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de Montemart (1) et le colonel de Gondreville (2). Sera-ce à l'épée? Au pistolet? Au pistolet sans doute, comme dans le Mariage de raison:

A trente pas l'un sur l'autre on s'avance.....

LE GÉNÉRAL HUSSON.

Ce sera au sabre, Monsieur.

M. THIERS.

Au sabre! diavolo! (Il fredonne en regardant le général Husson :)

Oui, j'en conviens, toute l'armée

Ne compte pas deux guerriers tels que lui (5).

(Le général Husson roule des yeux terribles).

M. SAINTE-BEUVE.

Calmez-vous, général; ne prolongez pas ce regrettable incident. (A M. Janin.) J'abrégerai, Monsieur, ce que j'avais encore à vous dire. Arrivons au XVIIIe siècle. Après avoir rappelé que Piron trouva dans le Mercure de France l'idée première de la Métromanie: « Le poète Desforges, continuez-vous, pour être lu avec plus d'intérêt, avait inséré dans le susdit journal des vers de sa façon, sous le pseudonyme de Mlle Malcrais Delvigne. Desforges eut un grand succès sous cette

(1) Mémoires d'un Colonel de Hussards, par M. Scribe.

(2) Le Colonel, par le même.

(3) Le Colonel, par le même.

cornette enrubannée. Voltaire lui-même avait été pris, tout comme un autre, à cette plaisanterie d'une jolie fille faisant des vers. On sut, plus tard, que Mlle Malcrais Delvigne n'était autre que M. Desforges. Il a publié, ce Desforges, un livre obscène, intitulé: Le Poète. » Ici encore, la confusion est complète. Ce Desforges, l'auteur du Poète, à qui l'on doit aussi deux comédies qui réussirent Tom Jones à Londres et la Femme jalouse, est né à Paris, en 1746. Les vers de Mlle Malcrais de la Vigne, et non Malcrais Delvigne, étaient déjà vieux de dix ans et plus, ayant paru dans le Mercure dès 1732. Ils avaient pour auteur Desforges-Maillard, né au Croisic, en 1699, homme fort estimable, de mœurs aussi honnêtes que son talent, et qui mérite de n'être pas confondu avec l'auteur éhonté d'un livre infâme. Vous avez écrit une notice sur Crébillon fils, et raconté comment il se maria avec une jeune Anglaise : « C'était une jeune personne, jolie, riche et de bonne maison, qui s'était prise de belle passion. pour les Egarements du cœur et de l'esprit. Elle donna sa main et sa fortune à Jolyot de Crébillon fils, et lorsque vint 93, il eut le bonheur de sauver sa femme, sa fortune, et de se sauver lui-même (1). » Ce bonheur de Crébillon fils tenait en effet du prodige, car en 1793 sa femme était morte depuis

(1) Dictionnaire de la Conversation, t. XVIII, p. 145.

trente-deux ans, depuis 1761! Quant à lui, il n'était mort que depuis seize ans, depuis le 12 avril 1777. - Il semble qu'il eût dû vous être facile, quand vous parlez des écrivains du XIXe siècle, d'éviter les erreurs il n'en a rien été. Ici, vous faites vivre en 1829 Marie-Joseph Chénier, mort en 1811 (1) ; là, vous faites naître après la Terreur (2) Lamartine, né au mois d'octobre 1791. - Vous consacrez un volume presque tout entier à Mademoiselle Mars, et vous placez sa représentation de retraite au 18 avril 1841 (3); elle eut lieu, non le 18 avril, mais le 31 mars.

M. SAINT-MARC GIRARDIN.

D'accord; je vous ferai seulement observer, Monsieur Sainte-Beuve, que mon ami Jules Janin ne s'est jamais piqué d'être un grand clerc; qu'il n'a guère visé, en aucune rencontre, à l'exactitude, et qu'il comparait assez volontiers ses feuilletons à ces flambeaux qui brillent un matin, et le soir ne sont plus que cendres: elapsam in cineres facem. C'est vous, au contraire, qui avez écrit : « Les histoires littéraires veulent des dates précises (“) » Or, chez vous aussi, les dates laissent parfois à désirer. Vous reprochez à Jules Janin de s'être trompé sur la date de la naissance de Lamartine et

(1) Histoire de la Littérature dramatique, III, 214.

(2) Op. cit., IV, p. 301.

(3) Op. cit., II, 420.

(4) Journal des Savants, février 1868.

vous-même le faites naître « en octobre 1791 (1). >> Il est né en 1790 (2). Mais voici qui est plus grave. Dans votre étude sur Ampère, vous parlez de «< cette année 1819 où Lamartine se révélait par ses premières Méditations (3). » Les Méditations poétiques sont de 1820. C'est là une de ces dates mémorables sur lesquelles l'erreur n'est pas permise.

Vous placez la naissance de Villemain vers la fin de 91, ou au commencement de 92; (*) tandis qu'il est né le 10 juin 1790. Vous dites qu'il fut nommé professeur d'éloquence à la Faculté des lettres en 1816 sa nomination est du 23 novembre 1815. Son Histoire de Cromwell, publiée, suivant vous, en 1820, a paru au mois de mars 1819. Enfin, il avait trente-et-un ans, lorsqu'il remplaça M. de Fontanes à l'Académie, et non vingt-neuf ans, comme le portent toutes les éditions de vos Portraits contemporains. Dans l'article sur l'Académie française, publié au tome XII de vos Nouveaux lundis, vous placez en l'année 1812 la nomination de Châteaubriand en remplacement de Marie-Joseph Chénier. Châteaubriand fut élu le 20 février 1811. Tout à l'heure vous avez omis de signaler une erreur commise par M. Jules Janin, en vingt endroits de son Histoire de la Littéra

(1) Portraits contemporains, I, p. 287. Edition de 1869.
(2) Voy. Mémoires inédits de Lamartine, (1790-1815.)
(3) Revue des Deux Mondes, 1 septembre 1868.

(4) Portraits contemporains, I, P. 468.

ture dramatique, il y répète, en effet, à tout propos, et même souvent hors de propos, que Châteaubriand appela un jour Victor Hugo un enfant sublime. C'est vous qui avez imprimé le premier que ce mot de Châteaubriand se pouvait lire dans une note du Conserateur (1). J'ai parcouru avec soin les six volumes de ce journal : la note à laquelle vous renvoyez n'existe pas. Et puisque nous sommes sur le chapitre de Victor Hugo, je rappellerai que c'est encore vous qui avez mis en circulation une anecdote relative au Concours de poésie de l'année 1817, et qui a été répétée depuis par tous les biographes de l'auteur des Odes et ballades. D'après vous (3), l'Académie, frappée de la gravité et de la beauté des vers du jeune poète, allait leur accorder le prix, lorsque plusieurs membres firent observer que le candidat, en se donnant trois lustres seulement, s'était moqué de ses juges; il méritait une leçon: on décida que sa pièce ne serait pas couronnée. « Tout ceci, ajoutez-vous, fut exposé dans le rapport prononcé en séance publique, par M. Raynouard. Un des amis de Victor Hugo, qui assistait à la séance, courut à la pension Cordier, avertir le quasi lauréat, qui était en train d'une partie de barres, et ne songeait plus à sa pièce.

(1) Sainte-Beuve, Biographies des Contemporains et Portraits littéraires, p. 321.

(2) Revue des Deux Mondes, tome III, 1831.

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