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vieux, quoique le plus pauvre, occupe la première place.

Il y a dans la salle, dont nous venons de parler, une longue table, placée contre la muraille, et chargée de gradins. On y place souvent le portrait du plus considérable des ancêtres, ou du moins son nom avec ceux des hommes, des femmes et des enfans de la famille, rangés des deux côtés, et inscrits sur des tablettes, ou petites planches de bois de la hauteur d'environ un pied, avec l'âge, la qualité et l'emploi que chacun avait, et le jour où il est décédé. Tous les parens s'assemblent dans cette salle au printemps, et quelquefois dans l'automne. Les plus riches font préparer un festin. On couvre plusieurs tables d'un grand nombre de plats de viandes, de riz de fruits, de parfums, de coupes de vin et de bougies à peu près avec les mêmes cérémonies que les enfans de ces morts pratiquaient à leur égard lorsqu'ils étaient vivans, et qui se pratiquent à l'égard des mandarins le jour de leur naissance, ou quand ils prennent possession de leur gouvernement. Quant aux personnes du bas

peuple, qui n'ont

pas le moyen

d'avoir un

elles se con

bâtiment destiné à ces usages, tentent de placer le nom de leurs ancêtres les plus proches, dans l'endroit le plus apparent de leur maison.

Les autres cérémonies se pratiquent une fois l'an, dans le lieu même de la sépulture des ancêtres. Comme leurs tombeaux sont situés hors des villes, et souvent dans les montagnes, leurs descendans s'y rendent depuis le commencement d'avril jusqu'au commencement de mai : ils commencent par arracher les herbes et les broussailles qui environnent les monumens; ensuite ils s'occupent à témoigner aux morts qu'ils renferment leur respect, leur reconnaissance, et la douleur qu'ils éprouvent de les avoir perdus, avec les mêmes cérémonies qu'ils ont observées à leur mort; après quoi, ils placent sur ces tombeaux du vin et des mets qui leur servent de repas.

CHAPITRE IX.

Des jeux et des fêtes des Chinois, entre autres de celles du nouvel an et des lanternes.

Qu

UAND un petit nombre de Chinois se réunissent, c'est ordinairement dans l'intention de jouer, de manger un plat de riz bouilli, de boire un pot de thé, et de fumer une pipe de tabac. La jeunesse chinoise ne connaît nullement ces assemblées où l'on se rend pour danser et s'exercer à des tours de force et de souplesse, assemblées qui, en Europe, ont l'heureux avantage d'écarter cette teinte de mélancolie, qu'un travail assidu, et l'éloignement de la société, peuvent répandre sur le caractère. Le premier jour de l'année, et un petit nombre des jours suivans, sont, à proprement parler, les fêtes observées par le peuple. Ce jour-là le plus pauvre paysan regarde comme un

devoir de se procurer des vêtemens neufs pour lui et pour sa famille. Chacun rend visite à ses parens et à ses amis; tous s'accablent de politesses et de complimens ; ils font et reçoivent des présens, et les officiers du gouvernement, ainsi que toutes les personnes d'un haut rang, donnent des fêtes et des repas.

Quel que soit le sujet qui rassemble un certain nombre d'oisifs, ils ne se séparent pas sans avoir tenté la fortune à quelque jeu de hasard. Il est très-rare qu'un Chinois sorte de chez lui sans avoir dans sa poche, ou des dés, ou un jeu de cartes. Ces deux choses, ainsi que le plus grand nombre de celles qu'on voit en Chine, diffèrent de celles du même genre qu'on voit partout ailleurs. Les jeux de cartes des Chinois contiennent un plus grand nombre de cartes que les nôtres, et sont bien plus compliqués. Si par hasard, quand ils se rencontrent, ils n'ont ni cartes ni dés, ils ne sont pas embarrassés pour jouer, leurs doigts y suppléent habilement ; ils jouent alors au Toi-Moi, sorte de jeu pour lequel le peuple est très-passionné, et qui ressemble à

celui que les enfans appelaient autrefois en France la Mourre.

Pour jouerle Tsoï-Moi, deux personnes, assises l'une vis-à-vis de l'autre, élèvent ensemble une de leurs mains, et chacun dit en même temps quel est le nombre des doigts de son adversaire et des siens qu'il croit être ouverts: le poing fermé n'est pas compté ; le pouce est un ; le pouce et l'index font deux, ainsi du reste; de sorte que, comme chacun sait combien de doigts, il ouvre lui-même, la chance à deviner est entre zéro et cinq. Les Chinois de la classe mitoyenne jouent aussi beaucoup à ce jeu, lorsqu'ils donnent des repas où l'on sert du vin; et le perdant est toujours obligé de vider une coupe. Quelquefois deux hommes jouent à ce jeu puéril pendant plusieurs heures de suite; d'où il arrive que celui qui a perdu, a bu tant de vin, qu'il n'est plus en état de compter, ou de voir ni les doigts de son adversaire ni les siens.

Un des plus grands plaisirs des Chinois, est d'assister à des combats de coqs, et d'instruire des cailles à se déchirer et à s'étrangler les unes les autres. Ils ont étendu

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