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Un bienfait reproché tint toujours lieu d'offense:
Je veux moins de valeur, et plus d'obéissance.
Fuyez. Je ne crains point votre impuissant courroux :
Et je romps tous les nœuds qui m'attachent à vous.

Ach. Rendez grâce au seul nœud qui retient ma colère:
D'Iphigénie encore je respecte le père.

Peut-être, sans ce nom, le chef de tant de rois
M'aurait osé braver pour la dernière fois.

Je ne dis plus qu'un mot; c'est à vous de m'entendre,
J'ai votre fille ensemble et ma gloire à défendre:
Pour aller jusqu'au cœur que vous voulez percer,
Voilà par quels chemins vos coups

doivent

passer.

Le même.

Thyeste reconnu par Atrée.

ATRÉE, THYESTE.

At. Etranger malheureux, que le sort en courroux,
Lassé de te poursuivre, a jeté parmi nous;

Quel est ton nom, ton rang? quels humains t'ont vu naître
Thy. Les Thraces.

At.

Thy. Philoclète.

At.

Et ton nom?

Pourriez-vous le connaître ?

Ton rang?

Noble sans dignité,

Thy.

Et toujours le jouet du destin irrité.

At. Où s'adressaient tes pas ? et de quelle contrée Revenait ce vaisseau brisé près de l'Eubée?

Thy. De Sestos, et j'allais à Delphes implorer
Le dieu dont les rayons daignent nous éclairer.
At. Et tu vas de ces lieux ?-
Thy.
Que je vais terminer ma déplorable vie,
Espérant aujourd'hui que de votre bonté
J'obtiendrai le secours que les flots m'ont ôté.
Daignez-

Seigneur, c'est dans l'Asie

At. Quel son de voix a frappé mon oreille!
Quel transport tout-à-coup dans mon cœur se réveille?
D'où naissent à la fois des troubles si puissans?
Quelle soudaine horreur s'empare de mes sens!
Toi, qui poursuis le crime avec un soin extrême,

Ciel, rends vrais mes soupçons, et que ce soit lui-même!
Je ne me trompe point, je reconnais sa voix.
Voilà ses traits encore; ah! c'est lui que je vois:

Tout ce déguisement n'est qu'une adresse vaine;
Je le reconnaîtrais seulement à ma haîne;
Il fait pour se cacher des efforts superflus;
C'est Thyeste lui-même, et je n'eu doute plus.
Thy. Moi, Thyeste, seigneur.

At.
Oui, toi-même, perfide!
Je ne le sens que trop au transport qui ne guide;
Et je hais trop l'objet qui paraît à mes yeux,
Pour que tu ne sois point ce Thyeste odieux.
Tu fais bien de nier ce nom si méprisable:
En est-il sous le ciel un qui soit plus coupable?
Thy. Eh bien: reconnais-moi, je suis ce que tu veux,
Ce Thyeste ennemi, ce frère malheureux.
Quand même tes soupçons et ta haîne funeste
N'eussent point découvert l'infortuné Thyeste
Peut-être que la mienne, esclave malgré moi,
Aux dépens de mes jours m'eût découvert à toi.
At. Ah traître! c'en est trop, le courroux qui m'anime
T'apprendra si je sais comme on punit un crime.
Je rends grâces au ciel qui te livre en mes mains:
Sans doute que les dieux approuvent mes desseins,
Puisque avec mes fureurs leurs soins d'intelligence
T'amènent dans des lieux tout pleins de ma vengeance.
Perfide, tu mourras: oui, c'est fait de ton sort;
Ton nom seul en ces lieux est un arrêt de mort,
Rien ne t'en peut sauver; la foudre est toute prête;
J'ai suspendu long-temps sa chute sur ta tête,

Le temps, qui t'a sauvé d'un vainqueur irrité,
A grossi tes forfaits par leur impunité.

Thy. Que tardes-tu, cruel, à remplir ta vengeance?
Attends-tu de Thyeste une nouvelle offense?
Si j'ai pu quelque temps te déguiser mon nom,
Le soin de me venger en fut seul la raison.
Ne crois pas que la peur des fers ou du supplice
Ait à mon cœur tremblant dicté ce sacrifice.
Ærope par ta main a vu trancher ses jours;

La même main des miens doit terminer le cours;
Je n'en puis regretter la triste destinée.
Précipite, inhumain, leur course infortunée,
Et sois sûr que contre eux l'attentat le plus noir
N'égale point pour moi l'horreur de te revoir.

At. Vil rebut des mortels, il te sied bien encore
De braver dans les fers un frère qui t'abhorre.
Hola! gardes à moi.

Crébillon.

Scène de Rhadamiste et Zénobie.

RHADAMISTE, ZENOBIE.

Zén. Seigneur, est-il permis à des infortunées.
Qu'au joug d'un fier tyran le sort tient enchaînées
D'oser avoir recours dans la honte des fers
A ces mêmes Romains maîtres de l'univers;
En effet quel emploi pour ces maîtres du monde,
Que le soin d'adoucir ma misère profonde!
Le ciel qui soumit tout à leurs augustes lois-

Rhad. Que vois-je? ah! malheureux! quels traits! quel son de voix !

Justes dieux! quel objet offrez-vous à ma vue?

Zén. D'où vient à mon aspect que votre ame est émue, Seigneur ?

Rhad. Ah! si ma main n'eût pas privé du jour—

Zen. Qu'entends-je! quels regrets! et que vois-je à mon tour? Triste ressouvenir! je frémis, je frissonne,

Où suis-je ? et quel objet? la force m'abandonne:

Ah! seigneur, dissipez mon trouble et ma terreur,

Tout mon sang s'est glacé jusqu'au fond de mon cœur.

Rhad. Ah! je n'en doute plus au transport qui m'anime;

Ma main n'as-tu commis que la moitié du crime?

Victime d'un cruel contre vous conjuré,
Triste objet d'un amour, jaloux, désespéré,
Que ma rage a poussé jusqu'à la barbarie,

Après tant de fureurs, est-ce vous, Zénobie?

Zén. Zénobie! ah, grands dieux! cruel, mais cher époux,

Après tant de malheurs, Rhadamiste, est-ce vous ?

Rhad. Se peut-il que vos yeux le puissent méconnaître ?

Oui, je suis ce cruel, cet inhumain, ce traître,

Cet époux meurtrier. Plût au ciel qu'aujourd'hui
Vous eussiez oublié ses crimes avec lui!

O dieux, qui la rendez à ma douleur mortelle,
Que ne lui rendez-vous un époux digne d'elle?
Par quel bonheur le ciel touché de mes regrets
Me permet-il encore de revoir tant d'attraits?
Mais hélas! se peut-il qu'à la cour de mon père
Je trouve dans les fers une épouse si chère ?
Dieux! n'ai-je pas assez gémi de mes forfaits,
Sans m'accabler encore de ces tristes objets?
O de mon désespoir victime trop aimable,
Que tout ce que je vois rend votre époux coupable!
Quoi, vous versez des pleurs?

Malheureuse! et comment

Zéd.
N'en répandrais-je pas dans ce fatal moment?

Ah cruel! Plût aux dieux, que ta main ennemie
N'eût jamais attenté qu'aux jours de Zénobie!
Le cœur à ton aspect désarmé de courroux,
Je ferais mon bonheur de revoir mon époux:
Et l'amour s'honorant de ta fureur jalouse
Dans tes bras avec joie eût remis ton épouse.
Ne crois pas cependant que pour toi sans pitié,
Je puisse te revoir avec inimiitió.

Rhad. Quoi! loin de m'accabler, grands dieux! c'est Zénobie Qui craint de me haïr, et qui s'en justifie!

Ah! punis-moi plutôt; ta funeste bonté

Même en me pardonnant tient de ma cruauté.

N'épargne point mon sang, cher objet que j'adore,

Prive-moi du bonheur de te revoir encore.

(Il se jette à ses genoux.)
Faut-il pour t'en presser embrasser tes genoux;
Songe au prix de quel sang je devins ton époux.
Jusques à mon amour, tout veut que je périsse:
Laisser le crime en paix, c'est en être complice.
Frappe: mais souviens-toi que malgré ma fureur,
Tu ne sortis jamais un moment de mon cœur;
Que si le repentir tenait lieu d'innocence,
Je n'exciterais plus ni haîne, ni vengeance;
Que malgré le courroux qui te doit animer,
Ma plus grande fureur fut celle de t'aimer.

Zén. Lève-toi, c'en est trop, puisque je te pardonne,
Que servent les regrets où ton cœur s'abandonne ?
Va ce n'est pas à nous que les dieux ont remis
Le pouvoir de punir de si chers ennemis.
Nomme-moi les climats où tu souhaites vivre:
Parle, dès ce moment je suis prête à te suivre:
Sûre que les remords qui saisissent ton cœur
Naissent de ta vertu plus que de ton malheur.
Heureuse, si pour toi les soins de Zénobie
Pouvaient un jour servir d'exemple à l'Arménie,
La rendre comme moi soumise à ton pouvoir,

Et l'instruire du moins à suivre son devoir.

Rhad. Juste ciel! se peut-il que des nœuds légitimes Avec tant de vertus unissent tant de crimes!

Que l'hymen associe au sort d'un furieux

Ce que de plus parfait firent naître les dieux !

Quoi! tu peux me revoir, sans que la mort d'un père,
Sans que ma cruauté, ni l'amour de mon frère,
Ce prince, cet amant si grand, si généreux,
Te fassent détester un époux malheureux ?
Et je puis me flatter qu'insensible à sa flamme,
Tu dédaignes les vœux du vertueux Arsame?

Que dis-je ? trop heureux que pour moi dans ce jour,
Le devoir dans ton cœur me tienne lieu d'amour.

Zén. Calme les vains soupçons dont ame est saisie,
Ou cache-m'en du moins l'indigne jalousie ;
Et souviens-toi qu'un cœur qui peut te pardonner,
Est un cœur que sans crime on ne peut soupçonner.

Monologue de Hamlet.

Demeure, il faut choisir de l'être et du néant.
Ou souffrir ou périr, c'est-là ce qui m'attend.
Ciel, qui voyez mon trouble, éclairez mon courage.
Faut-il vieillir courbé sous la main qui m'outrage,
Supporter ou finir mon malheur et mon sort?
Qui suis-je, qui m'arrête, et qu'est-ce que la inort?
C'est la fin de nos maux, c'est mon unique asile;
Après de longs transports c'est un sommeil tranquille.
On s'endort, et tout meurt: mais un affreux réveil
Doit succéder peut-être aux douceurs du sommeil.
On nous menace, on dit que cette courte vie,
De tourmens éternels est aussitôt suivie.
O mort! moment fatal! affreuse éternité,
Tout cœur à ton seul nom se glace épouvanté.
Eh! qui pourrait sans toi supporter cette vie,
De nos prêtres menteurs bénir l'hypocrisie,
D'une indigne maîtresse encenser les erreurs,
Ramper sous un ministre, adorer ses hauteurs,
Et montrer les langueurs de son ame abattue
A des amis ingrats qui détournent la vue?
La mort serait trop douce en ces extrémités,
Mais le scrupule parle et nous crie: arrêtez.
Il défend à nos mains cet heureux homicide,
Et d'un héros guerrier fait un Chrétien timide.

Shakespear.

Monologue de Caton.

Le rieme.

Imitation de Voltaire.

Oui, Platon, tu dis vrai, notre ame est immortelle ;
C'est un Dieu qui lui parle, un Dieu qui vit en elle.
Eh d'où viendrait sans lui ce grand pressentiment,
Ce dégoût des faux biens, cette horreur du néant?
Vers des siècles sans fin je sens que tu m'entraînes;
Du monde et de mes sens je vais briser les chaînes ;
Et m'ouvrir loin du corps, dans la fange arrêté;
Les portes de la vie et de l'éternité.

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