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Cependant que j'embraffe une image frivole,
Rome entiere m'appelle aux murs du Capitole.
N'a guere pour il n'y a pas long-temps.

Cette loi que n'a guere un faint zele a dictée,
Du ciel en ta faveur y femble être apportée.

On fupprime fouvent ne avant les verbes, dans les interro gations négatives,

Vois-tu pas que fa haine égale mon amour ?

au lieu de dire, ne vois-tu

pas,

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Il eft très-ordinaire de fupprimer l'e muet du mot encore, pour le faire de deux fyllabes, en écrivant encor.

Encor fi ta valeur à tout vaincre obstinée,

Nous laiffoit pour le moins refpirer une année.

Encore de trois fyllabes avec l'e muet a quelque chofe de languiffant dans le corps du vers, avant un mot qui commence par une confonne, & il eft mieux de ne l'employer ainsi qu'à la fin des vers

Etudions enfin, il en eft temps encore.

On fait auffi quelquefois avec de trois fyllabes, en y ajoutant que.

Quittons donc pour jamais une ville importune
Où l'honneur eft en guerre avecque la fortune.

ARTICLE II.

De la Rime.

A Rime qui fait la plus grande beauté des vers françois,

vers doit finir par un mot qui ait cette convenance de fon avec le dernier mot d'un autre vers. Ainfi ces deux vers riment enfemble;

A

A ta foible raison garde-toi de te rendre:
Dieu t'a fait pour l'aimer, & non pour le comprendre.

La rime n'étant que pour l'oreille, & non pas pour les yeux, on doit plutôt en juger par le fon que par l'orthographe Ainfi quoique les fyllabes finales de deux mots s'écrivent différemment, il fuffit ordinairement qu'elles produisent le même fon pour qu'elles riment ensemble, comme repos & maux dans ces deux vers,

Tout confpire à la fois à troubler mon repos,

Et je me plains ici du moindre de mes maux.

Par la même raison, fi les fyllabes finales de deux mots s'écrivent de la même maniere, & qu'elles fe prononcent différemment, elles ne peuvent rimer ensemble. Ainfi la rime de ces deux vers eft défectueuse,

Ma colere revient, & je me reconnois,
Immolons en partant trois ingrats à la fois.

De la Rime mafculine & féminine.

La rime fe divife en mafculine & féminine: d'où les vers font appellés mafculins ou féminins, comme nous l'avons die page 704.

La rime féminine eft celle qui finit ou par un e muet fimplement, comme dans ces deux vers,

L'Eternel eft fon nom. Le monde eft son ouvrage.

Il entend les foupirs de l'humble qu'on outrage.

ou par une muet suivi d'une s comme dans ceux-ci,

Objet infortuné des vengeances célestes,

Je m'abhorre encor plus que tu ne me déteftes.

ou par un e muet fuivi des lettres nt, comme dans ceux-ci,

C'eft lui-même. Il m'échauffe. Il parle. Mes yeux s'ouvrent :

Et les fiecles obfcurs devant moi fe découvrent.

La rime masculine eft celle qui eft formée par toute aurre terminaifon que par une muet, foit par une voyelle, comme dans ces vers,

Хууу

Miférables jouets de notre vanité,

Faifons au moins l'aveu de notre infirmité.

foit par une confonne, comme dans ceux-ci,

Le faux eft toujours fade, ennuyeux, languiffant;
Mais la nature eft vraie & d'abord on la fent.

Les troifiemes perfonnes du pluriel de l'imparfait de l'indicatif & du conditionnel préfent des verbes, n'ont pourtant pas la rime féminine, quoique terminées en oient, parce que ces cinq lettres ont, comme nous avons dit, le fon de l'e ouvert & qu'ainfi elles forment une rime mafculine, comme dans ces deux vers,

Aux accords d'Amphion les pierres fe mouvoient,

Et fur les murs Thébains en ordre s'élevoient.

On ne confidere prefque jamais que le fon de la derniere fyllabe des mots pour la rime mafculine. Ainfi vérité rime avec piété, raifon avec maifon, malheur avec douleur, fuccès avec procés, &c.

Mais le fon de la derniere fyllabe des mots ne fuffit pas pour la rime féminine, parce que la prononciation fourde & obfcure de l'e muet empêche d'y appercevoir une convenance fenfible. Ainfi quoique la derniere fyllabe de monde foit femblable à la derniere de demande, cependant ces deux mots ne riment pas, non plus que louange avec menfonge, fidele avec fcandale, &c.

Il faut donc encore prendre la convenance des fons, néceffaire pour la rime féminine, de la pénultieme fyllabe des mots. Ainfi monde rimera fort bien avec profonde, demande avec offrande, louange avec mélange, fidele avec modele, scandale avec morale, &c.

De ce qui fuffit ou ne fuffit pas pour la Rime.

La rime tant mafculine que féminine eft d'autant plus parfaite qu'il y a plus de reffemblance dans les fons qui la forment. Ainfi quoique plaifir rime bien avec foupir, & prudence avec récompenfe; cependant plaifir rime encore mieux avec

defir & prudence avec providence, parce qu'outre la conformité des fons ir & ence effentielle à l'une & l'autre rime, les confonnes f&d qui les précedent font encore les mêmes: ce qui ajoute un nouveau dégré de perfection à la rime.

Quand les fyllabes qui forment la rime, c'eft-à-dire, la derniere pour la rime mafculine, & la pénultieme pour la rime féminine commencent par une voyelle, il eft néceffaire, ft elles ne font pas les premieres du mot, qu'elles foient précédées d'une autre voyelle : comme on peut le reconnoître dans les mots li en, nati-on, précieux, artifici-elle, vertu-euse, fei-cnce, &c.

Or il faut, pour la plus grande perfection de la rime de ces fyllabes, que non feulement elles foient précédées des mêmes voyelles, mais encore que les confonnes qui précedent ces voyelles, foient les mêmes ou aient le même son. Ainfi lien qui rime avec gardien, rimera encore mieux avec italien ; nation qui rime avec union, rimera mieux avec ambition; précieux qui rime avec curieux, rimera mieux avec audacieux; artificielle qui rime avec citadelle & matérielle, rimera beaucoup mieux avec effentielle; vertueuse qui rime avec fameuse & monfrucufe, rimera mieux avec impétueufe; fcience qui rime avec efperance & confiance, rimera beaucoup mieux avec patience, &.c.

On appelle rime riche ou heureuse, celle qui eft formée par la plus grande uniformé de íons; & rime fuffilante ou commune, celle qui n'a rien de plus que les fons effentiels.

Il arrive même que les fons effentiels à la rime ne fuffifent pas en bien des occafions, & qu'il faut encore y ajouter le fon des confonnes ou des voyelles précédentes. Ainfi liberté ne rimeroit pas avec aimé, quoique l'é fermé foit le fon final de l'un & de l'autre mot; ni créa avec allia, quoiqu'ils aient tous les deux la voyelle a pour derniere fyllabe.

Les fons effentiels à la rime ne fuffifent pas, quand ils ne font ni affez pleins ni affez marqués, ou qu'ils fe trouvent à la fin d'un grand nombre de mots, parmi lefquels on peut ai fément choisir ceux dont la rime a plus de convenance.

Les fons effentiels à la rime fuffifent, quand ils font pleins, ou qu'ils fe trouvent dans des monofyllabes, ou qu'ils ne font précédés des mêmes conf nnes ou des mêmes voyelles, que dans un très-petit nombre de mots.

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I. Les fons que l'on appelle pleins, font ceux de l'a & de l'o, des e ouverts, des voyelles compofées ai, ei, oi, au eau, eus & ou, des voyelles nafales an, am, en, em, in, im, ain, ein, aim, on om, un, um, des voyelles longues, des diphtongues, ie, oi, ui, ieu, ien, ion, oin, & des voyelles fuivies de plufieurs confonnes femblables ou différentes. Ainfi combats rimera avec embarras,fatale avec inégale, repos avec héros, parole avec immole, progrès avec jucces, mer avec enfer, ouvert avec offert, même avec extrême, jamais avec parfaits maître avec paroître, reine avec peine, tableau avec fardeau rigoureux avec cheveux, bonheur avec ardeur, courroux avec genoux, venin avec diffein, pardon avec leçon, commun avec importun, lumiere avec carriere, vouloir avec favoir ennui avec aujourd'hui, conduite avec pourfuite, entretiens avec conviens, temoin avec befoin, horrible avec fenfible, injure avec murmure, &c.

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Le fon de l'a n'eft plein & fuffifant pour la rime, que quand il est dans la pénultieme fyllabe du mot, ou qu'étant dans la derniere, il eft fuivi de quelque confonne, comme dans agréable, favorable, état, fenat, trepas, foldats, remparts, étendarts. Mais s'il eft la derniere lettre du mot, comme dans toutes les troifiemes perfonnes du fingulier du prétérit des verbes de la premiere conjugaison, il faut qu'il foit précédé de la même confonne ou de la même voyelle. Ainfi condamna rimeroit avec donna, mais non pas avec tomba, marcha, confia, ni avec d'autres ou l'a ne feroit pas précédé d'une n.

Quoique le fon de la rime en ant ou en ent, foit plein, néanmoins à caufe du grand nombre de mots où elle fe trouve, on ne doit faire rimer enfemble que ceux où ant & ent lont précédés des mêmes confonnes ou des mêmes voyelles. Ainfi diamant ne rimeroit bien qu'avec un mot terminé en mant ou ment, comme égarement ; & fuppliant ne rimeroit bien qu'avec un mo terminé en iant, comme criant, &c.

Par la même raifon eu & on précédés d'une confonne ne riment pas bien avec eu & on précédés de la voyelle i. Ainfi heureux ne riment pas bien avec ambitieux, ni moisson avec paffion; mais heureux rimera avec courageux, moiffon avec trahifon, ambitieux avec furieux, & paffion avec religion.

Les voyelles qui n'ont pas un fon plein, font l'é fermé, ou feul, comme dans beauté, ou suivi des confonnes f, z,&r,

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