-là fe trouveroit impofé pour une chofe qui ne lui procureroit ni commodité, ni revenu. Les maifons habitées par le propriétaire doivent être impofées, non felon la dépense qu'il en a coûté pour les bâtir, mais felon la rente qu'une eftimation équitable fait juger qu'il en tireroit s'il la louoit. Si on l'impofoit en Angleterre, felon la dépense qu'elle pourroit avoir coûté à bâtir, un impôt de trois ou quatre fchelings par livre, joint aux autres impôts, ruineroit prefque toutes les grandes & riches familles de ce pays, &, je crois, de tout autre pays civilife. Quiconque examinera avec attention les différentes maifons de ville & de campagne de quelques-unes des plus riches & des plus grandes familles angloifes, verra que fi on les mettoit feulement à fix ou fix & demi pour cent de toute la dépenfe qu'elles ont coûté, la rente feroit à-peu-près égale à la rente totale & quitte de tous leurs biens.

Les revenus des terreins & la rente ordinaire des terres font une espèce de revenu, dont le propriétaire jouit la plupart du temps fans aucune peine ou attention de fa part. Quand on lui prendroit une partie de ce revenu pour défrayer la dépense de l'état, on ne décourageroit par là aucune forte d'induftrie. Le produit annuel des terres & du travail de la fociété, la richeffe réelle & le revenu du grand corps du peuple, pourroient être les mêmes après la taxe qu'auparavant. Les revenus des terreins & la rente ordinaire des terres font donc peut-être l'efpèce de revenu qui peut le mieux fupporter un impor particulier.

A cet égard, les revenus du terrein paroiffent être encore un objet d'impofition plus propre que la rente ordinaire des terres. Celle-ci eft, en plufieurs cas, due en partie à l'attention & à la bonne administration du propriétaire. Un impôt trop lourd pourroit décourager cette attention & cette bonne administration. Les revenus du terrein, en ce qu'ils rapportent de plus que la rente ordinaire des terres, font entièrement dus au bon gouvernement du fouverain qui, en protégeant l'induftrie, foit de tout le peuple, foit des habitans d'un lieu particulier, les met en état de payer le fol fur lequel ils bâtiffent fort au-delà de fa valeur, ou de donner au propriétaire bien plus qu'il ne faut pour compenfer la perte qu'il pourroit effuyer par l'ufage de ce terrein. Qu'y a-t-il de plus raisonnable que de mettre un impot particulier fur un fonds qui doit fon existence au bon gouvernement de l'état, & de le faire contribuer un peu plus que les autres fonds, au foutien de ce gouvernement ?

Quoiqu'on ait mis des impôts fur les rentes des maifons dans plufieurs pays de l'Europe, je n'en connois aucun où les revenus du terrein aient été confidérés comme devant être taxés féparément. Les inventeurs des taxes ou impôts ont trouvé prcbablement quelque difficulté à démêler quelle eft la partie de rente qu'on doit regarder comme revenu du terrein, & quelle eft celle qu'on doit regarder comme la rente du bâtiment. Cependant il ne paroît pas fort mal aifé de diftinguer ces deux parties de rente l'une de l'autre.

On fuppofe que, par la taxe annuelle fur les terres, la rente des maifons elt impofée, dans la Grande-Bretagne, dans la même proportion que la rente ordinaire des terres, l'évaluation fuivant laquelle chaque paroiffe ou diftrict eft impofé, est toujours la même. Dans l'origine, elle étoit extrêmement inégale, & elle continue de l'être. Dans la plus grande partie du royaume, cette taxe tombe plus légérement fur la rente des maifons que fur celle des terres. Il n'y a que quelques cantons originairement taxés fort haut, & dans lefquels la rente des maifons a beaucoup diminué; où la taxe de trois ou quatre fchelings par livre fe monte, à ce qu'on dit, à une proportion exacte avec la rente réelle des maifons. Quoique la loi foumette à la taxe les maifons qui ne font pas louées, elles en font exemptes dans plufieurs cantons par la faveur des affeffeurs ; & cette exemption occafionne quelquefois un peu de va riation dans la taxe des maifons particulières, quoique celle du canton foit la même.

Dans la province de Hollande, chaque maison eft impofée à deux & demi pour cent de fa valeur, fans aucun égard à la rente qu'elle paye annuellement, & qu'elle foit louée ou qu'elle ne le foit pas. Il y a de la dureté à obliger le propriétaire à payer une taxe pour une maifon qui n'eft pas louée, & dont il ne tire aucun revenu, fur-tout à payer une taxe fi lourde. En Hollande où le taux courant de l'intérêt n'excède pas trois pour cent, deux & demi pour cent fur toute la valeur de la maifon doivent ordinairement se monter à un tiers de la rente du bâtiment, peut être au tout. A la vérité, l'évaluation fuivant laquelle on impofe les maifons, quoique fort inégale, eft, à ce qu'on dit, toujours au deffous de leur valeur réelle. Quand on rebâtit une maison, qu'on l'améliore ou qu'on l'agrandit, il fe fait une nouvelle évaluation, & on y conforme la taxe.

Les inventeurs des diverfes taxes impofées en Angleterre fur les maifons, à différentes épo ques, femblent avoir imaginé qu'il étoit fort difficile de connoître la valeur réelle de chaque maifon. Ils ont donc réglé leurs taxes fur quelque circonftance plus frappante, & telle qu'elle auroit, felon eux, la plupart du tems quelque proportion avec la rente.

Le premier impôt de cette efpèce fut celui du fouage. Pour s'affurer combien il y avoit d'atres

ou de foyers de cheminée dans une maifon, il falloit que les collecteurs de l'impôt entraffent dans toutes les chambres. Cette vifite odieufe fit hair la taxe; & elle fut abolie, immédiatement après la révolution, comme une marque d'esclavage.

La feconde taxe de cette espèce fut un impôt de deux fchelings fur toutes les maifons habitées. Une maifon percée de dix croifées payoit quatre fchelings de plus. Celle qui en avoit vingt & audelà, payoit hut fchelings. Cet impôt fut enfuite tellement changé, que les maifons qui avoient vingt croifées & moins de trente, furent obligées de payer dix fchelings; & celles qui en avoient trente & au-delà, d'en payer vingt. Dans plufieurs cas, on peut compter du dehors le nombre des fenêtres d'une maifon, & dans tous les cas on peut le favoir fans entrer dans les chambres. La vifite des collecteurs de la taxe étoit donc moins choquante.

L'impôt fut enfuite révoqué, & l'on établit à fa place l'impôt fur les fenêtres, qui a fubi de même divers changemens & augmentations. Telle qu'elle exiftoit au mois de janvier 1775, outre le droit de trois fchelings fur chaque maifon d'Angleterre, & d'un fcheling fur chaque maifon d'Ecoffe, elle porte encore un droit fur chaque fenêtre, qui, en Angleterre, augmente graduellement depuis deux pences, qui font le taux le plus bas fur les maifons qui n'ont que fept croifées, jufqu'à deux fchelings, qui font le taux le plus haut fur les maifons de vingt-cinq croifées & audelà.

La principale objection contre ces fortes de taxes eft leur inégalité; elles pèfent fouvent plus fur les pauvres que fur les riches. Une maifon de dix liv. fterl. de rente, dans une ville de province, peut avoir quelquefois plus de fenêtres qu'une de cinq cents liv. fterl. de rente à Londres; & quoique l'habitant de la première doive être naturellement plus pauvre que celui de la dernière; fa contribution étant réglée fur ce point par le nombre des fenêtres, il contribue davantage au foutien de l'état. Ces fortes d'impôts font par conféquent directement contraires à la première des quatre maximes que nous avons pofées d'abord. Du refte, elles ne paroiffent pas fort oppofées aux trois autres.

L'impôt fur les fenêtres & tous les autres impôts fur les maifons, tendent naturellement à en faire baiffer les rentes. Il est évident que plus un homme paye pour la taxe, moins il eft en état de payer pour la rente. Cependant, depuis l'impofition de la taxe fur les fenêtres, les rentes des maifons, à tout prendre, font augmentées plus ou moins dans prefque toutes les villes & villages que je connois dans la Grande-Bretagne. La demande ou le befoin de maifons eft tellement augmentée prefque par-tout, qu'elle a fait mon. ter les rentes, plus que la taxe fur les fenêtres n'a pu les faire baiffer; ce qui eft une des meil

leures preuves de la grande profpérité du pays, & de l'accroiffement du revenu de fes habitans. Sans l'impôt, les rentes auroient probablement monté plus haut.

Taxes fur les profits des capitalistes, ou le revenu provenant des fonds d'argent.

Le revenu ou profit venant des fonds fe divife naturellement en deux parties; celle qui paye l'intérêt & qui appartient au propriétaire des fonds, & ce qui refte, l'intérêt déduit.

Il est évident que la partie qui refte, l'intérêt déduit, ne peut être impofée directement. Elle eft une compenfation, & la plupart du tems une compenfation fort modérée, pour le rifque & la peine d'employer fes capitaux. Si celui qui emploie fes fonds n'avoit pas cette compenfation, il ne pourroit continuer de le faire, fans bleffer fon in-. térêt. S'il étoit donc impofé directement en proportion de tout le profit, il feroit obligé ou de hauffer le taux du profit, ou de rejetter la taxe fur l'intérêt de l'argent, c'eft-à-dire, de payer moins d'intérêt. S'il plaçoit fes capitaux dans la culture des terres, il ne pourroit faire monter le taux de fon profit qu'en fe réfervant une plus grande portion, ou, ce qui revient au même, le prix d'une plus grande portion du produit de la terre; & comme il ne pourroit le faire que par une réduction de la rente, le paiement final de l'impôt tomberoit fur le propriétaire. S'il les plaçoit comme fonds mercantilles ou manufacturiers, il ne pourroit hauffer le taux de fon profit qu'en augmentant le prix de fes marchandifes, & alors le paiement final de la taxe tomberoit entiérement fur ceux qui confommeroient ces marchandifes. S'il ne hauffoit pas le taux de fon profit, il feroit obligé de faire porter toute la taxe fur la partie du profit qui doit payer l'intérêt de l'argent; il n'auroit pas le moyen de payer le même intérêt pour le fonds qu'il emprunteroit & alors ce feroit l'intérêt de l'argent qui porteroit en derniere analyfe, tout le poids de l'impôt, Ne pouvant s'en délivrer d'un côté, il faudroit qu'il s'en délivrât de l'autre.

Au premier coup-d'œil, l'intérêt de l'argent paroît un objet auffi capable d'être impofé directement que la rente des terres. Comme elles, il eft le produit net, après que le rifque & la peine d'employer les fonds ont été pleinement compenfés. Comme un impôt fur la rente des terres ne peut faire monter la rente, parce que le produit déduction faite du remplacement des fonds du fermier & de fon profit raisonnable, ne peut être plus grand après la taxe qu'auparavant; ain fi, par la même raison, un impôt fur l'intérêt de l'argent, ne pourroit faire hauffer le taux de l'in térêt, la quantité de fonds pécuniaires dans le pays, ainfi que la quantité des terres, étant fuppofée demeurer la même après comme avant l'im

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pot. Le taux ordinaire du profit fe règle par-tout fur la quantité de fonds à employer, en propor tion de la quantité des emplois ou des affaires qui en demandent. Or la quantité des emplois ou des affaires qui demandent des fonds, ne peut être ni augmentée, ni diminuée par un impôt fur l'intérêt de l'argent. Le taux ordinaire du profit refteroit donc néceffairement le même; mais la portion de ce profit néceffaire, pour dédommager du rifque & de la peine d'employer les fonds, refteroit également la même, puifqu'il n'y auroit rien de changé dans le rifque & la peine. L'autre portion du profit, celle qui appartient au propriétaire des capitaux, refteroit donc auffi nécef- | fairement la même. Il eft done vrai qu'au premier coup d'œil l'intérêt de l'argent paroît auffi propre à supporter un impôt direct, que la rente des

terres.

ou moins arbitraire. L'extrême inégalité & l'incertitude d'un impôt affis de cette manière ne peuvent être compenfées que par fon extrême modé ration, d'après laquelle chacun fe trouve impofé fi fort au-deffous de fon revenu, qu'il ne s'embarraffe pas que fon voifin le foit encore moins que lui.

L'intention de ce qu'on appelle la taxe fur les terres en Angleterre, étoit que les capitaux fuffent impofés dans la même proportion que les terres. Lorique cette taxe étoit de quatre fchelings par livre ou d'un cinquième de la rente fuppofée, on entendoit que les capitaux feroient taxés à un cinquième de l'intérêt. Lors du premier établiffement de cette taxe, le taux légal de l'intérêt étoit à fix pour cent. Cent liv. fterl. étoient donc taxés à vingt-quatre fchelings, la cinquième partie de fix liv. fterl. Le taux légal de l'intérêt ayant été réduit depuis à cinq pour cent, cent liv. fterl. ne font plus fuppofés taxés qu'à vingt fchelings. La fomme à lever par ce qu'on appelle la taxe fur les terres, étoit partagée entre la campagne & les principales villes; & la plus grande partie de ce qu'on en impofoit fur les villes, étoit affife fur les maifons. Ce qui reftoit à affeoir fur les capitaux ou le commerce des villes (car on ne vouloit pas taxer les capitaux employés fur les terres ), étoit fort au-deffous de la valeur réelle de ces capitaux ou de ce commerce. Quelques inégalités qu'il pût y avoir dans la répartition originaire, on ne s'en mit donc pas foit en peine. Chaque paroiffe & chaque diftrict continuent d être impofes pour les terres, fes maifons & fes capitaux, fe

Il y a cependant deux circonftances qui l'y rendent moins propre. 1°. La quantité & la valeur des terres qu'un homme poffède, ne peut jamais être un fecret, & on peut s'en affurer avec une grande exactitude. Mais à quoi fe monte le total des capitaux qu'il a ? C'eft prefque toujours un fecret qu'il eft difficile de favoir un peu exactement. Son capital eft d'ailleurs dans des variations continuelles. Il fe paffe rarement un ar, fouvent pas un mois, quelquefois pas un jour, où il n'augmente ou ne diminue plus ou moins. Une inquifition dans l'état de la fortune de chaque particulier, & une inquifition qui, pour proportionner un impôt à leurs facultés, voudroit fuivre de l'oeil toutes les viciffitudes de leur fortune, feroit une fource de vexations continuelles que perfonne ne pour-lon la première affiette, & la profpérité prefque roit supporter.

2o. La terre ne peut s'emporter, au lieu qu'il eft facile d'emporter un capital. Le propriétaire d'une terre eft néceffairement un citoyen du pays où elle eft fituée. Le propriétaire d'un capital eft un citoyen du monde; il n'est pas néceffairement attaché à un pays en particulier. Il eft tout prêt à abandonner celui où il feroit expofé à une inquifition vexatoire, dont l'objet feroit de le charger d'un impôt lourd à porter, & il feroit paffer fes capitaux dans quelqu'autre pays où il pourroit faire fes affaires & jouir de fa fortune avec plus de tranquillité. En emportant fes capitaux d un pays, il feroit ceffer toute l'induftrie qu'ils y entretenoient. Les capitaux cultivent la terre, les capitaux emploient le travail. Un impot qui tendroit à leur faire déferter un pays, tendroit par-là même à tarir toutes les fources du revenu, tant du fouverain que de la fociété.

Auffi, au lieu d'une inquifition févère, les nations qui ont voulu taxer le revenu provenant des capitaux, ont été obligées de fe contenter d'une eftimation fort inexacte, & par conféquent plus

(1) Mémoire concernant les droits, tom. 1, pag. 74, Econ. polit. & diplomatique, Tome 111,

univerfelle du pays, qui en a augmenté la valeur prefque par tout, a rendu ces inégalités encore moins importantes. Chaque diftrict étant toujours impofé de même, l'incertitude de la taxe, en tant qu'on pouvoit l'affeoir fur les capitaux d'un individu, eft devenue moins fenfible & de moindre conféquence. Si la plus grande partie des terres de l'Angleterre ne font pas impofées à la moitié de leur valeur actuelle, la plupart de ses capitaux ne le font peut-être pas à un cinquantième de la leur. Dans quelques villes, toute la taxe est affife fur les maifons, comme à Westminster où les capitaux & le commerce font libres. Il n'en est pas de même à Londres.

Par tout pays, on a évité une inquifition févère dans la fortune des particuliers.

A Hambourg, (1) chaque habitant eft obligé de payer à l'état quatre pour cent de tout ce qu'il poffède; & comme le peuple de Hambourg eft principalement riche par fes capitaux, cette taxe peut être confidérée comme un impôt fur les capitaux. Chacun s'impofe lui-même, & met annuellement, en présence du magiftrat, une cer

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