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resserrer dans le plus petit cadre l'exposition complète de la situation et du système politique des diverses puissances, de façon à faire clairement entendre et suivre tous les événemens dont nous aurons bientôt à rendre compte.

Comme la session des deux chambres excitera longtemps chez nous l'attention et l'espérance publique, nous avons cru, en évitant la sécheresse d'un procès verbal ou les déclamations d'une opinion purement personnelle, devoir faire un tableau fidèle, impartial, animé de ces discussions où s'échappent de toutes parts des vérités à recueillir sur l'histoire d'un temps où elles ont encore quelque peine à se faire jour.

Personne ne s'étonnera sans doute de voir les discussions de la chambre des députés développées davantage que celles de notre chambre haute, puisque la première en a presque toujours l'initiative. Il faut toutes les ressources du talent de quelques pairs pour rajeunir les sujets qui leur arrivent ordinairement épuisés. Nous n'avons pas eu d'autres motifs dans le choix des discours que de prendre ce qu'ils offraient successivement de neuf dans l'ordre où ils ont été prononcés. D'ailleurs les deux chambres ont une existence représentative bien différente. L'une, toujours jeune par ses renouvellemens périodiques, organe plus variable de l'opinion publique dont elle semble apporter chaque année l'expression mobile, est nécessairement pour le public l'objet d'une curiosité plus vive que l'autre, où la charte et le droit héréditaire ont imprimé le caractère calme et froid de la fixité.

La chambre des pairs une fois constituée dans nos intérêts généraux est essentiellement conservatrice. L'esprit d'innovation est hors de sa nature : les fondemens de la société en seraient ébranlés. C'est une région audessus des intérêts de caste et de parti. C'est là que, comme nous l'avons dit ailleurs (1), «le thermomètre politique doit toujours être au même degré.»>

La seconde partie de l'Annuaire Historique, c'est à-dire l'histoire générale, est remplie pour cette année de grands événemens. Les constitutions de l'Allemagne, la guerre de l'Espagne avec ses colonies, la campagne qui vient de compléter la domination britannique dans l'Inde, les conférences d'Aix-la-Chapelle, la libération de la France, ses agitations intérieures et le changement de son ministère sont des objets dignes de l'attention de la postérité. A cet égard nous avons fait en sorte de ne rien omettre d'essentiel et ne rien hasarder qu'après avoir comparé tous les rapports nationaux ou étrangers, avec l'esprit de critique que l'habitude de ces travaux et la connaissance des affaires peuvent nous avoir donné.

Un appendice étendu offre les actes publics ou les documens diplomatiques les plus importans, des tableaux de statistique rédigés d'après des renseignemens nouveaux pris aux meilleures sources; une chronique où entrent les événemens les plus piquans, les causes les plus célèbres, détails que l'histoire n'admet pas, et qui sont pourtant si nécessaires pour faire con

(1) La France et les Français, en 1817, seconde édition, p. 239.

naître le siècle et le pays dont on parle; une liste de promotions et de nécrologie; un aperçu général de l'état de la littérature, développé autant que l'abondance des matières politiques a pu le permettre, et des notices littéraires sur les meilleurs ouvrages qui ont paru dans le cours de l'année.

A la nomenclature des objets qui devaient entrer dans l'Annuaire Historique, on en conçoit l'importance et la difficulté. Il recevra successivement les améliorations dont il peut être susceptible. On sera porté à en excuser les négligences et même les erreurs qu'il sera toujours facile de rectifier (1).

La composition d'une histoire est en tout temps une tâche bien pénible; mais l'écrire sous les yeux des contemporains, en sortant d'une révolution, encore au milieu de la lutte des intérêts qu'elle a créés ou blessés, en présence des acteurs toujours échauffés de leur querelle, parler des grandeurs tombées sans insulter au malheur, et des grandeurs existantes sans flatter le pouvoir; voilà le difficile, le périlleux, je dirais presque l'impossible, ou du moins, suivant l'expression de Salluste, in primis arduum. Nous avons surmonté ces dégoûts, et il ne fallait rien moins pour nous soutenir dans cette laborieuse carrière, que la conscience de l'utilité de cet ouvrage.

L'avenir nous en rendra sans doute la tâche plus

(1) L'auteur recevra avec reconnaissance tous les avis, documens, ou rectifications qu'on voudra lui adresser (francs de port ) à son domicile, rue des Saints-Pères, no 17.

aisée. L'époque où nous le commençons est une ère nouvelle. Les historiens n'auront plus besoin, pour instruire ou intéresser leurs lecteurs, d'être admis dans le secret des cabinets. Les grands mouvemens de la politique se font à la surface du sol; l'édifice social est à jour de toutes parts, et les peuples sont désormais la partie dominante de leur histoire.

P. S. Le lecteur est invité à voir l'Errata après la table des matières.

TABLEAU DE LA SITUATION POLITIQUE DES DIVERSES

PUISSANCES,

A LA FIN DE 1817.

APRÈS une guerre où la gloire n'enfanta que des malheurs, où la conquête écrasa les vaincus sans faire la sécurité du conquérant, où l'ambition s'est perdue par ses excès, les peuples appauvris, fatigués, long-temps menacés dans leur existence, ne semblent plus aspirer qu'au repos. Les traités qui leur ont fait poser les armes n'ont pu réparer les pertes, ni guérir toutes les blessures : on y a encore vu des intérêts légitimes froissés, et des droits authentiques méconnus. Des États ont été morcelés, d'autres ont disparu, sur le principe vague et trompeur des convenances. Mais toutes les considérations ont fléchi devant la nécessité, et les plaintes particulières ont été étouffées par la voix publique. Il ne s'est point élevé, comme après les traités de Westphalie et d'Utrecht, de résistance hostile au vœu général; et ce que le siècle précédent avait regardé comme le rêve de la philanthropie, a presque été réalisé sous nos yeux par la volonté mieux éclairée des souverains.

Si l'histoire doit perdre, aux yeux des lecteurs superficiels, quelque chose de son intérêt par la fin de ces catastro phes qui désolent la terre et détruisent ou bouleversent des empires, espérons qu'elle offrira désormais des tableaux plus consolans pour les amis de la raison, de la philosophie et de l'humanité.

Les princes et les peuples ont maintenant à élever chez eux des trophées plus glorieux que ceux qu'ils ont teints de sang et arrosés de pleurs. Ils ont à ouvrir entre eux une lutte plus utile et plus généreuse. La civilisation qui va toujours

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