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CHAPITRE VIII.

Que l'auteur attaque également saint Augustin et la tradition, en disant que ce Père ne l'allègue que quelquefois, et par accident, comme un accessoire.

MAIS peut-être que saint Augustin aura donné lieu à cette maligne réflexion de notre critique ? tout au contraire : ce Père, dont il dit qu'il n'appelle la tradition que quelquefois au secours de la religion, est celui de tous les Pères qui s'en est servi le plus souvent. Vingt ou trente célèbres passages qu'on cite de ses ouvrages contre les donatistes, et de son épître à Janvier en font foi; et afin de nous renfermer dans la dispute contre Pélage, qui est celle où M. Simon assure que saint Augustin ne fait venir la tradition à son secours que quelquefois, on voit au contraire qu'il donne à la tradition deux livres entiers, le premier et le second contre Julien, Il revient continuellement à cette preuve dans le livre des Noces et de la Concupiscence, dans le livre de la Nature et de la Grâce; dans les livres au pape Boniface contre les lettres des pélagiens, dans les livres de la Prédestination des saints et de la Persévérance, dans le livre contre Julien qu'il a laissé imparfait, et sur lequel il est mort (1): dans tous ces livres, et partout ailleurs, il ne cesse d'alléguer les Pères, et de faire de leur témoignage une de ses preuves les plus authentiques pour autoriser sa doc

(1) De nupt. l. 11. c. xvII. De nat. el gr. c. LXII. et seq. ad Bonif. 7. IV. v. c. vin, etc. De prædest. SS. c. xiv. Op. imp. l. 11.

trine sur le péché originel. Il n'y a rien qu'il presse plus que la tradition du baptême des petits enfans, et des exorcismes qu'on faisoit sur eux pour les délivrer de la puissance du démon. Pour établir sa doctrine sur la prédestination et sur le don de la persévérance (1), qui sont des matières connexes, il n'allègue rien de plus puissant que les prières de l'Eglise, qu'il ne cesse de rapporter comme l'instrument le plus manifeste de la tradition. Si M. Simon avoit lu ces livres, s'il les avoit, pour ainsi parler, seulement ouverts, auroit-il dit que saint Augustin ne se sert de la tradition que quelquefois? Mais il décide sans lire : il ne fait que jeter les yeux sur quelques passages connus; c'en est assez pour conclure que saint Augustin parle quelquefois de la tradition. Pour en dire davantage, il faudroit s'êtreattaché à tous ses ouvrages; mais il n'y regarde pas, ou il ne fait que passer les yeux légèrement par-dessus.

A-t-on lu et pesé saint Augustin, lorsqu'on assure que la preuve de la tradition n'est pour lui qu'un accessoire, où il n'entre que par accident, et pour s'accommoder aux pélagiens, pendant qu'on voit au contraire qu'il insiste continuellement sur cette preuve, comme sur une preuve tirée de l'intérieur de sa cause? M. Simon produit lui-même ce célèbre passage de saint Augustin (2), où il montre que les saints Pères, dont il allègue l'autorité contre Pélage, n'ont pu enseigner au peuple que ce qu'ils avoient trouvé déjà établi dans l'Eglise ; ni, en disant ce qu'ils y avoient trouvé établi, dire autre chose que ce que leurs Pères y avoient laissé, ni en tout (2) P. 298.

(1) De dono pers. l. 11. c. XIX. etc.

cela dire autre chose que ce qui venoit des apôtres (1). Est-ce là un argument emprunté et un accessoire de preuve, ou le fond de la cause? Avouons-donc que M. Simon, qui le fait parler de la tradition d'une manière si méprisante, ne pèse pas ce qu'il lit, et n'y voit que les préjugés dont il s'est laissé prévenir..

CHAPITRE IX.

L'auteur affoiblit encore la tradition par saint Hilaire, et dit indifféremment le bien et le mal.

NOTRE auteur n'attaque pas moins la tradition en parlant de saint Hilaire, lorsqu'il remarque avec tant de soin (2) que ce Père ne s'appuie pas même sur les traditions et sur les témoignages des anciens docteurs, mais seulement sur les livres sacrés. Il est vrai qu'il insinue au même lieu, que saint Hilaire en usoit ainsi pour combattre les ariens par leur propre principe, et même selon leur méthode, à cause que l'Ecriture étoit leur fond principal.

Il semble donc qu'il ne fait omettre la tradition à saint Hilaire que pour s'accommoder aux ariens; mais le contraire paroît dans les paroles suivantes (3) : Il suppose (c'est saint Hilaire), que les ariens convenoient de principes avec les catholiques, ayant de part et d'autre la même Ecriture, et que toute leur dispute ne consistoit que dans le sens qu'on lui devoit donner. Si le principe des ariens étoit la seule Ecriture, et si saint Hilaire en convient avec eux, il convenoit donc avec eux que l'Ecriture étoit suf(1) L. 11. cont. Jul. c. x. n. 34. — (2) P. 132. — (3) Ibid.

fisante, et qu'on n'avoit besoin de la tradition, ni pour expliquer ce qu'elle dit, ni pour suppléer à ce qu'elle tait : ce n'étoit donc pas pour s'accommoder aux ariens, que saint Hilaire ne s'appuyoit pas sur les traditions; c'est à cause que le principe commun étoit que l'Ecriture est assez claire, et la tradition inutile. C'est pour cela qu'il fait dire au même Père (1), que ces paroles de Jésus-Christ: Allez maintenant instruire toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, sont simples et claires d'elles-mêmes. Ainsi l'Ecriture est claire selon les Pères : selon M. Simon l'on n'en peut rien conclure de certain, il faut avoir recours à la tradition; et néanmoins saint Hilaire ne s'appuie pas dessus. Notre auteur dit tout ce qu'il veut; il dit le pour et le contre, et fait sortir de la même bouche le bien et le mal, contre le précepte de saint Jacques (2), afin que chacun choisisse ce qui lui convient, et que tout soit indifférent.

CHAPITRE X.

Si M. Simon a dú dire que saint Hilaire ne s'appuyoit point sur la tradition.

Au reste, si saint Hilaire ne trouve pas à propos d'apporter les témoignages des Pères dans ses livres de la Trinité, il ne falloit pas dire pour cela que ce Père ne s'appuie pas sur la tradition. M. Simon parle sans mesure : c'est s'appuyer sur la tradition, que d'avoir dit ces paroles qui en renferment (1) P. 132. — (2) Jạc. 111. 10.

toute la force: HEC EGO ITA DIDICI, ITA CREDIDI: C'est ainsi que j'ai été instruit, et c'est ainsi que j'ai cru (1): ce qu'il répète en un autre endroit avec des paroles aussi courtes, et en même temps aussi efficaces. QUOD ACCEPI TENEO, NEC DEMUTO QUOD DEI EST: Je conserve ce que j'ai reçu, et je ne change point ce qui vient de Dieu (2); pour s'expliquer davantage il ajoute: Ces docteurs impies que notre dge a produit sont venus trop tard; avant que d'en avoir ouï seulement les noms, j'ai cru à vous, ó mon Dieu, en la manière que j'y crois : j'ai été baptisé dans cette foi, et dès ce moment je suis à vous. Il en appelle à la foi dans laquelle il a été instruit, au temps de son baptême, et ne veut point écouter ceux qui le viennent enseigner depuis.

CHAPITRE XI.

Que les Pères ont également soutenu les preuves de l'Ecriture et de la tradition: Que M. Simon fait le contraire, et affoiblit les unes par les autres: Méthode de saint Basile, de saint Grégoire de Nysse et de saint Grégoire de Nazianze, dans la dispute contre Aece et contre Eunome, son disciple.

L'ENDROIT Où M. Simon semble le plus appuyer la tradition, est celui où il parle de saint Basile, de saint Grégoire de Nysse, son frère, et de saint Grégoire de Nazianze, son ami; mais il y tombe dans la même faute qu'on a déjà remarquée, qui

(1) Lib. vi. n. 10. p. 891. ➡ (2) Lib. 1. ad Const. n. 8. p. 1230 et

alib.

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