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Je ne tardai pas à voir mon sujet grandir. Je fus frappé tout à la fois des beaux souvenirs historiques que je voyais naître à chaque pas, et de l'insuffisance des auteurs qui avaient traité cette matière. En face d'une histoire si féconde en grands événements, et plein du désir d'être utile aux habitants d'une ville où je devais passer une partie importante de ma vie (), je sortis bientôt du cercle que je m'étais tracé, et, des matériaux que j'avais recueillis, je formai un corps d'ouvrage sous le titre de Recherches historiques sur la ville de Soissons. Je me proposais, sitôt l'ouvrage achevé, d'en faire don à la bibliothèque de la ville (1).

La première partie se trouvait terminée au mois de mai 1826; elle comprenait les temps anciens jusqu'au Xe siècle; je m'empressai de la communiquer à plusieurs personnes. La rédaction de la seconde partie était déjà parvenue jusqu'au milieu

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(a) Arrivé à Soissons, le 10 septembre 1816, j'en suis parti le 20 décembre 1830.

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(b) Voici comme se terminait la préface placée en tête de cet ouvrage : J'aurai du moins jalonné une partie du terrain qui reste encore à explorer, et mes efforts n'auront pas été tout à fait infructueux, s'ils peuvent attirer l'attention et les talents de quelque citoyen de Soissons, sur un sujet aussi intéressant, et l'exciter à nous donner enfin une histoire digne de l'antique célébrité de sa patric, »

du XVe siècle, quand Mme Maréchal mourut. La nouvelle du legs patriotique de cette dame me fit hésiter un moment. L'importance de ce legs (12,000 fr.) devait naturellement stimuler le zèle de plusieurs savants, et je pouvais craindre d'entrer en lutte avec des écrivains habiles et avantageusement connus. Mais devais-je renoncer à un travail qui me mettait à même de satisfaire mes goûts, ainsi que mon désir d'être utile? Fallait-il, alors que la récompense promise donnait l'éveil à de louables ambitions, faire taire en moi tout sentiment d'émulation, et sacrifier, à des considérations pusillanimes, le fruit de plusieurs années de recherches laborieuses. Ces raisons et les instances des personnes qui avaient lu mon travail, fixèrent mon incertitude, et je résolus de garder, pour le présenter au concours, un ouvrage qui pouvait être terminé beaucoup plus tôt, mais les nouvelles circonstances ne me permettaient plus de rendre public. En me réservant d'ailleurs pour le concours, c'était agir encore dans l'intérêt de la science, qui ne peut que gagner à une concurrence nombreuse.

que

La ville de Soissons n'a cependant pas manqué

d'historiens. Depuis trois siècles on n'en compte

pas moins de huit. A la vérité tous ces auteurs se sont attachés surtout à retracer, en détail, la vie des personnages placés en première ligne sur la scène de l'histoire, mais ils ont glissé rapidement sur ce qui concerne la ville en particulier; assez souvent même elle disparaît tout à fait dans leur narration, au milieu des grandes révolutions qui eurent lieu dans ses murs. C'est en vain qu'on chercherait chez eux beaucoup de ces documents, si estimés de nos jours, sur son étendue et sa population à ses diverses époques historiques, sur les institutions municipales, sur la condition civile et morale des habitants; ils gardent presque toujours un silence absolu; et, pareils aux chroniques écrites à l'ombre des cloîtres, leurs livres ne contiennent guère que des récits de combats ou des renseignements ecclésiastiques. A côté de ces grandes lacunes, on trouve quelques erreurs, surtout dans la partie militaire. Diminuer autant que possible l'importance des unes, et rectifier les autres, me parut devoir être la première condition à remplir. Je crois avoir obtenu en cela d'heureux résultats, et j'appelle avec quelque

confiance toute l'attention de mes lecteurs sur les points suivants :

1° L'emplacement, la grandeur et la population de Noviodunum, capitale des Suessions; la position de la terrasse élevée par César, dont j'ai retrouvé la masse; l'origine du château de Crise. 2o Les agrandissements de l'enceinte de la ville sous les Romains, aux VI et IXe siècles.

3o Le démembrement de la ville et du diocèse de Soissons du domaine royal, à la suite de la révolte des seigneurs, en 922, contre la dynastie carlovingienne.

4° L'établissement du comté héréditaire de Soissons à l'avènement de la troisième race.

5o Le gouvernement despotique d'Enguerrand de Coucy, devenu comte de Soissons; la révolte des Soissonnais, et le siége mémorable de 1414.

6o La condition civile et morale de la population à chacune des grandes époques de l'histoire nationale, et les causes qui ont arrêté, depuis trois siècles, son accroissement, au milieu du développement progressif qui s'est manifesté sur toute la surface de la France.

J'ai dû m'écarter, dans la composition de mon

livre, de la route suivie par les historiens qui m'ont précédé. Je me suis attaché principalement à ce que la ville fût toujours placée sur le premier plan du tableau. Les actions des rois, des évêques et des autres personnages éminents qui l'habitèrent, ne figurent ici qu'autant qu'elles se rapportent à son histoire. Il m'a semblé que dans ce qui est personnel au monarque ou aux grands dignitaires de l'état, tout ce qui n'a pas un rapport direct avec Soissons, tout ce qui ne sert pas aussi, par le fait, à lui donner, en quelque sorte, la vie et le mouvement, doit être laissé dans le domaine de l'histoire de France. Je n'ai pas non plus empiété sur l'histoire purement ecclésiastique. Il m'eût été facile de grossir le volume de cet ouvrage en y insérant les discussions et les actes des conciles, les détails relatifs à la hiérarchie et à la discipline religieuse, les cérémonies du culte, la description des miracles; mais je n'ai point voulu porter sur le voile du temple une main téméraire. Et cela entrait-il d'ailleurs dans mon sujet? je suis loin de le penser. J'ai parlé de l'Église et du clergé toutes les fois que l'Église et le clergé s'étaient mêlés au mouvement de la société,

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