Images de page
PDF
ePub

voit contemplé à loifir ces grands modèles de beauté & de perfection, qu'on ne peut voir qu'en elle, mais qu'elle ne laiffe voir qu'à fes Favoris. Il l'admiroit fur tout dans les Ouvrages d'Homere, où elle s'eft confervée avec toute la fimplicité, & pour ainsi dire, avec toute l'innocence des premiers tems; & où elle eft d'autant plus belle, qu'elle affecte moins de le paroître.

Il ne s'agit point ici de renouveller la fameufe guerre des Anciens & des Modernes, où Monfieur Despréaux combattit avec tant de fuccès en faveur de ce grand Poëte.

Il faut esperer que ceux qui fe font fait une fauffe gloire de refifter aux traits du défenfeur d'Homère, fe feront honneur de ceder aux graces d'une nouvelle Traduction *, qui le faifant connoître à ceux même à qui fa Langue eft inconnue, fait mieux fon éloge que tout ce qu'on pourroit écrire pour la défenfe. Chef-d'oeuvre véritablement digne d'être loué dans le Sanc tuaire des Mufes, & honoré de l'aprobation de ceux qui y font affis..

Mais c'eft en vain qu'un Auteur choifit le Vrai pour modèle. Il eft toûjours sujet à s'égarer, s'il ne prend auffi la Raison pour guide.

Monfieur Despréaux ne la perdit jamais de vie: & lors que pour la venger de tant de mauvais Livres, où elle étoit cruellement maltrai tée, il entreprit de faire des Satires, elle lui apprit à éviter les excès de ceux qui en avoient fait avant lui.

Juvenal, & quelquefois Horace même, (a

Traduction de Madame Dacier,

vouons

vouons-le de bonne-foi) avoient attaqué les vices de leur tems avec des armes qui faifoient rougir la Vertu.

Regnier, peut-être en cela feul, fidèle Difciple de ces dangereux Maîtres, devoit à cette honteufe licence une partie de fa réputation; & il fembloit alors que l'obfcenité fût un fel abfolument neceffaire à la Satire; comme on s'eft imaginé depuis, que l'amour devoit être le fondement, & pour ainfi dire, l'ame de toutes les Pièces de Théatre.

Monfieur Despréaux fut méprifer de fi mauvais exemples dans les mêmes Ouvrages qu'il admiroit d'ailleurs. Il ofa le premier faire voir aux hommes une Satire fage & modefte. "Il ne l'orna que de ces graces auftères, qui font celles de la Vertu même; travaillant fans ceffe à rendre fa vie encore plus pure que fes Ecrits, il fit voir que l'amour du Vrai, conduit par la Raifon, ne fait pas moins l'Homme de bien que l'excellent Poëte.

Incapable de déguisement dans fes mœurs, comme d'affectation dans fes Ouvrages, il s'eft toûjours montré tel qu'il étoit ; aimant mieux, difoit-il, laiffer voir de véritables défauts, que de les couvrir par de fauffes vertus.

Tout ce qui choquoit la Raifon ou la Vérité, excitoit en lui un chagrin, dont il n'étoit pas maître, & auquel peut-être fommesnous redevables de fes plus ingenieufes compofitions. Mais en attaquant les défauts des Ecrivains, il a toûjours épargné leurs › përfonnes.

Il croïoit qu'il eft permis à tout homme qui fait parler ou écrire, de cenfurer publique

quement un mauvais Livre, que for Auteur n'a pas craint de rendre public; mais il ne regardoit qu'avec horreur ces dangereux enne mis du Genre humain, qui fans refpect ni pour l'amitié, ni pour la Vérité même, déchirent indifferemment tout ce qui s'offre à l'imagination de ces fortes de gens, & qui du fond des ténèbres, qui les derobent à la rigueur des Loix, fe font un jeu cruel de publier les fautes les plus cachées, & de noircir les actions les plus innocentes.

[ocr errors]

Ces fentimens de probité & d'humanité n'étoient pas dans Monfieur Despréaux des vertus purement civiles. Ils avoient leur principe dans un amour fincère pour la Religion qui paroiffoit dans toutes les actions, & dans toutes fes paroles; mais qui prenoit encore de nouvelles forces, comme il arrivé à tous les hommes, dans les occafions où ils fe trouvoient conformes à fon humeur & à fon genie.

C'eft ce qui l'animoit fi vivement contre un certain Genre de Poëfie où la Religion lui paroifoit particulierement offenfée.

Quoi, difoit-il à fes Amis, des maximes, qui feroient horreur dans le langage ordinaire, fe produifent impunément dès qu'elles font mifes en Vers! Elles montent fur le Theatre à la faveur de la Mufique, & y parlent plus haut que nos Loix. C'eft peu d'y étaler ces Exemples qui inftruisent à pécher, & qui ont été déteftez par les Païens même. On en fait aujourd'hui des confeils, & même des préceptes : & loin de fonger à rendre utiles les divertiffemens publics, on af

fecte

ILVI ELOGE DE MR. DESPRE AUX.

fecte de les rendre criminels. Voilà dequoi il étoit continuellement occupé, & dont il eût voulu pouvoir faire l'unique objet de toutes fes Satires.

Heureux d'avoir pû d'une même main imprimer un opprobre éternel à des Ouvrages fi contraires aux bonnes mœurs: & donner à la Vertu, en la perfonne de notre augufte Monarque, des louanges qui ne périront jamais.

TABLE

« PrécédentContinuer »