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DES PRINCIPALES BRANCHES

DE L'INDUSTRIE MINÉRALE EN
EN FRANCE

EN ANGLETERRE ET EN BELGIQUE

D'APRÈS LES DOCUMENTS OFFICIELS LES PLUS RÉCENTS

1. Résumé des travaux statistiques de l'administration des mines (de France) en 1853... 1859. Paris, imprimerie impériale, 1861.-II. Mineral statistics of the united Kingdom of Great Britain and Ireland for the year 1860, by Robert Hunt, F. R. S., Keeper of mining records (published by order of the lords commissionners of her Majesty's treasury). London, 1861. III. Documents statistiques públiés par le département de l'intérieur (du royaume de Belgique), avec le concours de la commission centrale de statistique. Tome V (II. Ministère des travaux publics.—Chapitre v. Mines.) Bruxelles, 1861.

Les trois publications dont je viens de transcrire les titres ayant paru à peu près en même temps, j'ai voulu en grouper l'analyse dans un travail commun, pensant que la plus grande partie de l'intérêt qu'il peut offrir serait due à la comparaison, ainsi facilitée, entre trois des principaux centres de l'Europe minérale. La réunion de chiffres authentiques et récents sur une matière assez généralement mal connue, dont on s'occupe pourtant beaucoup en ce moment et à l'égard de laquelle on ne sait pas toujours où aller chercher des renseignements de première main, peut d'ailleurs trouver par occasion une place dans ce recueil, où l'industrie minérale n'avait pas encore été l'objet d'un examen aussi spécial. Toutefois, je dois dire que les statistiques française, anglaise et belge, dont je vais essayer de donner une idée nette aux lecteurs du Journal des Economistes, ont, à côté de nombreuses analogies, des différences non moins nombreuses, qui ne permettent pas une comparaison aussi complète que chacun pourrait le désirer.

Je ne m'arrêterais point à la question puérile du format, s'il n'était en quelque sorte ici un indice de l'origine du volume : l'in-4° majestueux est l'apanage des publications française et belge, faites par les soins de l'administration, exclusivement pour la première, - partiellement pour la seconde, dont la rédaction est arrêtée avec le concours 2 SERIE. T. XxxIII. 15 janvier 1862.

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d'une commission centrale de statistique; le modeste in-8° est réservé à la publication anglaise, qui, je crois nécessaire de le dire, est, bien qu'officielle, avant tout due à des efforts privés. La statistique française, qui ne paraît malheureusement plus qu'à des époques irrégulières, comprend sept années à la fois, — la dernière (1859) n'étant point tout à fait complète; les statistiques anglaise et belge sont annuelles; mais, tandis que la première est relative à l'année 1860 et donne même quelques chiffres du premier semestre de 1861, la seconde n'a trait qu'à 1859. La statistique française constitue un volume spécial, non moins remarquable par la perfection typographique afférente à toute œuvre éditée par l'imprimerie impériale, que par l'excellente symétrie du cadre; il est précédé d'un très-intéressant et très-substantiel résumé, sous la forme d'un rapport du Ministre des travaux publics à l'Empereur. L'ouvrage anglais, moins fini et moins commode à consulter (du moins pour un Français, qui vient en outre se heurter à cette terrible complication des mesures anglaises, dont il est impérieusement obligé d'opérer la fastidieuse et longue conversion en mesures décimales), est précédé également d'une introduction, d'autant plus importante cette fois qu'elle remonte aux origines les plus reculées qu'il soit possible d'établir et produit des documents, inconnus jusqu'à ce jour, relatifs à l'industrie minérale de l'Angleterre. La statistique belge, maintenant réduite aux proportions d'un chapitre de l'une des sections d'un volume d'intérêt général, ne comprend absolument qu'une courte série de tableaux, très-précis d'ailleurs, et n'offre aucun texte à l'appui.

Sans pousser plus loin ce parallèle succinct et en me réservant d'indiquer brièvement, à la fin de cette étude, les documents qui se trouvent dans l'une des trois publications qu'elle a pour objet et qui ne font point partie des autres, je crois convenable de diviser ce travail en deux paragraphes. L'un, qui sera en quelque sorte consacré aux généralités, retracera l'histoire de la statistique minérale des trois pays considérés et contiendra les observations auxquelles elle me semble pouvoir donner lieu. L'autre, dans lequel seront groupés, autant que possible sous la forme de tableaux, tous les chiffres essentiels à connaître pour une appréciation exacte de l'importance absolue des diverses branches de l'industrie minérale en France, en Angleterre et en Belgique, aura pour conséquence naturelle la mise en lumière de la valeur relative des forces productives des trois pays, au point de vue tout spécial où nous place cette étude et au moment où elle paraît. Ainsi que le rappelait récemment ici même (4) un de nos collabora

(1) Livraison de janvier 1861, p. 19.

teurs (M. Jules Pautet), deux systèmes sont généralement en présence pour la réunion des documents statistiques: dans l'un, cette réunion est confiée à des commissions spéciales fonctionnant en dehors du gouvernement; dans l'autre, elle est, comme cela se pratique en France pour l'industrie minérale, opérée par un bureau spécial de l'administration centrale, qui groupe les résultats que lui envoient les agents du service actif. En Belgique, ces deux systèmes ont été fondus en un systeme mixte. Un quatrième système enfin fonctionne en Angleterre, où la statistique, sans perdre tout caractère officiel, ni bien entendu la moindre parcelle d'exactitude, gagne (du moins en apparence) quelque chose du côté de la rapidité de la publication.

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FRANCE. Aux termes de l'article 5 de la loi du 23 avril 1833, portant fixation du budget des dépenses de l'exercice 1833, il devait être publié annuellement un compte rendu des travaux métallurgiques, minéralogiques et géologiques, que les ingénieurs des mines auront exécutés, dirigés ou surveillés. » Ce régime, inauguré à peu près au lendemain d'une révolution, disparut le lendemain d'une autre révolution: la dernière publication annuelle et relative aux résultats des travaux du corps des mines date de l'année 1847. Le 25 novembre 1850, une loi sur les comptes rendus des travaux des mines, des ponts et chaussées et des bâtiments civils, a stipulé (art. 1°r) que la première de ces publications n'aurait lieu que tous les trois ans et que le volume qui commencerait la nouvelle série comprendrait les années 1847 et suivantes, laissées en arrière par suite des événements politiques de 1848. Il n'apparaît pas que cette loi ait reçu aucune autre exécution que celle résultant de la publication, en 1854 et en 1861, des deux beaux volumes dont le second va être, de ma part, l'objet d'une analyse aussi détaillée que possible. Dès le début, la réunion des documents statistiques n'était qu'une partie, à mon avis, la plus importante de beaucoup, du compte rendu des travaux des ingénieurs des mines l'accessoire est, dans ces derniers temps, devenu le principal et il ne semble plus devoir être question d'autre chose.

L'histoire statistique de l'administration des mines comporte quelques renseignements assez curieux, que je me contenterai d'indiquer trèssommairement. Dans un édit de septembre 1739, réglementant les mines du royaume, Louis XV imposait aux concessionnaires la charge « d'envoyer, tous les trois mois, au contrôleur général, un état de la quantité et qualité de mines qu'ils exploiteront, du nombre et de la qualité des ouvriers y employés, ensemble du produit des mines, etc. >> Si cette disposition n'avait pour but principal que l'assiette de l'impôt

régalien du dixième, - qui, du reste, ne se percevait point en fait, comme le remarque Jars, dans ses Voyages métallurgiques (t. In), il n'en est plus de même de l'article 2 de l'arrêt du Conseil d'Etat du roi du 14 janvier 1744, spécialement relatif à la réglementation des houillères, aux termes duquel les exploitants étaient tenus de mettre aux intendants des déclarations concernant la situation et l'importance de leurs mines, le nombre de leurs ouvriers, la quotité de leur extraction, le prix et les lieux de consommation des charbons de terre qu'ils livrent au commerce. L'article 3 d'un autre arrêt du Conseil (tout semblable au précédent), du 19 mars 1783, a reproduit cette prescription, à peu près textuellement empruntée par le législateur de 1791, qui, dans l'article 26 du titre 1er de la loi de cette date, sur la propriété souterraine, a ordonné « la remise, avant le 1er décembre de chaque année, aux archives du département, en un état double, détaillé et certifié véritable,»> des renseignements susmentionnés. En vendémiaire et pluviôse an III, l'agence des mines de la république exigeait, des directeurs des exploitations, des états décadaires de leur production; mais le ton des circulaires ne laisse aucun doute sur la portée révolutionnaire d'une mesure qui n'avait que l'apparence administrative : « Nous t'invitons à nous dire si tu éprouves des entraves et de quelle nature elles sont, afin que nous prenions promptement des moyens de les faire disparaître... Nous comptons sur ton zèle et ton patriotisme... Mande-nous en même temps si, pour donner à tes travaux toute l'extension que nécessite l'urgence des besoins, le nombre d'individus attachés à ton exploitation suffit ou non... Il y a, parmi les prisonniers de guerre, des hommes propres aux travaux des mines... » Les décrets des 18 novembre 1810 (art. 36), sur l'organisation du corps impérial des ingénieurs des mines, 6 mai 1811 (art. 27), sur l'assiette des redevances, et 3 janvier 1843 (art. 41), sur la police souterraine, obligent expressément les propriétaires d'exploitations minérales ou d'usines minéralurgiques à remettre régulièrement à l'administration les états de leurs produits, de leurs ouvriers et des accidents survenus, des matériaux employés ou ouvrés; ces obligations sont rappelées dans toutes les concessions de mines et les permissions d'usines. Si donc l'administration, dont l'une des attributions est, comme on voit, la réunion et la coordination des documents statistiques, faites par un bureau spécial de la direction des mines, n'a commencé que tardivement à se manifester au public par ses utiles volumes, il est évident que, depuis un demi-siècle au moins, c'est-àdire depuis l'origine de la période moderne, elle a senti l'importance du rôle qu'elle était naturellement appelée à jouer dans l'étude des problèmes d'économie publique. La fameuse question des fers, — à la terminaison de laquelle il nous est probablement enfin permis d'assister, a notamment donné naissance, en 1825, à une statistique

très-complète de l'industrie sidérurgique. Mais la statistique générale ne date, à proprement parler, en France, que de la loi de 1833, qui a produit au jour vivifiant de la publicité des documents intéressants, précédemment enfouis dans les cartons administratifs et communiqués seulement à quelques heureux privilégiés.

Lorsqu'on se reporte à la collection des circulaires annuellement envoyées depuis 1833 aux ingénieurs des mines, en même temps qu'à la série d'états qu'ils ont à remplir, on est frappé des efforts tentés pour obtenir immédiatement un tableau de la situation de l'industrie minérale de la France. Mais on est frappé aussi, surtout si on lit les annotations mentionnées sur les états, de la multiplicité excessive des renseignements qui ont primitivement été demandés aux ingénieurs. La difficulté que ces fonctionnaires éprouvaient à mettre des réponses satisfaisantes en regard des questions qui leur étaient posées a, forcément et incessamment, obligé l'administration à restreindre le nombre des états à remplir et à en alléger beaucoup la forme; mais il semble qu'il y ait encore quelque chose à faire à cet égard. La tendance manifeste de l'administration actuelle à simplifier rationnellement les tableaux à dresser, par la suppression de colonnes inutiles ou impossibles à garnir avec une exactitude suffisante, rend d'ailleurs inutile l'examen retrospectif de la série des modèles successivement adoptés depuis une trentaine d'années. Il suffit de constater ici que les modifications sont toutes dans le sens du progrès, c'est-à-dire de nature à remplacer le nombre des détails par la précision des chiffres réellement importants. Quant au cadre adopté pour le dépouillement des travaux fournis par les ingénieurs des mines, il n'est que juste de dire qu'il est à peu près parfait, et je ne crois point sacrifier à un aveugle patriotisme en affirmant que la publication française est supérieure, au point de vue de la méthode d'exposition et, par suite, de la facilité si importante des recherches, à la publication anglaise,-qui laisse un peu à désirer sous le rapport de l'ordre, de l'exactitude des calculs et de la clarté des détails.

ANGLETERRE. Quoique partisan déclaré de l'enviable self-government des Anglais, je suis impartialement obligé de constater que, si la Grande-Bretagne, cette terre classique de la richesse minérale, n'en a possédé que très-tardivement une statistique, elle le doit à l'absence d'une administration de même nature que celles du continent européen. Après s'être longtemps contentée de savoir que son industrie minérale était à elle seule plus importante que la réunion de toutes les industries similaires, l'Angleterre a désiré constater cette supériorité incontestable par des chiffres; c'est alors que le défaut d'agent centralisateur s'est fait sentir. Du reste, les esprits étaient tellement préparés, tellement péné

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