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l'appartement jusqu'après la sortie de l'enfant.

M. le général Bugeaud est entré demander à Mme la duchesse si elle voulait recevoir les témoins; elle a répondu: « Qui, aussitôt qu'on aura « nettoyé et habillé l'enfant. »

Quelques instans après, Mme d'Hautefort s'est présentée dans le salon, en invitant de la part de la duchesse les témoins à entrer; et nous sommes immédiatement entrés.

Nous avons trouvé la duchesse de Berry couchée dans son lit, ayant un enfant nouveau-né à sa gauche; aux pieds de son lit était assise Mme d'Hautefort; Mme Hansler, MM.De neux et Menière étaient debout à la tête du lit.

M. le président Pastoureau s'est alors approché de la princesse, et lui a adressé à haute voix les questions suivantes :

«Est-ce à Mme la duchesse de Berry que j'ai l'honneur de parler? « Oui.

« Vous êtes bien Mme la duchesse de Berry?

« Oui, monsieur.

« L'enfant nouveau-né qui est auprès de vous est-il le votre?

« Oui, monsieur, cet enfant est, de moi.

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« De quel sexe est-il ?

« Il est du sexe féminin. J'ai d'ailleurs chargé M. Deneux d'en faire la déclaration. »

Et à l'instant Louis-Charles De neux, docteur en médecine, exprofesseur de clinique d'accouchement de la Faculté de Paris, membre titulaire de l'académie royale de médecine, a fait la déclaration suivante:

« Je viens d'accoucher Mme la « duchesse de Berry, ici présente, a épouse en légitime mariage du « comte Hector Lucchesi-Palli, des « princes de Campo Franco, gen«tilhomme de la chambre du roi « des Deux-Siciles, domicilié à Pa<<< lerme >>

M. le comte de Brissac et Mme la comtesse d'Hautefort, interpellés par nous s'ils signeraient la relation

de ce dont ils ont été témoins, ent répondu qu'ils étaient venus ici pour donner leurs soins à la duchesse de Berry, comme amis, mais non pour signer un acte quelconque.

De tout quoi nous avons dressé le présent procès-verbal en triple expédition, dont l'une a été déposée en notre présence aux archives de la citadelle; les deux autres ont été remises à M. le général Bugeaud, gouverneur, que nous avons chargé de les adresser au gouvernement, et avons signé après lecture faite, les jours, mois et an que dessus.

(Suivent les signatures. )

16. Paris. Théâtre de l'OpéraComique. 1e représentation de LuDOVIC, drame lyrique en deux actes; paroles de M. Saint-Georges, mu sique de feu Herold et de M. HaLevy. Ludovic est l'intendant de la fermière Francesca. Ludovic aime Francesca, qui, loin de le payer de retour, lui fait remettre au contraire son congé par une voie indirecte, ce que voyant, Ludovic, en vrai Corse qu'il est, revient furieux vers Francesca, et lui tire un coup de pistolet à bout portant, qui ne la the pas toutefois. Singulière preuve d'amour! direz-vous.-Pas du tout; car, suivant M. de Saint-Georges, ce coup de pistolet change la haine de Francesca en amour, et, de redoute qu'il était, voilà Ludovic devenu intéressant, aimable, aimé, adoré, si bien que Francesca n'est plus occupée que de l'arracher à la mort, qu'elle sollicite sa grâce, et que, l'ayant obtenue, elle finit par épouser son meurtrier. Ce livret était échu au tant regrettable auteur de Zampa et du Pré aux clercs ; malheureusement il n'a pu achever sa dernière partition, et c'est M. Halevy, bien digne de cetre collaboration, qui s'est chargé de la terminer. L'ouverture et les quatre premiers morceaux appartiennent seuls à térold; ils témoignent qu'il est mort dans toute la plénitude de son talent, que même il n'avait pas encore déployé toute son originalité. La part de M. Halevy commence au

quatuor suivant, qui a été redemandé avec transport. Le finale du premier acte, dans lequel on remarque l'effet très-pittoresque du choeur des carabiniers qui s'enivrent, et d'une prière angélique, avait i aussi été ébauché par Hérold; on pourrait le croire tout entier de lui. Dans le second acte, une sérénade qui se termine en duo d'une manière exquise, une romance fort délicatement modulée, une jolie marche, un trio et la prière de la fin, sont traités de main de maître, et pleins de détails gracieux.

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18. Théatre-Français. 1re représentation de LES ENFANS D'EDOUARD, tragédie en trois actes et en vers, de M. C. Delavigne. Cette tragédie existait en germe dans la grande chronique dramatique où Shakespeare a déroulé la vie de Richard III. C'est là que M. Delaroche a puisé l'idée du tableau des Enfans d'Edouard, que nous avons admiré au salon de 1831, et probablement ce tableau, en popularisant parmi nous la fin cruelle de ces deux victimes du sanguinaire Richard, a fait naître dans l'esprit de M. Delavigne le projet de la reproduire sur la scène. Ce projet, hâtons-nous de le dire, a été couronné d'un succès brillant et mérité à beaucoup d'égards; mais si le public a vu avec une vive sympathie l'amour maternel de la reine Elisabeth et l'amitié des deux frères exprimés dans ce style harmonieux et élégant que nous connaissons depuis long-temps au poète, si les larmes que sa pièce a fait couler, si les applaudissemens unanimes qu'elle a obtenus ont attesté qu'un bel ouvrage de plus enrichissait la scène française, la critique n'a pu cependant s'empêcher de reconnaître que l'action manquait de vigueur, l'intérêt de force, les caractères de relief. Si touchant que soit le spectacle d'une mère qui aime ses enfans, d'un frère qui aime son frère, si généreux, sí nobles que soient les sentimens qu'ils peuvent montrer, ce spectacle et ces sentimens sont toujours un peu froids. Or le théâtre

demande des passions actives, turbulentes, qui émeuvent, qui entraînent le spectateur, qui le jettent hors de lui. Rien de cela n'est dans la tragédie de M. Delavigne. Ici point ou presque point d'alternative, de crainte et d'espérance, pas de combat, pas de lutte, aucune chance, pour ainsi dire, qui puisse arracher les victimes à leur bourreau. On ne saurait douter de la vive tendresse, de l'idolâtrie d'Elisabeth pour ses deux fils; mais toute cette tendresse s'évapore en discours, en plaintes harmonieusement cadencées. Pour s'être arrêté trop minutieusement sur le contraste qu'offraient les deux frères, l'un vif, éveillé, mutin, espiègle, l'autre doux et mélancolique avec une certaine noblesse, le poète est tombé dans des détails peu dignes de la scène tragique, dans des enfantillages qui ne laissent pas que d'impatienter le spectateur. Ces défauts sont graves, et il fallait de grandes qualités pour les racheter, Elles consistent dans le luxe du style, dans la profusion des ornemens, dans le savant travail du versificateur. Le personnage de Tyrrel, ce joueur effréné que la corde attend, et à qui Glocester prometda vie et des trésors pour assassiner ses deux neveux, est une heureuse création, malgré les accès de sensibilité vulgaire dont il est saisi au troisième acte. Le caractère de Glocester est aussi tracé avec une fermeté qui ne se dément pas. Enfin, le public ne cesse d'aller voir cette tragédie, de l'écouter avec une religieuse attention, de s'attendrir sur les malheurs des deux jeunes princes, et ce triomphe, nous le disons à la gloire de M. Delavigne, est remporté par des moyens simples, naturels, que le bon sens et le bon goût peuvent toujours avouer.

20. Valenciennes. Insurrection des ouvriers charbonniers d'Anzin. On écrit de cette ville: L'émeute des ouvriers charbonniers des mines de la compagnie d'Anzin a pris un caractère plus grave que nous ne

J'aurions cru d'après ce qui s'était passé sous nos yeux vendredi dernier. Les troubles paraissaient alors apaisés, et nous avons écrit sous l'inspiration du moment; mais depuis, ces troubles ont continué.

Il parait aujourd'hui que la demande d'une augmentation de saLaire est une des principales causes de cette espèce d'insurrection. Il y a quelques années, la compagnie des mines avait diminué de quatre sous la journée de ses ouvriers, et aujourd'hui les charbonniers réclament l'ancien tarif.

C'est vendredi matin que ces troubles ont commencé. Les charbonniers se sont portés en masse à la direction, à Saint-Vaast-là-Haut ; des vitres y ont été brisées, les habits d'un employé des mines ont été laeérés et jetés au vent; mais l'arrivée de quelques gendarmes a dissipé cet attroupement.

Vendredi soir, le rappel battait dans toutes les rues de Valenciennes; immédiatement après, un détachement de 150 hommes environ de la garde nationnale était en marche pour Saint-Vaast-là- Haut, où les troubles venaient de prendre un caractère plus sérieux; des détache mens d'infanterie et de cavalerie de la ligne s'y étaient aussi transportés. A l'aspect de cette force imposante, les charbonniers se retirèrent, et la nuit se passa tranquillement. Néan moins cinq individus furent arrêtés et conduits aussitôt sous bonne escorte dans la prison de Valencien

nes.

La journée de samedi se passa aussi assez tranquillement; mais vers neuf heures du soir, une bande de 100 à 150 charbonniers arriva devant les bâtimens de la direction, à SaintVaast, en chantant et en vociférant. Le poste, composé de 16 gardes nationaux, de 12 hommes du 7° de ligne et d'un piquet de cavalerie, prit immédiatement les armes et se rengea en bataille sur la route. Les charbonniers continuèrent alors leur marche et se dirigèrent vers les machines à feu qui sont destinées à

épuiser l'eau qui se trouve dans

les mines.

Le but de ces mutins était d'éteindre le feu de ces machines, d'ea arrêter les travaux, et d'inonder par là les houillères; mais un fort détachement de troupes de ligne venait d'arriver et avait été réparti entre toutes les fosses à charbon, de sorte qu'il se trouvait environ six à huit hommes à chaque machine. Ce nombre beaucoup trop minime de soldats était loin d'être suffisant pour s'opposer aux intentions bostiles de ces charbonniers; aussi, malgré la résistance que voulurent opposer ces militaires, le feu des machines fut-il bientôt éteint par cette bande.

Le lieutenant de gendarmerie, qui venait d'arriver à la direction, lieux, suivi d'une forte patrouille; se transporta immédiatement sur les mais cette bande s'était déjà retirée; les feux alors furent bientôt rallamés. Ainsi se passa la nuit du samedi.

La journée et la nuit du dimanche se passèrent aussi fort tranquillement; mais ce matin, les troubles recommencèrent, et le rappel battit de nouveau pour la garde nationale, qui se transporta aussitôt à SaintVaast. Un nouveau rassemblement venait de se former à la fosse de Longpre, et le feu de la machine venait encore d'être éteint. M. le commissaire de police de Valenciennes s'y transporta immédiatementà la tête d'un détachement de la garde nationale et de hussards, et fit les sommations voulues par la loi. A ces sommations, une partie des mutins se retira, mais il en resta encore un grand nombre; alors la garde natio nale les dispersa d'un côté, l'arme au bras, tandis que les hussards en faisaient autant de l'autre côté. La justice informe..

21. Paris. Théâtre de la PorteSaint-Martin. 1e représentation de BEATRIX CENCI, tragédie en cinq actes et en vers, par M. de Custine.

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Cette nouvelle expérience dramatique, faite sur l'épouvantable

histoire des Cenci a été encore plus malheureuse que la première (voyez 6 février). Des vers froids, incorrects, décolorés pour la plupart; un chaos de scènes incohérentes et décousues où le bon sens et l'art trébuchent à chaque instant dans les piéges, les souterrains et les grosses malices du vieux mélodrame, voilà ce qui a fait rentrer cette tragédie dans le néant après trois languissantes représentations.

23. Institut. Élection. —L'Académie Française a procédé hier au scrutin pour la nomination de son secrétaire perpétuel, en remplacement de M. Andrienx décédé. Le nombre des votans était de 26; les voix ont été ainsi réparties: M. Arnault, 18; M. Droz, 4 ; M. Viennet, 2; M. Pongerville, ; M. Villemain, 1.

En conséquence, M. Arnault a été nommé secrétaire perpétuel de l'Académie Française.

28. Cour d'assises. Délits de la presse. Une question grave, sur laquelle la jurisprudence du jury semble désormais fixée, celle de savoir si les journaux français peuvent, sans encourir les séverités de la loi française, publier dans leurs colonnes les débats du parlement anglais, quelle qu'en soit la nature, a été décidée aujourd'hui à la cour d'assises de la Seine. Dans leur numéro du 8 mars dernier, la Tribune, la Gazette de France et la Quotidienne avaient publié le discours prononcé à la Chambre des députés d'Angleterre, par le docteur Barwing, discours dans lequel l'honorable orateur qualifiait Louis Philippe de tyran, et l'accusait d'avoir indignement violé ses sermens. L'in sertion de cet article, emprunté au compte-rendu publié par les journaux anglais, amenait ce matin devant la cour d'assises, comme prévenus du délit d'offenses envers la personne du roi des Français, MM. Lionne, de Foucaut et de Brian, gérans de ces trois journaux, qui, après le réquisitoire de M. Bayeux, avocat‐général, à l'ap

pui de la prévention, ont été défendus, le premier par M. Sarrut, le second par M. Genoude, et le troisième par M. Berryer.

M. Genoade, dans une longue défense écrite de la Gazette, a soutenu que ce journal avait imprimé l'article sans lecture préalable. M. Sarrut, défenseur de la Tribune, a soutenu, au contraire, que la Tribune avait inséré l'article parce qu'elle l'avait lu, et croyant rendre service au gouvernement lui-même. M. Berryer, dans l'intérêt de la Quotidienne, a plaidé que les actes officiels des gouvernemens étrangers étaient acquis à la presse française, et que vouloir la dépouiller de ce droit ce serait tomber dans l'absurde. Ce mot ayant été relevé par le ministère public, M. Berryer, dans une véhémente réplique, s'est écrié qu'un pareil procès était une monstruosité judiciaire, outrageuse pour l'intelligence du jury.

Après cinq minutes de délibération, les jurés ont rendu leur verdict de non-culpabilité. Les trois prévenus ont été acquittés.

:

30. Théâtre de l'Opéra. Représentation au bénéfice de Mme Dorval. Il y avait de tout dans cette représentation, qui mérite un souvenir à cause même de sa composition le premier acte du PRÉ AUX CLERCS; le quatrième acte de la PнEDRE de Pradon, avec les costumes du temps; le quatrième acte de la PHEDRE de Racine, avec les costumes qu'a retrouvés le goût exact et sévère de notre siècle; une esquisse de moeurs de 1770, Quitte pour la peur, et enfin le ballet de la Sylphide. L'esquisse de mœurs était annoncée comme ne devant être jouée que cette fois seulement; la froideur avec laquelle ont été accueillies les trois scènes sans action, sans intérêt, sans vraisemblance de ce proverbe, a prouvé que la précaution était inutile. Quant à la grande curiosité littéraire de la soirée, Pradon et Racine mis en regard, comme pour recommencer la fameuse querelle que leurs deux

tragédies avaient excitée cent cinquante-six ans plus tôt ( 1677 ), elle a produit peu d'effet. Les héros de Pradon avec la perruque frisée, les tonnelets, les falbalas, les oripeaux du siècle de Louis XIV, Hippolyte avec son are doré, sa chevelure en tire-bouchons, son haut-de-chausses de soie, ses souliers à rosette, ont excité le rire pendant quelques minutes, et l'ennui des spectateurs a fait voir une dernière fois ce que valait la poésie de Pradon. Seulement on a trouvé que le nom Pradon, de cet écrivain essentiellement médiocre plutôt que ridicule, méritait pas plus que celui de beaucoup d'autres, ejusdem farinæ, de devenir une cruelle injure pour les plus mauvais auteurs.

JUIN.

ne

rer. Paris. Institut. Election. Enfin l'Académie des sciences morales et politiques est parvenue à nommer son secrétaire-général. Aujourd'hui, au second tour de scrutin, M. Charles Comte, ayant réuni seize suffrages, nombre voulu par le réglement, a été nommé secrétaire-général de l'Académie.

1. Naples. Eruption du Vésuve. Le Vésuve est en éruption depuis le 28 mai dernier. Il s'est formé sur l'ancien cratère, obstrué par la lave de l'éruption du mois de février dernier, un nonveau cratère qui vomit des pierres et de la cendre à une très-grande hauteur, avec des détonations qui s'entendent au loin. Une bouche s'est ouverte sur le flanc oriental de la montagne, et il en découle des flots de lave enflammée qui roulent comme un torrent de feu vers le village de la Torre de l'Annunziate, si souvent détruit par la lave.

Samedi 1er juin, l'affluence des curieux était considérable. On ne comptait pas moins de mille spectateurs qui ont passé une partie de la nuit au bord du cratère, parmi lesquels se trouvaient le duc de Tosla grande- duchesse de Bade

cane ?

et une infinité d'Anglais de distinction. A cinquante pas du lit emflammé de la lave on avait dressé, pour le prince et sa suite, des paniers dans lesquels étaient des rafrai chissemens, des glaces, du vin de Bordeaux, etc. Če rapprochement du plaisir et de la destruction fait naitre des réflexions singulièrement philosophiques.

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2. Montpellier. Rixes politiques. Montpellier vient d'être sur quelques points le théâtre de graves désordres. Depuis deux ou trois jours, des rixes particulières entre républicains et carlistes avaient augmenté l'exaspération des esprits de cette portion de la population, toujours disposée à se faire justice. Les carlistes étaient presque généralement les provocateurs. Le préfet avait interdit les processions extérieures. Des jeunes filles qui se rendaient ce matin à l'église pour le sacrement de la confirmation, accompagnées de deux prêtres, furent effrayées par une rixe particulière et se dispersèrent. On cria au sacrilége, et ce cri eut un grand retentissement. Aussitôt des coups de feu et de stylet furent échangés, et les hommes de parti, dans la basse classe, en vinrent aux mains.

La police et la force armée arrivèrent, on s'empara de deux chefs de parti; leurs adhérens du parti carliste voulurent les délivrer et blessèrent des soldats, qui, se considérant dans le cas de légitime défense, firent usage de leurs armes. Les soldats comptent six blessés. Plusieurs citoyens ont reçu des blessures. Cette malheureuse affaire, commencée à midi, était terminée à trois heures. Tout est demeuré dans l'ordre depuis ce moment; la ville présente l'aspect le plus

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