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Dieu m'a donnés, » portant des palmes à la main, pour marque de leur victoire, chanteront de concert: « Hosanna, salut et gloire, béni soit celui qui vient au nom du Seigneur; hosanna, salut et gloire au haut des cieux! >> Alors les cent quarante-quatre mille qui sont devant le trône et devant les vieillards, prenant leurs harpes, chanteront un cantique nouveau, que nul autre qu'eux ne pourra chanter. Ce sont ceux-là qui sont demeurés vierges; ceux-là suivent l'Agneau partout où il va. Quand la vanité mondaine fera quelque impression sur votre cœur, et que le siècle étalera à vos yeux ses pompes et sa gloire, élevez-vous en esprit jusqu'au ciel, commencez à être ce que vous devez être un jour, et votre époux vous dira : « Mettez-moi sur votre cœur pour l'abriter, comme un sceau sur votre bras, » et par là votre cœur et votre corps étant à couvert, vous direz: « Les grandes eaux n'ont pu éteindre la charité, et les fleuves ne seront point capables de l'engloutir.»>

(Saint Jérôme. Lettre XXI.)

VIII. DE LA VIRGINITÉ.

HILAIRE A SA TRÈS-CHÈRE FILLE ABRA, SALUT EN JÉSUS-CHRIST.

J'ai reçu ta lettre; elle m'apprend que tu soupires après mon retour, et mon cœur n'en saurait douter. Car je sens combien il est doux d'avoir près de soi ceux qu'on aime. Mais tu ne pourras plus t'affliger, me reprocher mon départ, les longueurs de mon absence, mon manque de tendresse, lorsque tu comprendras que c'est ton intérêt, non l'indifférence qui me retient loin de toi. En effet, puisque tu es mon unique fille, ô ma fille, et que nos deux àmes ne doivent faire qu'une âme, je voudrais aussi que tu fusses et la plus belle et la plus pure des filles.

Or j'ai su qu'un jeune homme possédait une perle et un vêtement d'un prix si inestimable, que la personne assez heureuse pour obtenir de lui cette parure, verrait bientôt pâlir, à son éclat, toutes les richesses du monde et tous les trésors de la terre. Je suis donc parti pour aller auprès de lui; arrivé enfin par une route longue et pénible, je me suis jeté à ses pieds: car ce jeune homme est si beau que nul n'oserait se tenir debout en sa présence. Dès qu'il m'a vu dans cette humble attitude: « Que me veux-tu, m'a-t-il dit, et qu'attends-tu de moi? Mille bouches, lui ai-je répondu, m'ont entretenu de la perle et du vêtement qui sont entre vos mains, et, si vous daignez ne pas repousser ma prière, c'est pour en orner ma fille chérie que je suis venu vous les demander. » Et cependant, le visage prosterné contre terre, j'ai versé des torrents de larmes; nuit et jour j'ai gémi, j'ai soupiré et supplié ce jeune homme de se rendre à mes vœux.

Mais lui, parce qu'il est bon et qu'il n'y a rien de meilleur que lui : « Connais-tu, m'a-t-il dit, ce vêtement et

cette perle que tu me pries avec larmes d'accorder à ta fille? - Seigneur, lui ai-je répondu, j'en ai entendu parler aux hommes, je les ai vus des yeux de la foi, et je sais qu'ils sont excellents, et que le véritable salut consiste à se revêtir de cet habit et à se parer de cette perle. Et aussitôt le jeune homme a ordonné à ses serviteurs de me montrer ce vêtement et cette perle, et sur-le-champ ils ont exécuté ses ordres. Et d'abord j'ai vu le vêtement : j'ai vu, ma fille, j'ai vu ce que je ne puis exprimer. Non, auprès de ce vêtement, le réseau le plus fin, la soie la plus légère n'est qu'un tissu grossier! Non, la neige n'a pas plus de blancheur, l'or plus de brillant ! C'est un rayonnement de couleurs à quoi rien absolument ne saurait être égalé. Ensuite j'ai vu la perle, et, à sa vue, je suis aussitôt tombé car mes yeux n'ont pu soutenir son prodigieux éclat; car ni l'aspect du ciel, ni l'aspect de la terre ne pouvait lui être comparé.

Et comme je restais gisant, quelqu'un de ceux qui étaient là me dit : « Je vois que tu es un père plein de tendresse et de sollicitude, et que tu désires ce vêtement et cette perle pour ta fille; mais, afin que tu désires davantage ces trésors, je veux te montrer tout ce qu'il y a encore de précieux dans ce vêtement et cette perle. Ce vêtement n'est jamais rongé par les vers, ni ne se détruit par l'usage; il ne peut être ni souillé, ni déchiré, ni se perdre, mais il reste toujours tel qu'il est. Telle est, d'autre part, la vertu de cette perle, que si quelqu'un la porte sur soi, il ne connaîtra ni la maladie, ni la vieillesse, ni la mort. Elle n'a absolument rien en soi qui soit nuisible au corps; au contraire celui qui s'en sert est à l'abri de tous les accidents qui amènent la mort, inclinent l'âge, ou troublent la santé. » A ces paroles je me suis senti pressé d'un désir plus vif encore d'obtenir cette perle et ce vêtement; et toujours gisant, inondé de pleurs, la voix ardente, je me suis mis de nouveau à prier le jeune homme : « Seigneur, disais-je, ayez

égard à mes prières, prenez en pitié mon inquiétude, et sauvez ma vie. Si vous ne m'accordez pas ce vêtement et cette perle, je serai malheureux; car vivante, ma fille sera perdue pour moi pour ce vêtement donc et pour cette perle, je n'hésite pas à entreprendre les plus longs voyages. Vous savez, seigneur, que je ne mens point. »

En entendant ces paroles, le jeune homme m'ordonna de me lever et me dit : « Tes prières et tes larmes m'ont touché ; et tu es heureux d'avoir cru. Et puisque tu dis que pour cette perle tu voudrais donner ta vie, je ne puis te la refuser; mais il faut que tu saches mon dessein et ma volonté. Le vêtement que je te donnerai est tel, que si quelqu'un veut se servir d'autres vêtements aux brillantes couleurs, de soie, ou brochés d'or, il ne peut recevoir le vêtement qui vient de moi. Je le donnerai à celui qui, dédaignant un vain luxe, aimera la simplicité dans ses habits, ou n'y admettra la pourpre que comme un accessoire et pour se conformer à l'usage. Quant à la perle que tu me demandes, elle est telle que personne ne la peut posséder, qui a une autre perle : car les autres perles viennent ou de la terre, ou de la mer; mais ma perle, comme tu le vois, est belle, précieuse, incomparable et céleste, et il ne convient pas qu'elle soit là où sont d'autres perles. En effet ce qui m'appartient ne s'accorde pas avec ce qui appartient aux hommes; puisque quiconque porte mon vêtement et ma perle est préservé pour toujours il est inaccessible aux feux de la fièvre, impénétrable aux blessures, à l'abri du changement qu'apportent les années, et de la dissolution qui précède la mort; il est toujours égal à lui-même; il est éternel. Cependant, puisque tu me les demandes, je te donnerai ce vêtement et cette perle, afin que tu les apportes à ta fille. Mais auparavant tu dois t'informer de ce que veut ta fille. Si elle se rend digne de mon vêtement et de ma perle, si elle renonce aux vêtements de soie, d'or et de pourpre, si elle

méprise toute autre perle que la mienne, alors je t'accorderai ce que tu me demandes. »

A ces mots, ma fille, je me suis levé tout joyeux, et, me recueillant en secret, je t'ai écrit cette lettre, te priant par les torrents de larmes que je verse, de te réserver pour ce vêtement et cette perle, et de ne pas affliger ton vieux et malheureux père par la perte que tu ferais, si tu n'avais pas cette perle. D'ailleurs, ma fille, j'atteste le Dieu du ciel et de la terre, qu'il n'y a rien de plus précieux que ce vêtement et cette perle; et de toi dépend d'obtenir ces trésors. Dis seulement, si on t'offre jamais un autre vêtement, ou de soie, ou de pourpre, ou d'or, dis seulement à celui qui te l'offrira « J'attends un autre vêtement, pour lequel mon père voyage depuis longtemps loin de moi, qu'il me cherche, et que je ne puis avoir si j'accepte celui que vous me proposez. Pour moi c'est assez de la iaine de mes brebis; c'est assez des couleurs naturelles ; c'est assez d'un simple tissu; le vêtement d'ailleurs que je désire ne peut, dit-on, être détruit, endommagé, ni déchiré. » Et que si on t'offre une perle pour la suspendre à ton cou, ou la mettre à ton doigt, tu répondras: « Je ne veux pas me charger de ces perles inutiles et grossières : j'attends la plus précieuse, la plus belle, la plus utile des perles. J'ai foi en mon père, qui lui-même a eu foi en celui qui la lui a promise; cette perle, pour laquelle il m'a déclaré qu'il irait jusqu'à mourir, c'est cette perle que j'attends, que je désire, qui me procurera le salut et l'éternité. »

Donc, ma fille, soulage mon inquiétude; relis sans cesse ma lettre, réserve-toi pour ce vêtement et pour cette perle. Et toi-même, sans consulter personne, de quelque manière que ce puisse être, dis-moi si tu te réserves pour ce vêtement et cette perle, afin que je sache ce qu'il me faut répondre à ce jeune homme, et que je songe à revenir plein d'allégresse, si tu partages mes désirs. Lorsque tu m'auras ouvert ton cœur, je t'apprendrai alors.

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