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LETTRES

DE

MICHEL-RENÉ MAUPETIT

Député

A L'ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUANTE

1789-1791.

(Suite).

LIV

15 novembre.

Ci-joint, mon ami, le journal de samedy, où vous verrez le commencement de la discussion sur la gabelle d'Anjou, et avec intérêt le peu qu'on a pu retirer du discours de M. Necker sur la conversion de la caisse d'escompte en Banque nationale. Il a eu le plus beau mouvement à la fin de son discours. Aussi a-t-il excité les plus vifs applaudissements, tandis que Messieurs les jeunes adeptes, qui se croient la science infuse, cherchaient par leurs gestes d'improbation à faire connaitre leur résistance à ce mouvement, et par leurs propos disaient à leurs voisins : « Petits moyens que tout cela, c'est un financier qui n'y entend rien; nous sommes plus habiles, nous allons vous proposer de bien meilleurs

plans. Quand le discours sera imprimé, je vous l'adres

serai.

Je marque à Messieurs du comité que l'affaire de l'Anjou nous a empêché samedy de tenir notre assemblée pour la division de la généralité. Nous ne savons quel jour maintenant nous pourrons nous réunir. Au surplus, je ne regrette pas le contretemps des difficultés même que doivent faire les députés du Mans pour une plus grande étendue de département que celle présentée par le comité. Cela nous donnera plus de temps et de facilité peut-être pour parvenir à notre but. Adieu, j'ai été obligé hier de courir pour rendre des visites, je n'ai pu écrire ny m'entretenir plus au long avec vous ; une autre fois mieux.

LV

(Sans date)

J'ai reçu vos deux lettres, mon ami; je n'ai pu samedy que répondre à la hâte à votre première. Vous devez croire que j'aurais sûrement bien le désir de réunir le chef-lieu à Mayenne, mais vous avez senti que difficilement nous pourrions soutenir la concurrence et j'ai beau me retourner et je ne vois ny possibilité d'arranger les départemens d'une autre manière, ny dans aucun arrangement même plausible d'y placer Mayenne comme centre, à moins qu'on eût fait cent vingt à cent trente départemens, comme le demandait M. de Mirabeau et un autre, M. Aubry du Bochet'. Dans ce cas, j'y voyais de la possibilité, mais si j'examinois ensuite ce que seroient de pareils départements, réduits à une si petite masse, combien au moral les grandes villes, où il eût existé plus de lumières, plus de connaissances, l'eussent emporté infailliblement dans la balance, je n'ai plus été si jaloux d'un petit département, en le voyant aussi isolé

1. Ambry du Bouchet, député de Villers-Cotterets,

qu'il le seroit dans le fait, réduit à n'avoir pour chef-lieu 'que des petites villes, où plus aisément règne la désunion, où, dans l'ordre social, il règne si peu d'ensemble, où les petits interests éclipsent les grands et je me suis dit : << Il vaut encore mieux un plus grand département. » Il ne faut pas non plus trop étendre, parce que la vigilance des administrateurs ne peut s'étendre à tout: Trois cent vingt lieues quarrées, un diamètre de neuf lieues, est une bonne étendue; il en peut résulter et des communications faciles et une réunion d'assez grandes propriétés pour trouver des hommes instruits, un balancement d'intérêts assez diversifié pour mettre en juste équilibre et, en appliquant ces idées au plan du comité, en faisant sur une carte le plan du département, je voyais presque partout deux, trois, quatre villes en état de se défendre intérieurement, de se réunir contre les oppresseurs du dehors. Notre position me paraissait d'autant plus heureuse que Laval ne pouvait nous effrayer comme une ville plus forte, qu'à proximité d'elle, nous pouvions être instruits de tous ses mouvemens, les prévenir; ainsi le plan du comité me paraissait sous tous les points de vue réunir les plus grands avantages et mériter la préférence, sans rien nous faire redouter d'aucune influence de la ville où se tiendroit l'Assemblée, car enfin, nous y aurons nos députés, nous les aurons en nombre égal, nous avons plus d'étendue de terrain intéressé à maintenir à sa proximité le commerce des toiles, à prévenir la ruine d'un marché qui lui est avantageux. Une simple réflexion semble même rassurer contre toute crainte à cet égard. Si Messieurs de Laval avaient une prépondérance si à craindre, si le commerce ne la balançait pas par des circonstances indépendantes des volontés particulières, mais il y a longtemps que les Lavallois eussent pu anéantir notre commerce. Ce sont eux qui achettent les deux tiers de nos toiles. Si on pouvait supposer une volonté possible de détruire notre ville, ce seroit le concert de ne point venir à Mayenne y acheter nos toiles. Ce concert

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