Images de page
PDF
ePub

INSCRIPTIONS

SANSCRITES

DE CAMPĂ.

On y trouve cependant quelquefois, dès le premier quart du viIIe siècle çaka, c'est-à-dire dès les inscriptions les plus anciennes, aux deux premiers numéros près, des barbarismes ou des solécismes, qui seront signalés en note. Je ne parlerai ici que de certaines particularités de

syntaxe.

Le tortillage des constructions dans les stances, où l'hyperbate va parfois jusqu'à l'amphigouri, n'est que l'exagération des libertés propres à la versification indienne : il est inutile d'y insister.

Mais il faut relever deux faits curieux, qui sont bien proprement des faits de syntaxe. L'un est la confusion à peu près complète, non seulement du présent et des prétérits, qu'on ne s'étonne pas trop de rencontrer tour à tour dans un récit, mais de l'indicatif et de l'optatif, en ce sens du moins que le second est souvent pris dans le sens du premier. On en trouvera de nombreux exemples: XXII, A, ш; XXIII, A, ш, x et ligne 14; XXIV, 11; XXVI, A, ш, C, D, ligne 41.

Le second abus à signaler est la construction d'un participe présent ou d'un locatif absolu remplaçant un verbe personnel avec un pronom relatif ou une conjonction de relation. On la rencontre au no XXII, stance x, et au no XXIII, B, stance II et ligne 22.

Dans la transcription, les chiffres arabes entre parenthèses désignent les lignes, et les stances reçoivent à la marge des chiffres romains. Les restitutions sont placées entre crochets.

Les notes de la traduction s'adressent surtout aux indianistes et sont généralement réduites au strict nécessaire. Les inscriptions du Cambodge publiées et traduites par M. Barth étaient accompagnées d'un commentaire complet qui aura donné aux autres lecteurs une idée suffisante de ces textes épigraphiques sanscrits. Les monuments qui suivront, principalement ceux du Cambodge, formeront une masse énorme où, malheureusement, le fatras tiendra une place de plus en plus grande. Pour continuer à rendre universellement intelli

1

Pour des exemples au Cambodge, voir ci-dessus, p. 109, note 2 et la note additionnelle, p. 179. A. B.

gibles les lieux communs de la poétique et de la mythologie indiennes,
il aurait fallu répéter indéfiniment les mêmes explications. D'ailleurs
ce n'est pas
là qu'est l'intérêt général de nos inscriptions, et l'exposé
placé en tête de chacune d'elles contiendra à peu près tout ce qui est
susceptible d'être utilisé l'historien ou l'archéologue.

par

Mes collaborateurs, MM. Barth et Senart, et M. Sylvain Lévi, dont l'aide nous sera probablement nécessaire pour achever la tâche que nous avons entreprise, m'ont amicalement prêté leur concours dans la revision des épreuves.

INSCRIPTIONS

SANSCRITES

DE CAMPĀ.

[ocr errors]

Les lignes par lesquelles se termine cette notice sont probablement les dernières que Bergaigne ait écrites au sujet de ces inscriptions. Elles doivent être de peu antérieures au 21 avril 1888, date de la remise du manuscrit à l'Imprimerie nationale. Il pouvait bien alors les écrire par avance telles qu'on vient de les lire, se doutant peu qu'il laisserait bientôt à l'un de nous la triste tâche de les expliquer et d'y ajouter un post-scriptum. Depuis l'origine de l'entreprise, en effet, c'était chose convenue entre nous que la correction des épreuves se ferait en commun. Trois années auparavant il n'avait pas épargné sa peine pour me rendre le même service lors de la publication du premier fascicule; aussi, quand nous nous dîmes adieu, dans les premiers jours de juillet 1888, peu de temps avant qu'il partît lui-même pour le fatal voyage dont il ne devait pas revenir, ce ne fut pas sans nous promettre que la correction du second fascicule serait entreprise immédiatement au retour des vacances. Il reçut encore, mais sans y toucher, les feuilles d'épreuve des pages 182 à 240; les suivantes ne furent tirées qu'après son départ; celle des pages 253 à 257 porte la date du 6 août, du jour même où il périssait d'une mort affreuse au fond d'un précipice des montagnes de la Grave. Ses papiers ne devinrent accessibles qu'en décembre, après la levée des scellés. Ce fut alors seulement que nous pûmes nous rendre compte, MM. Senart, Lévi et moi, des limites et du degré d'avancement du travail de notre malheureux ami. La partie remise à l'Imprimerie ne contenait que les inscriptions de Campā; mais, outre celles-ci, le fascicule devait comprendre des inscriptions du Cambodge, sur le nombre et sur le choix desquelles les fac-similés ne nous renseignaient qu'imparfaitement. Même pour les inscriptions de Campā, il devint bien vite évident que la correction exigeait l'inspection non seulement des fac-similés, mais aussi des estampages, qu'il fallut d'abord retrouver. De là la nécessité de

INSCRIPTIONS

SANSCRITES

DE CAMPA.

procéder à un premier travail de reconnaissance et de déblayement, qui ne pouvait guère être fait en commun et dont il fut décidé que je me chargerais. De là aussi de nouveaux délais. Il fallut non seulement dépouiller de nombreuses liasses de papiers, parmi lesquels auraient pu se glisser quelque note ou quelque correction additionnelles, mais recueillir chez moi, inventorier et remettre en ordre toute la série des estampages de Campã, du Cambodge et du Laos, qui s'étaient peu à peu accumulés au domicile de notre ami1 au nombre de plus de quatre cents rouleaux peu maniables et presque tous composés de plusieurs pièces. Alors seulement, cette besogue préliminaire une fois faite, nous pûmes procéder à la correction des épreuves de la première partie du travail, avec la conscience de n'avoir négligé aucune précaution.

Dans une note qui trouvera sa place en tête de la seconde partie du présent mémoire, je dirai l'état dans lequel nous avons trouvé le travail sur les inscriptions du Cambodge. Pour celles de Campã, dont il s'agit ici, la rédaction remise à l'Imprimerie était complète et définitive. On y retrouvera, d'un bout à l'autre, ces qualités d'ingénieuse pénétration, de soin minutieux et de parfaite compétence qui distinguent tout ce qui est sorti des mains de Bergaigne. Mais on voudra bien aussi ne pas oublier que ces pages n'ont repassé sous les yeux de l'auteur qu'à l'état de manuscrit, qu'il n'a plus pu les soumettre à cette dernière et fructueuse revision qui, d'ordinaire, ne se fait bien que sur un texte imprimé. Sans nul doute, si notre ami ayait revu lui-même les épreuves, il y eût fait encore de nombreux changements. Mais alors même il est plus que probable que nous n'aurions pas été d'accord avec lui sur tous les points. A y regarder de près, il n'y a pas d'inscriptions faciles. Toutes, et celles-ci plus que d'autres, elles nous placent en présence de faits inconnus, dont les aboutissants restent obscurs: ce sont comme autant de fragments dont le contexte aurait disparu. Dans ces conditions, les divergences d'interprétation sont inévitables. Si Bergaigne eût vécu, tout se serait passé de la façon du monde la plus simple: nous aurions mis nos doutes en commun; après discussion, il aurait accepté, modifié ou rejeté nos objections, et tout eût été dit. Mais comment devions-nous faire maintenant qu'il n'était plus là? Pour certaines corrections qui s'imposaient, telles que des rectifications de lecture évidentes, la solution paraissait facile: il n'y avait, semble-t-il, qu'à corriger. Mais, pour d'autres, qui ne se présentaient pas avec la même certitude ou qui portaient sur l'interprétation, la question devenait plus

[ocr errors][merged small][merged small]

délicate. Il paraissait désirable pourtant qu'elles fussent faites, les unes et les autres, et, si possible, de la même façon. Car la distinction n'est pas toujours facile de la correction absolument certaine à la simple conjecture, il y a place pour bien des nuances intermédiaires : à la restitution d'une fausse lecture évidente, correspond d'ordinaire un changement dans la traduction, et, celui-ci, le ferions-nous encore pour Bergaigne, qui l'eût peut-être fait autrement? Pouvionsnous entrer dans une voie qui nous eût conduits insensiblement à nous substituer en quelque sorte à notre ami et à lui endosser nos solutions, quand il n'était plus là pour s'en défendre?

Tout bien considéré, voici le parti auquel nous nous sommes arrêtés. Les fautes d'impression proprement dites, les inadvertances infiniment moins nombreuses de lecture ou de transcription ont été corrigées sans observation et avec tout le soin dont nous avons été capables. Pour tout le reste, le texte de Bergaigne a été maintenu sans changement. Les autres corrections ou observations qu'il a paru nécessaire d'ajouter ont été renvoyées parmi les notes. Sauf indication contraire, ces observations sont de moi, qui, ayant fait la revision des épreuves en premier lieu, ai travaillé pour ainsi dire en terre vierge. Elles sont donc signées de mes initiales et, quand elles viennent s'ajouter à la suite d'une note de Bergaigne, elles sont précédées d'un tiret.

Outre ces observations rectificatives, on trouvera encore, en petit nombre et toujours en note, quelques additions qui m'ont paru utiles, notamment au sujet des dates spécifiées dans ces inscriptions. Sur ce dernier point, je dois ajouter quelques mots. Grâce à un travail de M. Shankar Bâlkṛishṇa Dikshit1, grâce surtout aux tables si commodes de M. H. Jacobi 2, il est aisé maintenant de convertir une date hindoue donnée, mettons une date çaka, puisqu'il n'y en a pas d'autres ici 3, en la date grégorienne correspondante, à la condition de savoir :

1 Indian Antiquary, XVI (1887), p. 113. * Ibid., XVII (1888), p. 185.

3 On a admis dans ce fascicule, comme dans le précédent, que ces dates çaka se rapportent à l'ère hindoue ordinaire de ce nom, qui part de la nouvelle lune du mois de Caitra (février-mars) 78 A. D. Mais le point demande quelques explications. Dans des inscriptions de l'ouest de la péninsule, en langue siamoise, et beaucoup plus récentes, çaka, çakarâja n'ont plus que la signification générale d'ère (usage,

du reste, dont il y a aussi des exemples
dans l'Inde), et désignent tantôt l'ère du
Buddha, tantôt l'ère locale de 638 ̧ A. D.
Dans ces vieilles inscriptions sanscrites
de Can på et du Cambodge, qui four-
nissent une longue série de dates çaka
depuis le commencement du vr° siècle
de l'ère, il ne saurait être question d'écarts
pareils. Il se pourrait toutefois que cette
ère n'y fût pas absolument identique à
celle de l'Inde propre. Comme on le verra
plus loin, nous n'avons obtenu qu'une

INSCRIPTIONS

SANSCRITES

DE CAMPA.

་ ་ ས་

INSCRIPTIONS

SANSCRITES

DE CAMPĀ.

1o comment il faut compter l'année çaka spécifiée, s'il s'agit de l'année révolue,
selon l'usage actuel de Bombay et du nord de l'Inde, ou de l'année courante,
selon l'usage de Madras; 2° comment il faut compter le mois lunaire, de pleine
lune en pleine lune, selon l'usage qui prévaut actuellement dans le nord, ou de

seule vérification satisfaisante, ce qui est une médiocre garantie, et le fait que le plus sûr, à première vue, de nos quatre cas vérifiables, celui qui contient la mention d'une éclipse, aboutit avec l'ère ordinaire à un résultat faux, est de nature à inspirer bien des doutes. Malheureusement les inscriptions déjà publiées du Cambodge ne sont ici d'aucun secours. Des cinq dates çaka vérifiables qui s'y trouvent, la seule qui pourrait nous être utile, parce qu'elle donne le jour de la semaine, (XVIII, C), nous fait défaut, parce qu'elle ne désigne pas le tithi, le jour lunaire, d'une façon assez précise. Les quatre autres dates (VI, B; IX, A, XI et XII) ne nous apprennent rien sur l'ère employée, parce que l'élément de vérification s'y réduit au nakshatra, lequel n'est que la reproduction, sous une autre forme, de la donnée déjà contenue dans le tithi, à savoir l'âge de la lune, donnée qui ne varie pas sensiblement, quelle que soit l'année. Ces dates se vérifient donc pour l'ère de 78 A. D. (de préférence pour l'année révolue), comme elles se vérifieraient pour toute autre. Tout ce qu'elles nous apprennent, c'est qu'on comptait alors au Cambodge le mois lunaire d'après le système amânta, de nouvelle lune en nouvelle lune, fait qui ne laisse pas d'être intéressant, si, comme je le crois, il s'agit bien de l'ère çaka ordinaire et si, par suite, ces quatre inscriptions sont bien du vir' siècle de la nôtre. Les inscriptions de Java, qui ont tant de rapports avec les nôtres et qui

sont également datées en çaka, ne nous donnent pas davantage une entière certitude. Le n° I des Kavi Oorkonden de M. Cohen Stuart (Leiden, 1875), qui est daté du 12° jour clair de Crâvana de l'an çaka 841, un lundi, le nakshatra étant Múla, se vérifie parfaitement pour l'année révolue de l'ère çaka ordinaire, qui donne le lundi 12 juillet (vieux style) 919 A. D. Il en est de même de la plaque inscrite publiée par M. Brandes dans les Notulen de la Société de Batavia (XXVI, p. 21. Cf. Notulen XXVI, p. 111, et Tijdschrift, XXXIII, p. 41): la date, 15° jour clair de Caitra, çaka 765, un lundi, lors d'une éclipse de lune, correspond (en comptant le jour solaire, selon l'almanach hindou, du lever au lever) au lundi 19 mars (vieux style) 843 A. D., jour où la lune a été éclipsée. Ce dernier cas surtout est très probant, à cause de la double vérification du jour de la semaine et de l'éclipse. De même encore, pour l'inscription publiée dans les Notulen XXVII, p. 16, le 14° jour clair de Pausha, çaka 788, un vendredi, le nakshatra étant Mrigaçîrsha et le yoga Brahma, se vérifie, pour la longitude de Java, au vendredi 4 janvier (vieux style), 866 A. D., l'année çaka étant ici l'année courante. Tout cela ne saurait être l'effet du hasard. Par contre, il est d'autres inscriptions des Kavi Oorkonden, par exemple le n° IX dont les données sont en sanscrit, pour lesquelles la vérification ne se fait pas. Comment expliquer ce désaccord? Il est peu probable que, dans

[ocr errors]
[ocr errors]
« PrécédentContinuer »