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à laquelle l'homme est soumis. La mort vraiment à craindre, c'est la séparation de l'âme d'avec Dieu. Que la mort temporelle y survienne, cette séparation est éternelle et irrémédiable. De là le regret, le remords, le désespoir qui tourmenteront sans fin l'âme coupable et impénitente. Demeuré fidèle, le premier homme n'eût éprouvé ni l'une ni l'autre mort; son âme restait unie à Dieu, son corps uni à l'âme; après le temps d'épreuve, son corps se fût transfiguré sans quitter l'âme. Infidèle, il mourra de mort, et quant à l'âme que le péché séparera de Dieu, et quant au corps qui perdra son privilége d'immortalité et ne vivra plus que pour mourir.

Mais si l'homme reste seul, sans espérance de postérité, surtout s'il meurt, il n'y aura donc point de genre humain? la terre sera donc veuve de son roi et l'univers incomplet? Ne craignons pas. « Jéhova, Dieu, dit : Il n'est pas bon que l'homme soit seul; je lui ferai un aide qui lui soit pareil, un aide qui lui soit une compagnie. »

Avant cela cependant, l'homme recevra l'hommage de ses sujets naturels et exercera sur eux la souveraineté de la raison et de la parole. Car « Jéhova, Dieu, après avoir formé de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel, les amena devant l'homme afin qu'il vît comment il les nommerait et que chacun d'eux prît le nom que l'homme lui aurait donné. Et l'homme donna leur nom aux animaux domestiques, aux oiscaux du ciel et aux bêtes sauvages (1).

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Il est dit que Dieu lui-même a nommé le jour, la nuit, le ciel, la terre, la mer, les étoiles : ces choses ne sont au pouvoir que de lui seul. Mais, pour les animaux qu'il a soumis à l'homme, il veut que l'homme lui-même leur donne les noms qu'ils doivent porter. Pour cela, il lui amène les bêtes sauvages et les oiscaux du ciel : les animanx domestiques l'entouraient sans doute déjà. Il lui fait entendre qu'il en est le maître, comme un maître dans sa famille qui nomme ses serviteurs pour la facilité du commandement. L'écriture, substantielle et courte dans ses expressions, nous indique en même temps les belles connaissances données à l'homme, puisqu'il n'aurait pas pu nommer les animaux sans en connaître la nature et la différence, pour ensuite lcur donner des noms convenables, selon les racines primitives de la langue que Dieu lui avait apprise (2). Créé avec un corps parfait pour être notre père commun selon la vie corporelle, il l'avait été encore avec une intelligence parfaite pour être notre père commun selon la vie intellectuelle (3).

Formation d'Eve ou de la première femme. Naissance de l'Eglise.

Dans la revue que l'homme fit ainsi de ses sujets, il les voyait tous appariés deux à deux pour multiplier leur espèce; il en trouvait plus d'un qui

(1) Gen., 2, 19 et 20. 1. q., 94, a. 3.

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- (2) Bossuet, 5. sem., 1. élévat. (3) Summa. S. Thom.,

ne demandait qu'à l'aider dans ses travaux ou à le charmer dans ses loisirs; mais un aide qui lui fùt semblable, un aide qui allât de pair avec lui, il ne s'en trouva point.

D'où lui viendra ce second lui-même? Dieu le formera-t-il également de terre? Non. Un nouvel ordre de mystères commence. L'homme, le premier surtout, a été créé à l'image de Dieu. Or, Dieu est le principe de toutes. choses. L'homme sera pareillement le principe de tout le genre humain.

«Jéhova, Dieu, envoya donc à l'homme un profond sommeil; et, pendant qu'il dormait, Dieu prit une de ses côtes et en ferma la place de chair. Et Dieu édifia en femme cette côte qu'il avait prise de l'homme (1). »

Dieu envoie un sommeil au premier homme; un sommeil, disent tous les saints, qui fut un ravissement et la plus parfaite de toutes les extases. Dans ce sommeil mystérieux, non-seulement il connut de quelle manière Dieu lui préparait une compagne, mais encore ce que préfigurait tout cela pour les siècles à venir un second Adam, un Dieu-Homme, plongé comme lui dans un sommeil mystique, ayant comme lui le côté ouvert, d'où sortirà, comme du sien, une épouse sans tache avec laquelle il engendrera pour le ciel une postérité innombrable.

L'épouse du nouvel Adam est l'Eglise, notre mère, sortie du côté ouvert de son divin époux, formée, édifiée, vivifiée, embellie encore tous les jours de de sa chair et de son sang adorables; en sorte qu'elle est chair de sa chair, os de ses os. C'est elle que nous annonçait dès-lors l'épouse du premier Adam, Eve, notre mère première, sortant du côté ouvert de son époux, formée, non d'une partie de sa tête, parce qu'elle ne devait pas lui commander, ni d'une partie de ses pieds, parce qu'elle ne devait pas être son esclave, mais d'une partie de son côté, parce qu'elle devait être son inséparable compagne.

Adam voyait tout cela dans son extase; car, lorsqu'à son réveil Dieu lui présenta la femme ainsi formée, il dit tout d'abord : « Pour cette fois, c'est os de mes os et chair de ma chair; elle s'appel era hommesse, parce qu'elle a été prise de l'homme. C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et il s'attachera à sa femme, et les deux seront une même chair (2). »

Nous employons ici un mot qui n'exprime guère bien ce que nous voulons lui faire dire. L'envie de conserver l'allusion qui se trouve dans le texte original pourra nous servir d'excuse.

Union d'Adam et d'Eve, du Christ et de l'Eglise, et des trois personnes divines. Monogamie. Indissolubilité du mariage.

En lisant ces paroles, nous assistons en quelque sorte à la célébration du premier mariage. Rien ne se peut de plus saint ni de plus solennel. C'est Dieu qui présente l'épouse à l'époux; c'est devant Dieu que leur union se

(1) Gen. 2, 22. (2) Gen., 2, 23 et 24.

contracte: Dieu Ꭹ est à la fois père et témoin, prêtre et magistrat. C'est lui qui en proclame ou en fait proclamer les saintes lois : « Et l'homme quittera son père et sa mère, et il s'attachera à sa femme, et les deux seront une même chair. » Grand mystère du Christ et de son Eglise, ainsi que l'apôtre nous l'apprend. Le nouvel Adam, l'Homme-Dieu, quittera son Père, qui est au ciel, et sa mère, qui est sur la terre, la synagogue, et il s'attachera à son épouse, à l'Eglise, et les deux seront une même chair et un même esprit.

L'union du Christ avec l'Eglise, avec la nature humaine, est indissoluble: l'union de l'homme avec la femme doit l'être de même. L'homme était un : Dieu en prit une portion pour le faire deux; ces deux, réunis par le mariage, ne font de nouveau plus qu'un. « N'avez-vous donc pas lu, dit le Christ aux fauteurs du divorce, que celui qui a fait l'homme dès le commencement, les a faits mâle et femelle, et qu'il a dit : C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme, et les deux seront une chair? Ils ne sont donc plus deux, mais une seule chair. Ce que Dieu a donc uni, que l'homme ne le sépare point (1). » Dieu unit l'homme à la femme, non-sculement pour figurer l'union du Christ avec la nature humaine, et la divine famille qui en résulte ou l'Eglise, mais encore pour nous représenter la société éternelle et ineffable qui est en Dieu même. Du premier homme procède la première femme qui, avant et après, ne fait qu'une chair avec lui; de l'un et de l'autre, comme leur mutuel amour, procède le genre humain qui ne fait qu'un avec eux. Ainsi en Dieu, proportion gardée, du Père procède son intelligence, sa parole consubstantielle; du Père et de sa consubstantielle intelligence procède leur mutuel et consubstantiel amour. Ils sont trois, mais indivisibles; ils sont trois personnes, mais une même chose. Tel, à proportion, en doit-il être de la famille humaine. Le Christ n'a qu'une épouse; l'homme aussi n'en doit avoir qu'une. L'intention du Créateur n'est point douteuse à cet égard. Si jamais il y eut raison pour que l'homme eût plus d'une femme, c'était au commencement, lorsqu'il s'agissait de peupler la terrc. Toutefois, l'auteur de la nature n'en donna au premier homme qu'une seule. La pluralité des femmes, aussi bien que le divorce, est donc une déviation de l'état primitif et naturel Il n'en était pas ainsi au commencement, dit le Christ (2). Et la religion et l'humanité exigent qu'il n'en soit plus ainsi. Car partout où règne la polygamie, la femme est la victime de l'homme; et partout où règne le dévorce, les enfants sont les victimes de l'homme et de la femme.

Dieu bénit nos premiers parents. La virginité.

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Ayant ainsi formé et uni nos deux premiers ancêtres, « Dieu les bénit et leur dit Croissez et multipliez-vous; remplissez la terre et subjuguez-la ;

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dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre (1). »

L'Ecriture ne dit point: Dicu leur commanda en disant, comme elle a fait plus haut pour la loi d'abstinence; mais simplement, Dieu les bénit et leur dit. Par cette différence de langage, elle insinue assez clairement que c'est ici moins un commandement qu'une bénédiction; bénédiction de laquelle est sorti tout le genre humain, bénédiction qui depuis long-temps a peuplé et subjugué toute la terrc. Que si cette bénédiction renferme une espèce de commandement, ce n'est qu'en général, et jusqu'à ce que la terre soit peuplée et subjuguée. Lorsqu'elle le sera suffisamment, lorsque les hommes se seront multipliées, lorsque les misères spirituelles et corporelles se seront multipliées avec les hommes, lorsque surtout, pour guérir ces misères en les prenant sur lui-même, l'Homme-Dieu sera né d'une vierge; qu'il aura vécu, qu'il aura souffert, qu'il sera mort et ressuscité vierge, alors, et Dieu et les hommes béniront ceux et celles qui, pour mieux servir Dieu et les hommes, pour mieux accomplir l'œuvre du Rédempteur-vierge, garderont cette pureté d'âme et de corps dans laquelle ont été créés nos premiers parents. A l'exemple de leur divin modèle, ils seront des médiateurs toujours suppliants entre le ciel et la terre; comme lui encore ils serviront de père, de mère, de frère, de sœur aux pauvres et aux malades, aux veuves et aux orphelins, aux ignorants et aux pécheurs, aux vieillards et aux enfants abandonnés. Leur charité vierge conservera plus d'habitants à la terre, en enfantera plus au ciel que n'aurait pu faire leur fécondité conjugale. Une seule chose diminuera : le nombre des coupables et des malheureux.

Si l'usage de la chair fut d'abord défendu.

<«< Dieu dit encore : Voilà que je vous ai donné toutes les plantes répandues sur la surface de la terre et qui portent leur semence, et tous les arbres fruitiers qui ont leur germe en eux-mêmes, pour servir à votre nourriture; et à tous les animaux des champs, et à tous les oiseaux du ciel, et à toute bête rampante sur la terre, et en qui est une âme vivante, j'ai abandonné en pâture toute les espèces d'herbages. Et il en fut ainsi (2). »

De ces paroles certains interprètes ont conclu que, dans l'origine, Dicu ne permettait point l'usage de la chair, mais seulement des fruits et des légumes. On peut douter de cette conclusion. Dieu venait d'accorder formellement à nos premiers ancêtres la domination sur les oiseaux du ciel, sur les poissons de la mer, ct sur tous les animaux terrestres. Or, de quoi aurait servi cette domination à l'homme sur la plupart des animaux, en particulier les oiseaux et les poissons, s'il ne lui avait été permis d'en

(1) Gen., 1, 28. — (2) Gen., 1, 29 et 30.

manger? Que si Dieu ajoute l'usage que l'homme peut faire pour lui-même de certaines plantes, la raison en est peut-être qu'il n'en avait pas encore parlé, et que, comme un bon père, il voulait enseigner à nos premiers parents jusqu'aux détails de leur nourriture. Il se peut néanmoins qu'il voulût aussi leur recommander de se nourrir d'abord plus volontiers de fruits et de légumes, jusqu'à ce que les espèces d'animaux les plus utiles se fussent multipliées assez pour ne plus risquer d'être détruites.

Nos premiers ancêtres ainsi formés, unis et bénis, n'étaient vêtus que de grâce et d'innocence. Tels qu'ils étaient sortis de la main de Dieu, ils n'avaient à rougir de rien, ils n'avaient à se défendre contre aucune intempérie de saison. Dans leurs personnes, la chair ne convoitait point contre l'esprit, mais lui était parfaitement soumise, comme l'esprit était soumis à Dieu. Le corps et l'âme formaient comme une lyre harmonieuse où tout était d'accord, où tout résonnait la louange du Créateur. Il en était autant de la nature entière: elle offrait partout les beautés et les délices d'un printemps comme divin.

Excellence des œuvres de la création et de son ensemble. Sa double fin. Repos de Dieu.

« Alors Dieu considéra tout ce qu'il avait fait, et voilà qu'il était trèsbon (1).» Déjà les jours précédents, ayant considéré chaque partie de son ouvrage, il l'avait trouvée bonne, conforme à l'éternelle idée qu'il en avait dans l'entendement, propre au but qu'il s'y proposait et à la place qu'il lui destinait dans le plan général de sa providence. Mais quand il vit tout ce plan réalisé, quand il considéra l'ensembre de ses œuvres, l'ordre, la beauté, l'harmonie des diverses parties entre elles, les suites admirables qui en résulteraient pour le temps et pour l'éternité, cet ensemble se trouva nonseulement bon, mais très-bon, mais très-cxcellent pour remplir les vues de l'éternelle sagesse.

L'univers a été créé pour deux fins: une première et principale, la gloire de Dicu, pour la manifestation de ses perfections infinies; une seconde et secondaire, l'éternelle félicité des créatures libres. Cette dernière dépend de la libre volonté de ces créatures mêmes. Mais qu'elles veuillent ou qu'elles ne veuillent pas, elles contribueront toutes à la première, elles contribueront toutes à manifester éternellement les adorables perfections de Dieu, sa magnificence à récompenser la vertu fidèle, sa miséricorde à pardonner au repentir, sa justice à punir le crime impénitent, sa sagesse et sa puissance qui font servir à ses desseins les obstacles mêmes. Tout, du côté de Dieu, sera bien, même le mal ou le péché de la créature libre, car ce péché sera ou expié par la créature ou puni par le Créateur; et un péché expié ou puni n'est plus un désordre, mais

(1) Gen., 1, 31.

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