noble, mais il conviendroit mieux à une Ode morale & philofophique, qu'à une Ode héroïque : J'infultois à la foible argile Dont l'Eternel en nous créant Que l'homme difpute au néant; Jufques dans aotre ame immortelle Brunswick m'apprend à la connoître Mufe, & toi, qui des morts célèbres Si tu veux que mes airs funèbres Donne moi la fublime audace Et qu'il en coûte pour m'entendre On a traité un peu trop févèrement, nous la première ftrophe, où je ne vois à blâmer que l'hémiftiche en créant, qui eft foible & profaïque, & l'expreffion enfemble qui eft peu poëtique. L'Auteur n'aime pas les lieux communs: fa defcription du débordement de l'Oder eft un peu croquée; cette ftrophe a cependant le mérite du naturel & de la correction : Arrêtez, voyez-vous ce père Sous ce toît foible & folitaire Chaque inftant préfente aux victimes L'héroïque dévouement de Brunfwick, & fa mort déplorable n'ont pu échauffer la verve du Poëte: ces tableaux dont le fujet est si intéressant, font du pinceau le plus foible, & manquent abfolument de coloris mais voici une excellente ftrophe fur la pompe funèbre qui convient à Leopold: Loin de nous cette pompe vainé, Qui pourfuit la grandeur humaine La dernière ftrophe me paroît auffi digne d'être citée, pour la jufteffe des idées & l'élégance de la verfification: Enfin fous un tombeau modefte Le Miniftre des Saints- Autels Ci-git un Prince qui fut homme' » Et s'immola pour le prouver : Cette pièce a fur-tout le mérite de la brièveté: peut-être la prédilection que l'Académie lui a témoignée, eft-elle fondée fur la froideur géométrique, & fur le tour philofophique qu'on y remarque: c'eft le ton de la Motte-Houdard, avec une verfification plus coulante & moins dure. Il y a plus d'effor lyrique, plus de force & de poëfie dans l'Ode de M, Noël, qui a obtenu la première mention; mais auffi beaucoup moins de netteté, de correction & d'aifance. Sès premières ftrophes fur-tout font pénibles & martelées, l'idée même n'en eft pas jufte; car les Mufes ne dédaignent point de célèbrer les grands hommes de notre fiècle : la flatterie même n'eft que trop empreffée à faire des géans de quelques nains, & à ériger en exploits héroïques, des actions médiocres & communes : quelques réfléxions usées & que le style ne rajeûnit pas, fur l'efprit pacifique qui commence à s'introduire en Europe, fur l'inhuma nité des fouverains qui ven dent le fang de leurs fujets; fur la gloire des bons Rois & des vrais citoyens ; un éloge de notre augufte Monarque & une allufion délicate à l'Affemblée des Notables; tout cela forme un préambule un peu découfu & dont le défordre ne paroît pas toujouts un effet de l'art, parce qu'il n'existe pas même entre les pensées une liaison imperceptible: d'ailleurs, la vigueur & l'énergie du style ne fauvent point cetécart pindarique; & le Poëte même, en fe perdant dans les mues, paroît trop conferver fa tranquillité & fon. fang froid. L'emploi peu exact des pronoms répand fur la verfification de l'Auteur une forte de gêne & d'embarras, qui fe font fentir affez fouvent en voici un exemple dans une ftrophe dont l'idée cependant eft affez belle : Ombres guerrières, vous qui plaignez vos années Pour d'illuftres ingrats fous le fer moiffonnées |