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femmes qui ont acquis quelque célébrité, sont Khadidja, fille de Khowailid; Aicha, fille d'Aboubekr; Hafsa, fille d'Omar; Omm Habiba, fille d'Abou-Sofian, un des Koreïchites puissants; Safia la juive; Zeinab, fille de Djahch, mariée d'abord à son affranchi Zeid (Voy. le chap. XXXIII, au sujet de ce mariage). Neuf de ces femmes survécurent à Mahomet; mais comme il avait interdit aux musulmans de les épouser après sa mort (XXXIII, 53), aucune d'elles ne se remaria. Ce nombre de femmes est en contradiction flagrante avec le précepte du Koran, qui défend aux musulmans d'avoir à la fois plus de quatre femmes légitimement mariées (chap. IV); mais c'était une prérogative que Mahomet revendiquait, en sa qualité de chef spirituel et de prophète.

Mahomet avait, dit-on, déclaré devant Aboubekr qu'à la mort d'un prophète tout ce qu'il possédait devait retourner à la nation, à l'Etat; c'est sans doute de cette parole qu'on se prévalut à sa mort, pour assigner à ses femmes une pension sur le trésor public, et pour priver sa fille Fatima de la propriété de Fadak, bourg conquis sur les juifs. En vertu des préceptes du Koran, le chef de l'Etat, le pontife, avait droit au cinquième du butin pris sur l'ennemi; Mahomet, après l'avoir prélevé à la suite de toute expédition heureuse, en appliquait une grande partie à secourir des indigents, des veuves et des orphelins; sa vie sobre et simple, une activité incessante ne l'entraînaient pas à des dépenses excessives, mais l'entretien d'un grand nombre de femmes, dont chacune occupait une maison où un logement à part, absorbait ses

ressources.

Il avait vingt-deux chevaux, deux ànes Ofair et Ya'four; cinq mules dont la plus connue, la blanche, se nommait Doldol; quatre chamelles qu'il montait, et dont la plus connue était Koswa (à l'oreille coupée); vingt autres chamelles à lait; cent brebis et quelques chèvres. De neuf sabres, le plus célèbre et qui passa ensuite à Ali s'appelait dhoulfikar, c'était un sabre à deux lames divergentes vers la pointe; trois lances, trois arcs, sept cuirasses, trois boucliers, un étendart (liwa) blanc, et un autre noir appelé okab (aigle noir), c'est le même, dit-on, que l'on a conservé jusqu'à nos jours à Constantinople sous le nom de sandjak cherif (drapeau illustre). Un manteau (borda), qui est conservé à Constantinople sous le nom de kherkaï cherifch, est, dit-on, le même que Mahomet donna au poëte Ca'b qui avait écrit son panégyrique. Le turban vert devint plus tard le signe distinctif de ses descendants issus de sa fille Fatima, le turban noir fut celui de la ligne collatérale issue de son oncle Abbas, aïeul des Abassides. Quant à son extérieur, Mahomet était de taille moyenne, son corps bien formé et robuste; il avait les yeux noirs, les cheveux noirs et plats, le nez aquilin, les joues unies et colorées, les dents un peu écartées; malgré son âge avancé, à peine lui voyait-on quelques cheveux blancs, il avait, du reste,

l'habitude de les teindre, en noir, selon l'usage des Arabes, de se colorer les ongles avec le henna, et de mettre du collyre (kohl) sur ses paupières; il aimait à se mirer dans un miroir ou dans un vase rempli d'eau pour ajuster son turban. Quant à ses goûts, on cite de lui ces paroles : « Les choses que j'aime le plus au monde, ce sont les femmes et les parfums, mais ce qui me réconforte l'âme, c'est la prière. » Son extérieur avantageux était du reste rehaussé par une grande expression de bonté et d'affabilité. Il ne quittait jamais le premier celui qui l'abordait, et ne retirait pas la main avant que celui qui la lui serrait n'eût retiré la sienne; il s'adresse dans le chapitre LXXX un reproche sévère pour avoir reçu avec humeur un homme pauvre, toutefois il eut soin de se prémunir contre les importunités et la grossièreté de ses concitoyens, par des passages du Koran qui enseignent les règles de la politesse. Préoccupé avant tout du but principal, il savait supporter avec patience les injures et les insultes et n'éprouvait aucun plaisir à satisfaire sa vengeance personnelle, lorsque le succès de sa cause la rendait inutile. Après la prise de la Mecque, on lui amena un de ses ennemis les plus acharnés, il garda le silence et finit par lui pardonner. «J'ai gardé le silence, dit-il à ses compagnons, dans l'attente que quelqu'un se levât et tuât cet homme. Nous attendions un signe de toi, prophète! Il ne sied pas au prophète de faire des signes d'intelligence qui seraient une trahison, répondit-il. » C'était en quelque sorte enseigner comment on devait interpréter le silence du prophète vis-à-vis d'un ennemi. La tradition a conservé plusieurs traits de la vie de Mahomet qui le peignent comme un homme très-doux, très-humain, très-bienveillant pour ceux qui lui étaient dévoués. Il ressentait cependant vivement les satires de quelques poëtes idolâtres, et chargea quelques-uns de ceux qui avaient embrassé son parti de leur répondre; les plus renommés de ces poëtes dévoués à Mahomet sont Hassan, fils de Thabit, et Ca'b, fils de Zohaïr. Quant à luimême, il était tellement étranger à la poésie, qu'on cite de lui des exemples, où, en répétant les vers d'un autre poëte, il transposait les mots de manière à détruire et la mesure et la rime. Le jugement qu'il porte, dans le Koran, sur les poëtes en général (chap. XXVI), font croire qu'il était tout aussi disposé à s'en passer, dans son empire musulman, que Platon l'était à les chasser de sa république. Il faut reconnaître en même temps que l'exaltation religieuse produite par l'entraînement du nouveau culte a comprimé tout à coup les élans poétiques du paganisme. Un célèbre poëte arabe, Lebid, cessa de composer des vers dès qu'il fut devenu musulman, et les poëtes panégyristes de Mahomet ne peuvent lutter avec les Amrilkaïs, les Chanfara, les Tarafa. Il est difficile de dire si Mahomet savait lire et écrire; le passage du Koran où l'ange Gabriel lui dit : « Lis.Et sa réponse: Et que lirai-je?» ferait croire qu'il savait lire; quand peu de

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jours avant sa mort il demandait de l'encre et une plume pour consigner ses dernières volontés, cela semble autoriser à croire qu'il savait écrire; dans tous les cas, il se servait volontiers de ses secrétaires qui écrivaient sous sa dictée, c'étaient Ali, Othman, Zeïd, Obaï, Moawia. Quant à l'instruction, telle qu'elle pouvait exister à cette époque-là parmi les juifs et les chrétiens, il n'en avait évidemment pas, et il ne possédait des Écritures qu'une connaissance fragmentaire, telle qu'on la puise dans des entretiens, et par des ouï-dire. De là vient que quelques récits bibliques reproduits dans le Koran sont défigurés, confus, et que le faux et l'apocryphe y sont presque toujours à côté du vrai et de l'authentique. Mahomet reconnaît, du reste, lui-même qu'il est un prophète illettré, ommi, envoyé vers les illettrés, probablement pour mieux faire ressortir son caractère d'homme inspiré d'en haut. Quelques auteurs musulmans cependant prétendent que le mot ommi (maternel, tel qu'on est quand on est sorti du sein de sa mère, ignorant, illettré) appliqué à Mahomet, signifie originaire de la Mecque qui s'appelle Ommoul-koura, Mère des cités1. Les aveux réitérés que Mahomet fait de son manque d'instruction et de son ignorance de l'avenir n'ont pas empêché ses compagnons, et à plus forte raison les générations successives, de lui attribuer le don de lire dans l'avenir et d'opérer des miracles. L'exaltation religieuse, le zèle pour la propagation d'un culte qui avait déjà conquis du terrain, très-souvent la fraude pieuse s'adressant à l'ignorance et à la crédulité, ont fait de Mahomet l'auteur d'un millier de prodiges 2. On ne s'arrêta pas même là. Lorsque, par une pente naturelle d'un culte livré à ses développements, la discussion et la controverse s'ouvrirent sur les dogmes, lorsque ce

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Cette explication du mot ommi est donnée dans l'ouvrage persan intitulė « Hakkoul-yakin. »

Voici quelques-uns des miracles opérés par Mahomet ou des qualités miraculeuses qui lui sont propres Une fois il a fendu la lune en deux au vu de tout le monde; sur sa demande Dieu a fait rebrousser chemin au soleil, afin qu'Ali pût s'acquitter de la prière de l'après-midi qu'il avait manquée, parce que le prophète s'était endormi sur ses genoux, et qu'Ali ne voulait pas le réveiller; toutes les fois que le prophète marchait à côté de quelque autre personne, Mahomet, quoique de taille moyenne, paraissait toujours la dépasser de toute la tête; son visage était toujours resplendissant de lumière, et lorsqu'il tenait ses doigts devant son visage, ils brillaient comme des flambeaux de la lumière emprontée à son visage; on a souvent entendu les pierres, les arbres et les plantes saluer Mahomet et s'incliner devant lui; des animaux tels que les gazelles, les loups, les lézards, parlaient à Mahomet, et le chevreau rôti en entier lui adressait aussi la parole; il avait un pouvoir absolu sur les démons qui le redoutaient et croyaient à son apostolat. Il a rendu la vue à des aveugles, il a guéri des malades et même ressuscité des morts; il a fait un jour descendre une table toute dressée pour Ali et sa famille, qui avaient faim ; il a prédit que sa postérité issue de Fatima serait la victime des injustices et des persécutions, et que les Ommaïades régneraient mille mois, et c'est ce qui s'est réalisé, etc. Voy. aussi la note du chap. XVII, 1, sur le voyage miraculeux de Mahomet aux cieux.

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culte mahométan fut mis en contact avec le christianisme et le judaïsme, on arriva à affirmer que le Koran, révélation directe de Dieu et sa parole, était une chose coéternelle à Dieu, que le Koran n'était pas créé ; ce qui évidemment résulte de la confusion du mot kelamoullah, parole de Dieu, prise pour le Verbe de Dieu. Le Koran tel que nous le possédons est la reproduction aussi fidèle que possible de l'exemplaire original qui avait été confié par le premier khalife Aboubekr à la garde de Hafsa, fille d'Omar et veuve de Mahomet. Dans une bataille sanglante livrée à Akraba, au faux prophète Moçaïlama, dans l'année même de la mort de Mahomet, plus de six cents compagnons (Ashab) de Mahomet furent tués; dans ce nombre se trouvaient des kourra, lecteurs du Koran, et des hamalatoul Kor'an (porteurs du Koran), qui savaient le livre sacré par cœur, non-seulement pour l'avoir lu, mais pour l'avoir entendu de la bouche de Mahomet. Dans la crainte que le livre sacré ne se perdît, Aboubekr nomma une assemblée composée des kourra, et des ashab survivants les plus instruits qui recueillirent tous les fragments du livre et en formèrent un ensemble. Cette réunion de portions éparses du Koran porte évidemment les traces d'une main autre que celle de Mahomet; l'ordre chronologique des révélations n'y est nullement observé; les chapitres postérieurs se rapportent au commencement de la mission de Mahomet (Voy. ch. XCVI, CXI.). Il y en a d'autres dont l'époque est fixée par les événements même auxquels il y est fait allusion, chap. IX, XXXIII; le passage V, 5, où Mahomet parle de l'achèvement de sa mission, est rapporté au pèlerinage d'adieu qui eut lieu l'année même de sa mort. Il semblerait donc que le Koran n'existait pas du temps de Mahomet comme livre, comme un tout, et cependant Mahomet lui-même le nomme ainsi (II, 21, IX, 65, 87, 125, 128; XXIV, 1; XLVII, 22); et dans le ch. X, 12, il est parlé du Koran et des chapitres comme d'un tout et d'une partie, ce qui ferait supposer que Mahomet y avait déjà introduit quelque ordre. Ce n'est pas ici le lieu de s'étendre dans l'appréciation de la valeur du Koran soit comme système religieux, soit comme code sacré, source de toute législation chez les mahométans, soit enfin comme production de l'esprit qui puisse entrer en parallèle avec les Écritures de l'Ancien ou du NouveauTestament, ou avec les livres sacrés des autres peuples. Selon les Arabes musulmans, c'est, sous le rapport du langage, l'œuvre la plus belle qu'il y ait jamais eu; mais cette thèse n'a pas manqué de trouver des contradicteurs : les Wahabites, secte née dans le siècle passé, ont résolument affirmé qu'on pouvait créer quelque chose de plus parfait. Résumons en peu de mots les principes fondamentaux de l'islam: unité absolue de Dieu, point de Trinité, point de Fils de Dieu; le Saint-Esprit, c'est l'ange Gabriel; les anges sont des messagers de Dieu, et ils mourront un jour

comme toutes les autres créatures pour être ressuscités au jour du jugement dernier; sans la croyance en un Dieu unique, et à la vie future, point de salut; les peines de l'enfer peuvent ne pas être éternelles si Dieu le veut; le Koran admet un purgatoire; les délices du paradis sont réservées aux croyants qui ont en même temps pratiqué le bien; ces délices sont dépeintes sous des traits grossiers et sensuels, mais les plus attrayants sans doute pour un peuple vivant comme les Arabes, et situé comme ils l'étaient et le sont encore; en effet, la promesse de cours d'eau, de jardins, de verdure, d'une douce fraicheur, de femmes sans vieillesse, devait paraître un comble de bonheur pour des hommes brûlés par le soleil, entourés de plaines ou de montagnes arides, manquant souvent d'eau, et ne trouvant dans l'autre moitié du genre humain qu'une très-courte époque de plaisir, parce qu'ils ne voyaient et ne trouvaient dans les femmes rien qui les élevât au-dessus des brutes. Il est cependant digne de remarque que les premiers temps de l'islam offrent des exemples d'une grande pureté de mœurs, d'une chasteté, d'un ascétisme, d'un spiritualisme qu'on ne s'attendrait pas à trouver chez un peuple bercé de promesses du paradis mahométan, soit que la piété ait voulut mériter ces récompenses par une vie de privations, soit que les bons instincts de la nature humaine se soient chargés eux-mêmes d'épurer une religion qui s'adressait d'abord aux sympathies du vulgaire. Selou le Koran, Dieu gouverne le monde, il a réglé toutes les choses d'avance; mais il exauce l'homme, son serviteur; la prière a son efficacité; mais c'est un dogme postérieur, que l'intercession de Mahomet au jugement dernier sera également admise. Quant au culte extérieur, cinq choses constituent l'islam; la prière, le jeûne, l'aumône, le pèlerinage de la Mecque et la guerre sainte ou, pour prendre le mot djihad dans son sens le plus adouci, la propagande religieuse. La morale du Koran consacre tous les préceptes moraux des autres peuples, mais elle ne s'étend pas en termes aussi positifs que le christianisme à toute la race humaine. Si le succès prodigieux et rapide de l'islam, le nombre de ses sectateurs répandus sur tout le globe, la puissance et l'éclat, les sacrifices et les martyrs, étaient le critérium de la vérité d'une religion, l'islam serait la religion vraie, car il a eu tout cela. Quand on réfléchit que le peuple arabe, du temps de Mahomet, se trouvait en contact continuel avec le christianisme et le judaïsme, et que ces deux religions, si puissantes dans le reste du monde, n'ont fait que peu de progrès au sein de l'Arabie, on est forcément conduit à en conclure que le culte formulé par Mahomet était le seul qui s'adaptât le mieux au caractère de ce peuple inaccessible à toute autre action civilisatrice. On a vu, du reste, par le résumé de la vie de Mahomet, que le triomphe de sa mission ne fut assuré que lorsque les révélations célestes reçurent par un heureux con

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