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SCENE III.

D. JUAN, SGANARELLE.

A

SGANARELLE.

H! Monfieur, quel bruit, quel cliquetis !
D. JUAN regardant dans la forêt.

Que vois-je là ? Un homme attaqué par trois autres! La partie eft trop inégale, & je ne dois pas fouffrir cette lâcheté.

(Il met l'épée à la main, & court au lieu du combat.)

SCENE I V.

SGANARELLE feul.

On maître eft un vrai enragé d'aller fe préfenter à un péril qui ne le cherche pas; mais, ma foi, le fecours a fervi, & les deux ont fait fuir les trois,

SCENE V.

DOM JUAN, DOM CARLOS, SGANARELLE au fond du théatre.

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D. CARLOS remettant fon épée.

N voit, par la fuite de ces voleurs, de quel fecours eft votre bras. Souffrez, Monfieur, que je vous rende graces d'une action fi généreufe, & que...

D. JUAN.

Je n'ai rien fait, Monfieur, que vous n'euffiez fait en ma place. Notre propre honneur eft intéressé dans de pareilles aventures, & l'action de ces coquins étoit fi lâche, que c'eut été y prendre part que de ne s'y pa oppofer. Mais par quelle rencontre vous étes-vous trouvé entre leurs mains?

D. CARLOS.

Je m'étois, par hazard, égaré d'un frere, & de tous ceux de notre fuite; &, comme je cherchois à les rejoindre, j'ai fait rencontre de ces voleurs qui d'abord ont tué mon cheval, & qui, fans votre valeur, en auroient fait autant de moi.

D. JUAN.

Votre deffein eft-il d'aller du côté de la ville?

D. CARLO S.

Oui, mais fans y vouloir entrer ; & nous nous voyons obligés, mon frere & moi, à tenir la campagne pour une de ces fâcheufes affaires qui réduifent les gentilshommes à fe facrifier eux & leur famille à la févérité de leur honneur, puifqu'enfin le plus doux fuccès en eft toujours funefte, & que, fi l'on ne quitte pas la

vie, on eft contraint de quitter le royaume ; & c'eft en quoi je trouve la condition d'un gentilhomme malheureuse, de ne pouvoir point s'affurer fur toute la prudence & toute l'honnêté de fa conduite, d'être affervi par les loix de l'honneur au déréglement de la conduite d'autrui, & de voir fa vie, fon repos & fes biens dépendre de la fantaifie du premier téméraire qui s'avifera de lui faire une de ces injures pour qui ûn honnête homme doit périr.

D. JUAN.

On a cet avantage qu'on fait courir le même rifque, & paffer auffi mal le temps à ceux qui prennent fantaisie de nous venir faire une offenfe de gaieté de cœur. Mais ne feroit-ce point une indifcrétion que de vous demander quelle peut être votre affaire?

D. CARLOS.

La chose en eft aux termes de n'en plus faire de fecret; &, lorsque l'injure a une fois éclaté, notre honneur ne va point à vouloir cacher notre honte, mais à faire éclater notre vengeance, & à publier même le deffein que nous en avons. Ainfi, Monfieur, je ne feindrai point de vous dire que l'offenfe que nous cherchons à venger, eft une fœur féduite & enlevée d'un couvent, & que l'auteur de cette offense eft un Dom Juan Tenorio, fils de Dom Louis Tenorio. Nous le cherchons depuis quelques jours, & nous l'avons fuivi ce matin fur le rapport d'un valet, qui nous a dit qu'il fortoit à cheval, accompagné de quatre ou cinq, & qu'il avoit pris le long de cette côte ; mais tous nos foins ont été inutiles, & nous n'avons pû découvrir ce qu'il eft devenu.

D. JUAN.

Le connoiffez-vous, Monfieur, ce Dom Juan dont vous parlez ?

D. CARLO S.

Non, quant à moi. Je ne l'ai jamais vû, & je l'ai

feulement ouï dépeindre à mon frere; mais la renommée n'en dit pas force bien, & c'est un homme dont la vie...

D. JUAN.

'Arrêtez, Monfieur, s'il vous plaît. Il est un peu de mes amis, & ce feroit à moi une espèce de lâcheté, que d'en ouir dire du mal.

D. CARLOS.

Pour l'amour de vous, Monfieur, je n'en dirai rien du tout. C'est bien la moindre chofe que je vous doive, après m'avoir sauvé la vie, que de me taire devant vous d'un perfonne que vous connoiffez, lorfque je ne puis en parler fans en dire du mal; mais, quelque ami que vous lui foyez, j'ofe efpérer que vous n'approuverez pas fon action, & ne trouverez pas étrange que nous cherchions d'en prendre vengeance.

D. JUAN.

'Au contraire, je vous y veux fervir, & vous épargner des foins inutiles. Je fuis ami de Dom Juan je ne puis pas m'en empêcher; mais il n'est pas raifonnable qu'il offenfe impunément des gentilshommes, & je m'engage à vous faire faire raison par luï, D. CARLO S.

Et quelle raifon peut-on faire à ces fortes d'injures? D. JUAN.

Toute celle que votre honneur peut fouhaiter ; &, fans vous donner la peine de chercher Dom Juan davantage, je m'oblige à le faire trouver au lieu que vous voudrez, & quand il vous plaira.

D. CARLOS.

Cet efpoir eft bien doux, Monfieur, à des cœurs offenfés; mais, après ce que je vous dois, ce me feroit une trop fenfible douleur, que vous fuffiez de la partie.

D.

D. JUAN.

Je fuis fi attaché à Dom Juan, qu'il ne fauroit se battre que je ne me batte auffi; mais enfin, j'en répons comme de moi-même, & vous n'avez qu'à dire quand vous voulez qu'il paroiffe, & vous donne fatisfaction.

D. CARLOS.

Que ma destinée eft cruelle ! Faut-il que je vous doive la vie, & que Dom Juan foit de vos amis !

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DOM ALONSE, DOM CARLOS, DOM JUAN, SGANARELLE.

D. ALONSE parlant à ceux de fa fuite, fans voir

F

Dom Carlos ni Dom Juan.

Aites boire là mes chevaux, & qu'on les améne après nous, je veux un peu marcher à pied. (les apercevant tous deux.)

O ciel! Que vois-je ici ? Quoi, mon frere, vous voilà avec notre ennemi mortel?

D. CARLOS.

Notre ennemi mortel?

D. JUAN mettant la main fur la garde de fon

épée.

Oui, je fuis Dom Juan, & l'avantage du nombre ne m'obligera pas à vouloir déguiser mon no n. D. ALÓNS E mettant l'épée à la main,

Ah! Traître, il faut que tu périffes, &.. (Sganarelle court fe cacher.)

D. CARLOS.

Ah! Mon frere, arrêtez. Je lui fuis redevable de la

Tome III.

Dd

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