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pare avec ces vertus imparfaites et souvent fausses des plus fameux sages du paganisme. Dans quelles contradictions et dans quelles erreurs ceux-ci ne sont-ils pas tombés, même par rapport à la divinité et au souverain bien? A combien de vices n'ontils pas donné le nom de vertu ? Combien de crimes n'ont-ils pas préconisé? Il est vrai qu'ils montrèrent du zèle pour la justice, du mépris pour les richesses, de la modération dans la prospérité, de la patience dans certaines épreuves, de la générosité, du courage, du désintéressement; mais si le motif de ces dispositions étoit vicieux, si elles avoient leur source dans l'orgueil ou dans quelque autre principe semblable, que deviennent les vertus? Il n'en reste plus que le vain fantôme. Or c'est ce qui est arrivé presque toujours à ces philosophes, dont quelques gens affectent de relever si haut la sagesse et les vertus. Il n'y a donc que le christianisme dont la morale soit véritablement pure, et qui ait le privilége de former de vrais sages (a).

(a) Socrate avoit coutume, dans tout ce qu'il disoit, d'ajouter cette formule avec la permission de mon démon; et lorsqu'il étoit sur le point d'expirer, il donna des ordres pour qu'on immolât un coq à Esculape. Il fut aussi accusé d'un genre d'impureté contraire à la nature. Crésus ayant demandé à Thalès, le prince des naturalistes, ce que c'étoit que Dieu, le philosophe différoit toujours de répondre, et s'excusoit en disant de temps en temps qu'il réfléchiroit sur la question qui lui avoit été proposée. Il est bien étonnant qu'il ait eu sur la nature de la Divinité moins de lumière que n'en a le plus grossier artisan d'entre les Chrétiens. Diogène ne vivoit content dans son tonneau, que parce qu'il y satisfaisoit ses passions; et quand il salissoit avec ses pieds les riches tapis de Platon, disant qu'il fouloit aux pieds l'orgueil de ce philosophe, il n'agissoit ainsi que par un plus grand orgueil, comme Platon lui-même le lui reprocha. Pythagore affecta la tyrannie à Thurium, et Zénon à Priène. Lycurgue se donna la mort de dépit de ce que les Lacédémoniens pensoient à miti ger la sévérité de ses lois. Anaxagore refusa à des étrangers un dépôt qu'ils lui avoient confié. Aristote avoit la petitesse de

S. FÉLIX, ÉVÊQUE DE NANTES.

SAINT FÉLIX est un des plus célèbres évêques qui aient occupé le siége de Nantes. Il sortoit d'une des premières familles de l'Aquitaine (a). Illustre par sa naissance, il l'étoit encore plus par ses vertus, par son éloquence et par son savoir. Il possédoit si bien la langue grecque, qu'elle paroissoit lui être naturelle. Il étoit poète et orateur, et autant que l'on peut en juger par les expressions de Fortunat, il avoit fait en vers le panégyrique de sainte Radegonde. Il étoit marié, et dans la trente-septième année de son âge, lorsqu'il fut appelé, en 549, pour succéder au saint évêque Evemère, sur le siége de Nantes. Son zèle pour la discipline parut dans les règlemens qu'il fit pour son diocèse; il en donna aussi de grandes preuves dans les conciles auxquels il assista, et qui s'étoient assemblés pour pourvoir à la manutention du bon ordre (b). Sa charité n'avoit d'autres bornes que ne vouloir s'asseoir que quand il voyoit son ami Hermias assis au-dessous de lui, et il ne rougit point de flatter Alexandre par vanité, comme Platon avoit flatte Denys par amour de la bonne chère. C'étoit de Platon et de Socrate que les stoïciens tenoient cette orgueilleuse maxime le sage se suffit à luimême. Epictète avoue qu'il est fier d'avoir remporté la victoire sur tous les vices. Aristote et Cicéron préconisent la vengeance. (Voyez Cumberland, des lois de la nature, c. 9, p. 346.) Epicure avoit des vertus, et connoissoit de grandes vérités morales; mais tout cela étoit accompagné de vices et d'impietė. Voyez la morale d'Epicure, par M. l'abbé Batteux, Paris, 1758.) On trouvera les mêmes taches dans la doctrine et la vie des autres philosophes si vantés dans le paganisme. Voyez Théodoret, de curandis Græcorum affectibus, etc.

(a) Il n'est point décidé parmi les critiques s'il étoit de la première ou de la seconde Aquitaine.

(b) Ces conciles sont celui de Paris, en 557, celui de Tours, en 566, et le quatrième de Paris, en 573.

celles de la nécessité des malheureux. Considérant que les revenus ecclésiastiques sont le patrimoine des pauvres, il n'en voulut être que l'administrateur. Il vendit encore son propre patrimoine pour le distribuer à l'église, et à ceux qui étoient dans le besoin. Enfin il ne craignoit rien tant que de laisser dans son diocèse un indigent dont il n'eût pas soulagé la misère.

Il exécuta avec beaucoup de magnificence le projet que son prédécesseur avoit formé de bâtir une cathédrale dans l'enceinte de la ville de Nantes. Il y avoit dans cette église, selon Fortunat, trois nefs, dont la principale étoit soutenue par de belles colonnes; au milieu étoit une grande coupole. On voyoit de toutes parts mille ornemens qui charmoient par leur richesse et leur variété Euphrone, archevêque de Tours, et les évêques d'Angers, du Mans, de Rennes, de Poitiers et d'Angoulême, en firent la dédicace. Les évêques bretons n'y furent point invités, apparemment parce qu'il n'y avoit point alors de commerce libre entre la France et la Bretagne. Les Bretons, d'ailleurs, ne possédoient dans le diocèse de Nantes que le territoire de Croisic où étoit le palais de Guerrande (c), qu'on croit avoir été ainsi nommé de Guérech I, comte de Vannes, qui y faisoit sa résidence.

Lorsque Félix fut fait évêque, Canao, un des successeurs de Guérech, avoit mis à mort trois de ses frères, et il en tenoit en prison un quatrième, nommé Macliau. Le Saint se fit son intercesseur, et lui obtint la vie avec la liberté.

Saint Grégoire de Tours se plaint de l'évêque Félix; il lui reproche de s'être laissé prévenir contre Pierre, son frère; il l'accuse aussi d'avoir (c) En latin, Aula Quiriaca.

favorisé un indigne neveu: mais dans d'autres endroits il rend témoignage à son éminente sainteté, et ce témoignage est confirmé par celui de Fortunat et de plusieurs autres auteurs.

Guérech II, comte de Vannes, faisoit le dégât dans les diocèses de Rennes et de Nantes; il avoit aussi l'avantage sur l'armée que le roi Chilpéric avoit envoyée contre lui. Félix alla le trouver, et l'engagea à retirer ses troupes, et à faire la paix. Ce saint évêque mourut le 8 Janvier 684, dans la soixante-dixième année de son âge, et la trentetroisième année de son épiscopat. On l'honore à Nantes, dont il fut le seizième évêque depuis saint Clair, le 7 Juillet, qui fut le jour de la translation de ses reliques.

Voyez Fortunat, l. 3, c. 4, 5, 6, 7; saint Grégoire de Tours, l. 5, c. 5; Ceillier, t. XVI, p. 562; M. Travers, dans son Histoire abrégée des évêques de Nantes, imprimée dans le tome VII, part. 2, des Mémoires de littérature recueillis par le P. Desmolets de l'Oratoire; Stilting, t. II, Julii, p. 470; Lobineau, Vies des Saints de Bretagne, page 121.

S. HEDDE,

ÉVÊQUE DES SAXONS OCCIDENTAUX, EN ANGLETERRE. CE Saint étoit Anglo-Saxon de naissance. Il se retira dans le monastère de Sainte-Hilde, où il se forma à la pratique des plus sublimes vertus. On le tira de sa solitude, en 676, pour le faire évêque des Saxons occidentaux. Il résida d'abord à Dorchester, près d'Oxford; mais il transféra depuis son siége à Winchester.

Le roi Céadwal étant allé à Rome pour y recevoir le baptême, mourut dans cette ville, en 688, et fut enterré dans l'église de Saint-Pierre. Ina, son parent, lui succéda sur le trône (a). Il eut (a) Ina fut trente-sept ans roi des Saxons occidentaux. İl soumit les Gallois, fit rentrer dans le devoir ceux qui osèrent

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beaucoup d'estime et de vénération pour saint Hedde; et ce fut principalement par ses conseils et par ceux de saint Erconwald qu'il rédigea ces belles lois qui furent publiées, en 693, dans une assemblée nombreuse composée des évêques et des seigneurs de la nation, et qui sont les plus anciennes qui nous restent des rois anglo-saxons (1). Il est ordonné de couper une main ou un pied à celui qui sera convaincu de vol, et que si ce vol a été commis sur le grand chemin, par une troupe dont le nombre est de sept, il sera puni de mort, à moins que le coupable ne rachète sa vie, en donnant ce à quoi on aura apprécié sa tête. Il est porté que celui qui refusera de payer à l'église les droits qui lui appartiennent, sera condamné à une amende de quarante shillings, et que si un maître fait travailler un esclave le jour de diman

se révolter, dans l'intérieur de ses états, et se rendit redoutable aux ennemis du dehors. 11 fit un grand nombre de pieuses fondations, et rebâtit avec beaucoup de magnificence l'abbaye de Glastenbury. Ralph ou Raoul Hidgen ( dans son Polychronicon) et d'autres auteurs disent qu'il établit le premier le denier de saint Pierre, ou cette taxe que chaque famille payoit annuellement au siége de Rome. Convaincu de la vanité des biens périssables, et touché des fréquentes exhortations de sa femme, il renonça au monde, en 728, lorsqu'il étoit au plus haut faîte des grandeurs humaines. Ayant abdiqué son royaume en faveur d'Ethelheard, son parent, il se retira à Rome, où il prit l'habit monastique. Sa femme l'accompagna dans cette ville, et suivit son exemple. Ils passèrent l'un et l'autre le reste de leur vie dans les exercices de la pénitence et de la priere, et moururent pleins de mérites devant Dieu, qui attesta leur sainteté par divers miracles, selon Guillaume de Malmesbury et Huntington.

En 696, Sebbi, roi des Saxons orientaux, préféra aussi une vie privée à la couronne. Il reçut l'habit monastique des mains de Waldhère, successeur de saint Erconwald sur le siège de Londres, après avoir donné aux pauvres des sommes considérables d'argent, et mourut en odeur de sainteté. Voyez Bède, Hist. l. 4, c. 11.

(1) Spelman, Conc. Brit. t. I, l. 3, c. 6.

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