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qu'on se lassoit des bonnes choses comme des mauvaises, et qu'ils auroient leur tour; ce qui arriva aussi par la première pièce que donna Molière.

Ce n'est pas là le seul désagrément que Molière ait eu avec ses comédiens : ľavidíté du gain étouffoit bien souvent leur reconnoissance, et ils le harceloient toujours pour demander des graces au roi. Les mousquetaires, les gardesdu-corps, les gendarmes, et les chevau-légers, entroient à la comédie sans payer, et le parterre en étoit toujours rempli; de sorte que les comédiens pressèrent Molière d'obteair de sa majesté un ordre pour qu'aucune personne de sa maison n'entrat à la comédie saus payer. Le roi le lui accorda. Mais ces messieurs ne trouvèrent pas bon que les comédiens leur fissent imposer une loi si dure,│| et ils prirent pour un affront qu'ils eussent eu la hardiesse de le demander: les plus mutins s'ameutèrent, et ils résolurent de forcer l'entrée. Ils furent en troupe à la comédie. Ils attaquent brusquement les gens qui gardoient les portes. Le portier se défendit pendant quelque temps : mais enfin, étant obligé de céder au nombre, il leur jeta son épée, se persuadant qu'étant désarmé, ils ne le tueroient pas. Le pauvre homme se trompa; ces furieux, outrés de la résistance qu'il avoit faite, le percèrent de cent coups d'épée; et chacun d'eux, en entrant, lui donnoit le | sien. Ils cherchoient toute la troupe pour lui faire éprouver le même traitement qu'aux gens qui avoient voulu soutenir la porte. Mais Béjart, qui étoit habillé en vieillard pour la pièce qu'on alloit jouer, se présenta sur le théâtre. « Eh! » messieurs, leur dit-il, épargnez du moins un pauvre » vieillard de soixante-quinze ans, qui n'a plus que quel>>ques jours à vivre. » Le compliment de ce jeune comédien, qui avoit profité de son habillement pour parler à ces mutins, calma leur fureur. Molière leur parla aussi très-vivement sur l'ordre du roi ; de sorte que, réfléchissant sur la faute qu'ils venoient de faire, ils se retirèrent. Le bruit et les cris avoient causé une alarme terrible dans la troupe; les femmes croyoient être mortes: chacun cherchoit à se sauver, surtout Hubert et sa femme, qui avoient fait un trou dans le mur du Palais-Royal. Le mari voulut passer le premier; mais parceque le trou n'étoit pas assez ouvert, il ne passa que la tête et les épaules; jamais le reste ne put suivre. On avoit beau le tirer de dedans le Palais-Royal, rien n'avançoit ; et il crioit comme un forcené par le mal qu'on lui faisoit, et dans la peur qu'il avoit que quelque gendarme ne lui donnât un coup d'épée dans le derrière. Mais le tumulte s'étant apaisé, il en fut quitte pour la peur, et l'on agrandit le trou pour le retirer de la torture où il étoit.

'Cet acteur fort comique étoit l'original de plusieurs rôles qu'il représentoit dans les pièces de Molière: et comme il étoit entré dans le sens de ce fameux auteur, par qui il avoit été instruit, il y réussissoit parfaitement. Jamais acteur n'a porté si loin les rôles d'homme en femme. Celui de Bélise, dans les Femmes savantes, madame Jourdain dans le Bourgeois gentilhomme, et madame Jobin, dans la Devineresse, lui ont attiré l'applaudissement de tout Paris. Il s'est fait aussi admirer dans le rôle du vicomte de l'Inconnu, ainsi que dans ceux des médecins et des marquis ridicules. » Les rôles de femmes que Hubert jouoit furent donnés à Beauval. (Note de M. Granval le père. — Frères Parfait, tome xu, page 475.)

Quand tout ce vacarme fut passé, la troupe tint conseil, pour prendre une résolution dans une occasion si périlleuse. Vous ne m'avez point donné de repos, dit Molière à l'assemblée, que je n'aie importuné le roi pour avoir l'ordre qui nous a mis tous à deux doigts de notre perte; il est question présentement de voir ce que nous avons à faire. Hubert vouloit qu'on laissât toujours entrer la maison du roi, tant il appréhendoit une seconde rumeur. Plusieurs autres, qui ne craignoient pas moins que lui, furent de même avis. Mais Molière, qui étoit ferme dans ses résolutions, leur dit que puisque le roi avoit daigné leur accorder cet ordre, il falloit en pousser l'exécution jusqu'au bout, si sa majesté le jugeoit à propos : et je pars dans ce moment, leur dit-il, pour l'en informer. Ce dessein ne plut nullement à Hubert, qui trembloit encore.

Quand le roi fut instruit de ce désordre, sa majesté ordonna aux commandants des corps qui l'avoient fait de les faire mettre sous les armes le lendemain, pour connoitre et faire punir les plus coupables, et pour leur réitérer ses défenses d'entrer à la comédie sans payer. Molière, qui aimoit fort la harangue, fut en faire une à la tète des gendarmes, et leur dit que ce n'étoit point pour eux ni pour les autres personnes qui composoient la maison du roi, qu'il avoit demandé à sa majesté un ordre pour les empêcher d'entrer à la comédie; que la troupe seroit toujours ravie de les recevoir quand ils voudroient les honorer de leur présence: mais qu'il y avoit un nombre infini de malheureux, qui tous les jours abusant de leur nom et de la bandoulière de messieurs les gardes-du-corps, venoient remplir le parterre, et ôter injustement à la troupe le gain qu'elle devoit faire; qu'il ne croyoit pas que des gentilshommes qui avoient l'honneur de servir le roi dussent favoriser ces misérables contre les comédiens de sa majesté ; que d'entrer à la comédie sans payer n'étoit point une prérogative que des personnes de leur caractère dussent si fort ambitionner, jusqu'à répandre du sang pour se la conserver; qu'il falloit laisser ce petit avantage aux auteurs, et aux personnes qui, n'ayant pas le moyen de dépenser quinze sous, ne voyoient le spectacle que par charité, s'il m'est permis, dit-il, de parler de la sorte. Ce discours fit tout l'effet que Molière s'étoit promis; et depuis ce tempslà, la maison du roi n'est point entrée à la comédie sans payer.

En 1670, on joua une pièce intitulée Don Quixote (je n'ai pu savoir de quel auteur)' on l'avoit prise dans le temps que don Quixote installe Sancho Pança dans son gouvernement. Molière faisoit Sancho; et comme il devoit paroître sur le théâtre monté sur un åne, il se mit dans la coulisse pour être prêt à entrer dans le moment que la scène le demanderoit. Mais l'âne, qui ne savoit point le rôle par cœur, n'observa point ce moment; et dès qu'il fut dans la coulisse, il voulut entrer, quelques efforts que Molière employât pour qu'il n'en fit rien. Il tiroit le licou de

'Cette pièce ancienne, mais raccommodée par Madeleine Béjart, ainsi qu'on le voit dans une note du registre de La Grange, datée du 30 janvier 4660, portoit le titre de Don Quixote, ou les Enchantements de Merlin. Guérin de Bouscal a donné deux comédies en cinq actes, sous ce titre. Il est probable que Madeleine Béjart avoit retouché une de ces deux pièces.

toute sa force; l'àne n'obéissoit point, et vouloit absolument paroitre. Molière appeloit, Baron, Laforêt, à moi; re maudit dne veut entrer! Laforêt étoit une servante qui faisoit alors tout son domestique, quoiqu'il eût près de trente mille livres de rente. Cette femme étoit dans la coulisse opposée, d'où elle ne pouvoit passer par-dessus le théâtre pour arrêter l'âne; et elle rioit de tout son cœur de voir son maître renversé sur le derrière de cet animal, tant il mettoit de force à tirer son licou pour le retenir. Enfin, destitué de tout secours, et désespérant de pouvoir vaincre l'opiniâtreté de son âne, il prit le parti de se retenir aux ailes du théâtre, et de laisser glisser l'animal entre ses jambes pour aller faire telle scène qu'il jugeroit à propos. Quand on fait réflexion au caractère d'esprit de Molière, à la gravité de sa conduite et de sa conversation, il est risible que ce philosophe fût exposé à de pareilles aventures, et prit sur lui les personnages les plus comiques. Il est vrai qu'il s'en est lassé plus d'une fois, et si ce n'avoit été l'attachement inviolable qu'il avoit pour sa troupe et pour les plaisirs du roi, il auroit tout quitté pour vivre dans une mollesse philosophique, dont son domestique, son travail, et sa troupe, l'empêchoient de jouir. 11 y avoit d'autant plus d'inclination, qu'il étoit devenu trèsvalétudinaire; et il étoit réduit à ne vivre que de lait. Une toux qu'il avoit négligée lui avoit causé une fluxion sur la poitrine, avec un crachement de sang, dont il étoit resté incommodé; de sorte qu'il fut obligé de se mettre au lait pour se raccommoder, et pour être en état de continuer son travail. Il observa ce régime presque le reste de ses jours; de manière qu'il n'avoit plus de satisfaction que par l'estime dont le roi l'honoroit; et du côté de ses amis, il en avoit de choisis, à qui il ouvroit souvent son cœur.

L'amitié qu'ils avoient formée dès le collège, Chapelle et lui, dura jusqu'au dernier moment. Cependant celui-là n'étoit pas un ami consolant pour Molière, il étoit trop dissipé; il aimoit véritablement, mais il n'étoit point capable de rendre de ces devoirs empressés qui réveillent l'amitié. Il avoit pourtant un appartement chez Molière, à Auteuil ',

'Auteuil étoit alors le rendez-vous de tous les amis de Molière, au nombre desquels il faut compter Boileau, La Fontaine, Guilleragues, Puymorin, et l'abbé Levayer, fils unique de La Mothe Le Vayer. Brossette nous apprend que ce dernier avoit un attachement singulier pour Molière dont il étoit le partisan et l'admirateur. Un jour qu'il se trouvoit avec Boileau à Auteuil, la conversation s'engagea sur le travers des hommes: Molière soufint que tous les hommes sont fous et que chacun néanmoins croit être sage tout seul. Cette idée fut approfondie et discutée, de manière qu'elle fournit à Boileau le sujet de sa quatrième satire. On croit même que Molière conçut le dessein de la mettre au théâtre. Un autre jour Puimorin, frère de Boileau, raconta qu'ayant osé critiquer le poème de la Pucelle en présence de Chapelain, celui-ci lui avoit répondu : « C'est bien à vous d'en » juger, vous qui ne savez pas lire, » et qu'il lui avoit répliqué : « Je ne sais que trop lire depuis que vous faites imprimer. » Boileau et Racine trouvèrent cette réplique fort piquante, et voulurent en faire une épigramme qu'ils tournèrent ainsi :

Froid, sec, et dur auteur, digne objet de satire,
De ne savoir pas lire oses-tu me blâmer?
Hélas! pour mes péchés, je n'ai que trop su lire,
Depuis que tu fais imprimer.

Racine soutint qu'il valoit mieux écrire: De mon peu de lec

où il alloit fort souvent; mais c'étoit plus pour se réjouir que pour entrer dans le sérieux. C'étoit un de ces génies supérieurs et réjouissants, que l'on annonçoit six mois avant que de le pouvoir donner pendant un repas. Mais pour être trop à tout le monde, il n'étoit point assez à un véritable ami : de sorte que Molière s'en fit deux plus solides dans la personne de MM. Rohault et Mignard', qui le dédommageoient de tous les chagrins qu'il avoit d'ailleurs. C'étoit à ces deux messieurs qu'il se livroit sans réserve. « Ne me plaignez-vous pas, leur disoit-il un jour, » d'être d'une profession et dans une situation si opposées >>> aux sentiments et à l'humeur que j'ai présentement ? » J'aime la vie tranquille, et la mienne est agitée par une » infinité de détails communs et turbulents, sur lesquels je » n'avois pas compté dans les commencements, et auxquels >> il faut absolument que je me donne tout entier malgré » moi. Avec toutes les précautions dont un homme peut » être capable, je n'ai pas laissé de tomber dans le désor>>dre où tous ceux qui se marient sans réflexion ont accou» tumé de tomber. » Oh! oh! dit M. Rohault. « Oui, mon cher monsieur Rohault, je suis le plus mal>>> heureux de tous les hommes, ajouta Molière, et je n'ai » que ce que je mérite. Je n'ai pas pensé que j'étois trop » austère pour une société domestique. J'ai cru que ma » femme devoit assujétir ses manières à sa vertu et à mes >> intentions; et je sens bien que dans la situation où elle » est, elle eût encore été plus malheureuse que je ne le >> suis, si elle l'avoit fait. Elle a de l'enjouement, de l'es>> prit, elle est sensible au plaisir de le faire valoir; tout

ture, pour éviter que le second hémistiche du second vers ne rimât avec le premier et le troisième. Molière soutint au contraire qu'il falloit conserver de ne savoir pas lire; « cette façon. >> dit-il, est plus naturelle, et il faut sacrifier toute régularité à » la justesse de l'expression. C'est l'art même qui doit nous ap» prendre à nous affranchir des règles de l'art. » Boileau fut si frappé de la justesse de cette décision, qu'il la mit en vers dans le quatrième chant de l'Art poétique;

Quelquefois dans sa course un esprit vigoureux, Trop resserré par l'art, sort des règles prescrites, Et de l'art même apprend à franchir les limites. On lit dans les Mémoires de Racine le fils qu'un soir à souper chez Molière, La Fontaine fut accablé des railleries de ses meil leurs amis, au nombre desquels se trouvoit Racine. Ils ne l'appeloient tous que le bonhomme à cause de sa simplicité. La Fontaine essuya leurs railleries avec tant de douceur, que Molière, qui en eut enfin pitié, dit tout bas à son voisin : Ils ont beau se trémousser, ils n'effaceront pas le bonhomme. Nous avons réuni ces trois anecdotes pour donner une idée de la société de Molière et de ces entretiens pleins de charmes auxquels Racine, Boileau, La Fontaine, etc., durent souvent leurs plus heureuses inspirations. (Voyez Mémoires sur la vie de Racine, page 68; Vie de Molière, écrite en 1724; Commentaires de Brossette sur la quatrième Satire de Boileau, tome v, page 30, et tome IV, page 44.)

'Rohault, célèbre physicien, auteur de plusieurs ouvrages. que les savants consultent encore. On croit qu'il servit de modèle au philosophe du Bourgeois Gentilhomme : il mourut en 1675, Quant à Mignard, l'auteur se trompe sur l'époque de l'amitié qui s'établit entre ce grand peintre et Molière. Il y avoit plus de treize ans que cette amitié existoit. Molière fit la connoissance de Mignard à Avignon, en 1657.

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>> cela m'ombrage malgré moi. J'y trouve à redire, je m'en | » je suis un grand fou de venir m'enivrer ici tous les jours » plains. Cette fenime, cent fois plus raisonnable que je ne » le suis, veut jouir agréablement de la vie; elle va son » chemin ; et, assurée par son innocence, elle dédaigne de >> s'assujétir aux précautions que je lui demande. Je prends » cette négligence pour du mépris; je voudrois des mar>>ques d'amitié pour croire que l'on en a pour moi, et que >> l'on eût plus de justesse dans sa conduite pour que j'eusse >> l'esprit tranquille. Mais ma femme, toujours égale et >> libre dans la sienne, qui seroit exempte de tout soupçon >> pour tout autre homme moins inquiet que je ne le suis, » me laisse impitoyablement dans mes peines; et occupée >> seulement du desir de plaire en général, comme toutes >> les femmes, sans avoir de dessein particulier, elle rit de >> ma foiblesse ; encore si je pouvois jouir de mes amis aussi » souvent que je le souhaiterois pour m'étourdir sur mes » chagrins et sur mon inquiétude : mais vos occupations » indispensables et les miennes m'ôtent cette satisfaction. >> M. Robault étala à Molière toutes les maximes d'une saine philosophie, pour lui faire entendre qu'il avoit tort de s'abandonner à ses déplaisirs. « Eh! lui répondit Molière, je » ne saurois ètre philosophe avec une femme aussi aimable » que la mienne; et peut-être qu'en ma place vous passe>> riez encore de plus mauvais quarts d'heure. »>

Chapelle n'entroit pas si intimement dans les plaintes de Molière; il étoit contrariant avec lui, et il s'occupoit beaucoup plus de l'esprit et de l'enjouement que du cœur et des affaires domestiques, quoique ce fût un très-honnête homme. Il aimoit tellement le plaisir, qu'il s'en étoit fait une habitude. Mais Molière ne pouvoit plus lui répondre de ce côté-là, à cause de son incommodité; ainsi, quand Chapelle vouloit se réjouir à Auteuil, il y menoit des convives pour lui tenir tête ; et il n'y avoit personne qui ne se fit un plaisir de le suivre. Connoitre Molière étoit un mérite que l'on cherchoit à se donner avec empressement : d'ailleurs M. Chapelle soutenoit sa table avec honneur. Il

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» pour faire honneur à Molière; je suis bien las de ce >> train-là ; et ce qui me fàche, c'est qu'il croit que j'y suis » obligé. » La troupe, presque tout ivre, approuva les plaintes de Chapelle. On continue de boire, et insensiblement on changea de discours. A force de raisonner sur les choses qui font ordinairement la matière de semblables repas entre gens de cette espèce, on tomba sur la morale vers les trois heures du matin. « Que notre vie est peu de » chose! dit Chapelle; qu'elle est remplie de traverses ! » Nous sommes à l'affût pendant trente ou quarante an» nées pour jouir d'un moment de plaisir, que nous ne >> trouvons jamais! Notre jeunesse est harcelée par de mau>> dits parents qui veulent que nous nous mettions un fatras >> de fariboles dans la tète. Je me soucie morbleu bien, ajouta-t-il, que la terre tourne, ou le soleil; que ce fou >> de Descartes ait raison, ou cet extravagant d'Aristote. >> J'avois pourtant un enragé de précepteur qui me rabat>> toit toujours ces fadaises-là, et qui me faisoit sans cesse >> retomber sur son Epicure; encore passe pour ce philosophe-là, c'étoit celui qui avoit le plus de raison. Nous »> ne sommes pas débarrassés de ces fous-là, qu'on nous >> étourdit les oreilles d'un établissement. Toutes ces fem>> mes, dit-il encore en haussant la voix, sont des animaux » qui sont ennemis jurés de notre repos. Oui, morbleu! >> chagrins, injustices, malheur de tous côtés dans cette >> vie! — Tu as, parbleu, raison, mon cher ami, répon» dit J.... en l'embrassant; sans ce plaisir-ci que ferions>> nous? La vie est un pauvre partage; quittons-la, de » peur que l'on ne sépare d'aussi bons amis que nous le >> sommes; allons nous noyer de compagnie, la rivière est » à notre portée. Cela est vrai, dit N...., nous ne pou>>vons jamais mieux prendre notre temps pour mourir >> bons amis et dans la joie; et notre mort fera du bruit. »> Ainsi, ce glorieux dessein fut approuvé tout d'une voix. Ces ivrognes se lèvent, et vont gaiement à la rivière. Baron courut avertir du monde, et éveiller Molière, qui fut

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fit un jour partie avec MM. de J....', de N...., et de L... effrayé de cet extravagant projet, parce qu'il connoissoit

pour aller se réjouir à Auteuil avec leur ami. « Nous ve»nons souper avec vous, dirent-ils à Molière. » — J'en aurois, dit-il, plus de plaisir si je pouvois vous tenir >> compagnie; mais ma santé ne me le permettant pas, je » laisse à M. Chapelle le soin de vous régaler du mieux » qu'il pourra. » Ils aimoient trop Molière pour le contraindre; mais ils lui demandèrent du moins Baron, « Mes» sicurs, leur répondit Molière, je vous vois en humeur. >> de vous divertir toute la nuit; le moyen que cet en» fant puisse tenir! il en seroit incommodé; je vous prie » de le laisser. - Oh parbleu! dit M. de L..., la fète ne se» roit pas bonne sans lui, et vous nous le donnerez. » Il fallut l'abandonner; et Molière prit son lait devant eux, et s'alla coucher.

Les convives se mirent à table : les commencements du repas furent froids; c'est l'ordinaire entre gens qui savent ménager le plaisir ; et ces messieurs excelloient dans cette étude mais le vin eut bientôt réveillé Chapelle, et le tourna du côté de la mauvaise humeur. « Parbleu, dit-il,

* Les convives que Grimarest n'ose nommer étoient Jonsac, Nantouillet, Lulli, Despréaux et quelques autres.

le vin de ses amis. Pendant qu'il se levoit, les convives avoient gagné la rivière, et s'étoient déjà saisis d'un petit bateau pour prendre le large, afin de se noyer en plus grande eau. Des domestiques et des gens du lieu furent promptement à ces débauchés, qui étoient déja dans l'eau, et les repèchèrent. Indignés du secours qu'on venoit de leur donner, ils mirent l'épée à la main, coururent sur leurs ennemis, les poursuivirent jusque dans Auteuil, et les vouloient tuer. Ces pauvres gens se sauvent la plupart chez Molière, qui, voyant ce vacarme, dit à ces furieux : « Qu'est-ce donc, messieurs, que ces coquins-là vous ont >> fait ? Comment, morbleu, dit J...., qui étoit le plus >> opiniâtre à se noyer, ces malheureux nous empêcheront » de nous noyer? Ecoute, mon cher Molière, tu as de >> l'esprit, vois si nous avons tort: fatigués des peines de >> ce monde, nous avons fait dessein de passer en l'autre » pour être mieux; la rivière nous a paru le plus court » chemin pour nous y rendre; ces marauds nous l'ont bou» ché. Pouvons-nous faire moins que de les en punir? -» Comment! vous avez raison, répondit Molière. Sortez >> d'ici, coquins, que je ne vous assomme, dit-il à ces pau» vres gens, paroissant en colère. Je vous trouve bien

> hardis de vous opposer à de si belles actions. » Ils se retirèrent marqués de quelques coups d'épée.

« Comment! messieurs, poursuit Molière, que vous ai>> je fait pour former un si beau projet sans m'en faire >> part! Quoi! vous voulez vous noyer sans moi? Je vous » croyois plus de mes amis. — Il a, parbleu, raison, dit » Chapelle; voilà une injustice que nous lui faisions. Viens » donc te noyer avec nous. Oh! doucement, répondit >> Molière; ce n'est point ici une affaire à entreprendre » mal à propos : c'est la dernière action de notre vie, il >> n'en faut pas manquer le mérite. On seroit assez malin » pour lui donner un mauvais jour, si nous nous noyions à >> l'heure qu'il est; on diroit à coup sûr que nous l'aurions » fait la nuit, comme des désespérés, ou comme des gens »>ivres. Saisissons le moment qui nous fasse le plus d'hon»> neur, et qui réponde à notre conduite. Demain, sur les >> huit à neuf heures du matin, bien à jeun et devant tout >> le monde, nous irons nous jeter, la tète devant, dans la » rivière. — J'approuve fort ses raisons, dit N..., et il n'y >> pas le petit mot à dire. - Morbleu, j'enrage, dit L....; » Molière a toujours cent fois plus d'esprit que nous. Voilà » qui est fait, remettons la partie à demain, et allons nous » coucher, car je m'endors. » Sans la présence d'esprit de Molière, il seroit infailliblement arrivé du malheur, tant ces messieurs étoient ivres et animés contre ceux qui les avoient empêchés de se noyer. Mais rien ne le désoloit plus que d'avoir affaire à de pareilles gens, et c'étoit cela qui bien souvent le dégoûtoit de Chapelle; cependant leur ancienne amitié prenoit toujours le dessus '.

On sait que les premiers actes de la comédie du Tartuffe de Molière furent représentés à Versailles dès le mois de mai de l'année 4664, et qu'au mois de septembre de la même année, ces trois actes furent joués pour la seconde fois à Villers-Coterets, avec applaudissement. La pièce entière parut la première et la seconde fois au Raincy, au mois de novembre suivant, et en 1665; mais Paris ne l'avoit point encore vue en 1667. Molière sentoit la difficulté de la faire passer dans le public. Il le prévint par des lectures; mais il n'en lisoit que jusqu'au quatrième acte 2: de sorte que

'Voltaire a voulu jeter quelques doutes sur ce fait. Il est facile cependant de l'appuyer d'un témoignage irrécusable, puisque Racine le fils qui le rapporte dans ses Mémoires, d'après Grimarest, ajonte que Boileau « racontoit souvent cette folie de sa jeu»nesse, et que ce souper, quoique peu croyable, est très-véri» table. » (Voyez OEuvres de Jean Racine, édition de Lefèvre t. 1, p, 67; voyez aussi l'excellente Notice de Saint-Marc à la tête des Œuvres de Chapelle.)

'On trouve dans un auteur contemporain une anecdote fort piquante sur une lecture du Tartuffe faite chez la célèbre Ninon de Lenclos. « Je me rappelle, dit l'auteur, une particularité que » je tiens de Molière lui-même, qui nous la raconta peu de jours « avant la première représentation du Tartuffe. On parloit du » pouvoir de l'imitation. Nous lui demandames pourquoi le » même ridicule qui nous échappe souvent dans l'original nous » frappe à coup sûr dans la copie il nous répondit que c'est » parce que nous le voyons alors par les yeux de l'imitateur qui » sont meilleurs que les nôtres; car, ajouta-t-il, le talent de l'a» percevoir par soi-même n'est pas donné à tout le monde. Là» dessus il nous cita Léontium (Ninon), comme la personne » qu'il connoissoit sur qui le ridicule faisoit une plus prompte impression; et il nous apprit qu'ayant été la veille lui lire son

|

tout le monde étoit fort embarrassé comment il tireroit Orgon de dessous la table. Quand il crut avoir suffisamment préparé les esprits, le 5 août 1667, il fait afficher le Tartuffe. Mais il n'eut pas été représenté une fois, que les gens austères se révoltèrent contre cette pièce. On représenta au roi qu'il étoit de conséquence que le ridicule de l'hypocrisie ne parût point sur le théâtre. Molière, disoiton, n'étoit pas préposé pour reprendre les personnes qui se couvrent du manteau de la dévotion, pour enfreindre les lois les plus saintes, et pour troubler la tranquillité domestique des familles. Enfin ceux qui faisoient ces représentations au roi donnèrent de bonnes raisons, puisque sa majesté jugea à propos de défendre le Tartuffe 1. Cet ordre fut un coup de foudre pour les comédiens et pour l'auteur. Ceux-là attendoient avec justice un gain considérable de cette pièce, et Molière croyoit donner par cet ouvrage une dernière main à sa réputation. Il avoit marqué le caractère de l'hypocrisie de traits si vifs et si délicats, qu'il s'étoit imaginé que, bien loin qu'on dût attaquer sa pièce, on lui sauroit gré d'avoir donné de l'horreur pour un vice si odieux. Il le dit lui-même dans sa préface à la tète de cette pièce mais il se trompa, et il devoit savoir par sa propre expérience que le public n'est pas docile. Cependant Molière rendit compte au roi des bonnes intentions qu'il avoit eues en travaillan! à cette pièce. De sorte que sa majesté ayant vu par elle-mème qu'il n'y avoit rien dont les personnes de piété et de probité pussent se scandaliser, et

D

» Tartuffe (selon sa coutume de la consulter sur tout ce qu'il faisoit), elle le paya en même monnoie par le récit d'une » aventure qui lui étoit arrivée avec un scélérat à peu près de » cette espèce, dont elle lui fit le portrait avec des couleurs si » vives et si naturelles, que, si sa pièce n'eût pas été faite, nous » disoit-il, il ne l'auroit jamais entreprise, tant il se seroit cru > incapable de rien mettre sur le théâtre d'aussi parfait que le » Tartuffe de Léontium (Ninon). Vous savez si Molière étoit un » bon juge en ces sortes de matières. Puisque Léontium (Ninon) » est frappée plus que personne du ridicule, il ne faut pas s'éton»ner qu'elle le rende si bien, » ( Dialogue sur la musique des anciens, par l'abbé Châteauneuf, un vol. in-12, 1725,)

'On a lu dans vingt écrits, et entre autres dans ceux de Voltaire, que Molière, recevant la défense au moment même où on alloit commencer la seconde représentation, dit aux nombreux spectateurs qu'elle avoit attirés : « Messieurs, nous allions vous » donner le Tartuffe, mais monsieur le premier président ne veut » pas qu'on le joue. » Le fait n'est ni vrai ni vraisemblable. Molière, quel que fût son dépit, respectoit trop les bienséances et la vérité, il se respectoit trop lui-mème pour se permettre publiquement un quolibet si offensant et si calomnieux. Le premier président de Lamoignon, l'ami de Racine et de Boileau, l'Ariste du Lutrin, ne pouvoit en aucune manière être comparé à Tartuffe. Il étoit d'une piété sincère que nul ne révoquoit en doute; mais, si l'on refuse de croire à ses vertus, on ajoutera foi aux faits et aux dates. La troupe de Molière ne jouoit que trois fois par semaine, le mercredi, le vendredi et le dimanche. Le Tartuffe fut représenté pour la première fois le vendredi 5. La défense arriva le lendemain 6, et c'est le dimanche 7 que devoit se donner la seconde représentation. Il est donc faux que la défense ait été notifiée aux comédiens à l'instant où ils se disposoient à entrer en scène. L'annonce de Molière ne put se faire non plus le lendemain, puisqu'à dater du jour de la défense le théâtre fut fermé pendant cinquante jours, interruption qui ne fut point commandée par l'autorité, ét qui eut pour cause le départ subit de La Grange et de La Thorillière. (A.)

qu'au contraire on y combattoit un vice qu'elle a toujours eu soin elle-même de détruire par d'autres voies, elle permit apparemment à Molière de remettre sa pièce sur le

théâtre.

Tous les connoisseurs en jugeoient favorablement ; et je rapporterai ici une remarque de M. Ménage, pour justifier ce que j'avance. « Je lisois hier le Tartuffe de Molière. Je >> lui en avois autrefois entendu lire trois actes chez M. de > Montmort', où se trouvèrent aussi M. Chapelain, » M. l'abbé de Marolles, et quelques autres personnes. Je » dis à M..., lorsqu'il empêcha qu'on ne le jouât, que c'é> toit une pièce dont la morale étoit excellente, et qu'il » n'y avoit rien qui ne pût être utile au public. >>

cher de fabriquer son Fagotier '; en quoi il n'eut pas
beaucoup de peine, puisque c'étoit une de ces petites
pièces, ou approchant, que sa troupe avoit représentées
sur-le-champ dans les commencements; il n'avoit qu'à
transcrire. La troisième représentation du Misanthrope
fut encore moins heureuse que les précédentes. On n'ai-
moit point tout ce sérieux qui est répandu dans cette pièce.
D'ailleurs le marquis étoit la copie de plusieurs originaux
de conséquence, qui décrioient l'ouvrage de toute leur
force. « Je n'ai pu pourtant faire mieux, et sûrement je ne
» ferai pas mieux, » disoit Molière à tout le monde.
M. de Visé crut se faire un mérite auprès de Molière de
défendre le Misanthrope; il fit une longue lettre qu'il

lière, qui en fut irrité, envoya chercher son libraire, le gronda de ce qu'il avoit imprimé cette rapsodie sans sa participation, et lui défendit de vendre aucun exemplaire de sa pièce où elle fût; et il brùla tout ce qui en restoit; mais, après sa mort, on l'a réimprimée 2. M. de Visé, qui aimoit fort à voir la Molière, vint souper chez elle le même jour. Molière le traita cavalièrement sur le sujet de sa lettre, en lui donnant de bonnes raisons pour souhaiter qu'il ne se fût point avisé de défendre sa pièce.

Molière laissa passer quelque temps avant que de hasar-donna à Ribou pour mettre à la tête de cette pièce. Moder une seconde fois la représentation du Tartuffe ; et l'on donna pendant ce temps-là Scaramouche ermite, qui passa dans le public, sans que personne s'en plaignît. Louis XIV ayant vu cette pièce dit, en parlant au prince de Condé 2: « Je voudrois bien savoir pourquoi les gens qui se scanda» lisent si fort de la comédie de Molière ne disent pas un » mot de celle de Scaramouche. C'est, répondit le » prince, que la comédie de Scaramouche joue le ciel et » la religion, dont ces messieurs ne se soucient guère, tan» dis que celle de Molière les joue eux-mêmes; et c'est ce » qu'ils ne peuvent souffrir. »

Molière ne laissoit point languir le public sans nouveauté; toujours heureux dans le choix de ses caractères, il avoit travaillé sur celui du Misanthrope, il le donna au public; mais il sentit, dès la première représentation, que le peuple de Paris vouloit plus rire qu'admirer, et que pour vingt personnes qui sont susceptibles de sentir des traits délicats et élevés, il y en a cent qui les rebutent faute de les connoître. Il ne fut pas plus tôt rentré dans son cabinet qu'il travailla au Médecin malgré lui, pour soutenir le Misanthrope, dont la seconde représentation fut encore plus foible que la première, ce qui l'obligea de se dépê

'Ce Montmort n'étoit point le fameux parasite, mais Habert, seigneur de Montmort, conseiller au parlement, et membre de l'académie françoise, qui donna une édition des Œuvres de Gassendi, avec une préface latine très-bien écrite. Ce magistrat étoit lié avec Chapelain et avec les hommes les plus célèbres de son temps: il mourut en 1679.

* Nous rétablissons ici cette anecdote telle qu'elle se trouve dans le Ménagiana, tom. Iv, pag. 174. Le grand Condé avoit pour Molière une amitié toute particulière souvent il l'envoyoit chercher pour s'entretenir avec lui. Un jour il lui dit, en présence de personnes qui me l'ont rapporté : « Molière, je vous fais » venir peut-être trop souvent, je crains de vous distraire de » votre travail; ainsi je ne vous enverrai plus chercher, mais je » vous prie, à toutes vos heures vides, de me venir trouver; » faites-vons annoncer par un valet-de-chambre, je quitterai > tout pour être avec vous.» Lorsque Molière venoit, le prince congédioit ceux qui étoient avec lui, et il étoit souvent des trois et quatre heures avec Molière. On a entendu ce grand prince, en sortant de ces conversations, dire publiquement : Je ne m'ennuie jamais avec Molière, c'est un homme qui fournit de tout, son érudition et son jugement ne s'épuisent jamais. (GRIMAREST, Réponse à la critique de la Vie de M. de Molière.) On trouve dans les Anecdotes littéraires qu'un abbé ayant cru faire sa cour au grand Condé en lui présentant une épitaphe de Molière : Ah! lui dit ce prince, que celui dont tu me présentes l'épitaphe n'est-il en état de faire la tienue? (Tome II, page 48.)

Les hypocrites avoient été tellement irrités par le Tartuffe, que l'on fit courir dans Paris un livre terrible, que l'on

Ce fait est singulier, piquant: il plaît à notre malice, en nous offrant une preuve signalée de la vanité et de l'inconséquence des jugements publics; il tend même à rehausser la gloire de Molière, en nous le montrant supérieur à son siècle : enfin, il peut servir, au besoin, à consoler la vanité de quelque anteur dont l'ouvrage n'aura pas été accueilli au gré de ses espérances. Mais, le dirai-je ici? le fait est faux, entièrement faux. Je sais que j'attaque ici une centaine de recueils d'anecdotes, et autant d'ouvrages de critique littéraire.Je n'ai qu'une arme, mais elle est sûre: c'est le registre même de la comédie, tenu jour par jour avec une exactitude qui ne fait grace d'aucun détail. Le Misanthrope fut joué dans les mois de juin et de juillet; c'est-à-dire dans la saison la plus défavorable aux spectacles, et il eut vingt-une représentations consécutives dont il fit seul tous les frais, aucune petite pièce, ni ancienne, ni nouvelle, n'ayant été donnée à la suite. De ces représentations, dont le nombre suffisoit alors pour constater un plein succès, quatre des dernières seulement n'atteignirent pas tout-à-fait à la somme qui étoit considérée comme bonne et satisfaisante recette. Loin que le Misanthrope ait été soutenu par le Médecin malgré lui, cette dernière pièce, jouée six jours après qu'on eut cessé de jouer la première, le fut onze fois de suite avec d'autres ouvrages; après quoi les deux pièces furent données ensemble, et ne le furent que cinq fois. Ainsi croule de tous côtés la petite fable bâtie sur la destinée du Misanthrope à sa naissance. (A.) — Un passage des Mémoires de Dangeau appuie les observations précédentes sur le succès qu'obtint le Misanthrope; puisqu'on y lit que « Cette pièce fit grand bruit, eut un grand succès à Paris avant d'être jouée à la cour.»(Mémoires de Dangeau, 40 mai 1690.)

Elle ne fut réimprimée qu'en 1682, et on ne la trouve pas dans la seconde édition du Misanthrope publiée chez Claude Barbin, un peu plus d'un an après la mort de Molière. Cette circonstance suffiroit pour prouver la vérité de l'anecdote racontée par Grimarest, lorsqu'on ne sauroit pas que jusqu'alors de Visé avoit été un des plus acharnés détracteurs de Molière, et que plus tard il se fit l'apologiste de l'abbé Cotin dans le compte qu'il rendit des Femmes savantes. (Voyez le Mercure galant, année 1672.)

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