pour Glaris, à la tête d'un corps de cavalerie. Il trouva l'armée des insurgens campée sur les hauteurs de Nafels, et se joignit à elle. Peu de jours après, celle de Frédéric parut dans la plaine, et s'avança bientôt pour attaquer ceux de Glaris dans leur position : la bataille fut longue et sanglante (1); Rodolphe y fit des prodiges de valeur, et contribua à décider la victoire; mais s'étant porté avec trop d'ardeur, vers la fin de l'action, au milieu d'un gros d'ennemis qui résistaient encore, il se vit entouré, eut son cheval tué sous lui et peut-être allait-il succomber au nombre, lorsqu'un chevalier couvert d'armes simples, accourt à lui, écarte ou renverse ceux qui le pressent de plus près, et lui donne le tems de remonter sur un autre cheval. Le combat se ren gage alors avec plus de chaleur que jamais; les Autrichiens font avancer de nouvelles troupes, mais elles sont en (1) Elle se livra en 1388, et assura l'in dépendance de Glaris, core culbutées, tout cède, tout fuit, le génie de la liberté l'emporte, et les. vainqueurs, à genoux sur le champ de bataille, adressent à Dieu le tribut de leur reconnaissance et de leurs hommages. Cependant le chevalier inconnu s'éloignait, Rodolphe vole sur ses pas`, et le rejoint à quelque distance de l'armée «Guttingue, lui crie-t-il de loin, Guttingue dédaigne-t-il donc les remerciemens de son ami »? A ces mots, l'étranger s'arrête, lève sa visière, et lui demande en riant : « M'astu donc reconnu, Rodolphe»>! « J'ai vu quelqu'un me suivre constamment des yeux pendant toute la mêlée, exposer ensuite sa vie pour moi, et j'ai bien senti que ce ne pouvait être que Guttingue. Serai je assez heureux pour te rendre jamais un service pareil »>! «Ne le ferais-tu pas, si l'occasion s'en présentait » ? <«<< En douterais-tu, mon ami » ? «Eh! bien, je n'ai d'autre mérite que toi; l'intention seule nous appar tient, l'occasion dépend du hasard ; j'ai été plus heureux et non meilleur que Rodolphe »>! Rodolphe, attendri jusqu'aux larmes, l'embrassa, et tous deux poussèrent leurs chevaux vers Rheineck : Ursule les aperçut la première, et accourant an-devant d'eux : « je savais bien, leur dit-elle, que là où était Ro dolphe, là devait aussi se trouver Guttingue ». Rodolphe prit sa main sans lui répondre, et la posant dans la main de son ami : «voilà, lui dit-il, celle qui doit m'acquitter envers toi, celle qui peut seule te payer la vie que tu m'as conservée ». La jeune fille, à ces mots, tomba entre les bras de Guttingue, et tandis qu'ils se prodiguaient les plus douces caresses, le Comte, qui les écoutait, s'approcha pour confirmer les promesses de Rodolphe et assurer leur bonheur : leur mariage se célébra en effet peu de tems après; mais comme Guttingue voulut faire plusieurs changemens à son château avant que d'y conduire Ursule, elle resta encore un an a Rheineck. Cependant Guttingue s'absentait quelquefois des semaines entières pour visiter ses possessions, privées depuis long-tems de la présence d'un maître. Le chemin qui conduisait alors de son château à Rheineck, traversait les riantes vallées, les belles montagnes de l'Appenzell; et souvent Rodolphe les parcourait pour aller voir son ami. L'aspect tour-à-tour agréable et imposant de cette riche contrée, plaisait à son coeur, flattait son imagination; et les moeurs simples, l'innocence des habitans l'attiraient malgré lui. On le voyait par fois au milieu d'un vallon, causer avec un berger, s'asseoir près d'un vieillard ou d'un enfant, et se plaire à étudier les coutumes, l'esprit, les vertus de ce peuple dont il admirait le courage, l'énergie, et chez lequel il apercevait le besoin de la vengeance et l'amour de la liberté, prêts à éclater au premier signal. L'ardent Rodolphe, indigné lui-même de la tyrannie exercée par le prince-abbé de Saint-Gall, ou par ses baillis, loin de calmer les Appenzellois, ne faisait qu'enflammer encore, par ses discours, des coeurs que n'avaient déjà que trop aigris de longues injustices. La fête que l'on célèbre toutes les automnes à Appenzell était proche, et Rodolphe promit d'y assister. La veille, il partit de Rheineck, se rendit au village de Speicher, où tous les habitans s'empressèrent à l'envi de lui offrir leurs cabanes; et il se retira dans celle du plus âgé des vieillards, après avoir joui quelque tems de la gaîté des villageois, que redoublaient encore les approches de la fête. Réveillé de bonne heure le lendemain, il accompagna ses hôtes dans la vallée d'Arnasch, consacrée par un usage antique à être le rendez-vous commun et le théâtre des jeux. Bientôt on y vit paraître successivement toutes les bannières du pays d'Appenzell (1), entourées de musiciens (1) Les quatre petits pays formant le territoire d'Appenzell, étaient, Appenzell, Ur. nach, Tüffen et Hundwyl. |