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HISTOIRE

DE LA

RÉVOLUTION

FRANÇAISE.

PRÉAMBULE.

L'histoire ne commence et ne finit nulle part. Les faits dont se compose le train du monde présentent tant de confusion et ont entre eux des affinités si obscures, qu'il n'est pas d'événement dont on puisse marquer avec certitude soit la cause première, soit l'aboutissement suprême. Le commencement et la fin sont en Dieu, c'est-àdire dans l'inconnu. Comment donc fixer le vrai point de départ de cette Révolution française, issue des plus lointains soulèvements de l'esprit, et qui semble avoir contenu toute chose dans ses profondeurs? Aussi n'ai-je pas fait dessein d'embrasser complétement ce qu'un pareil sujet rappelle ou comporte. Même tel que mon insuffiRÉVOLUTION FRançaise. 1.

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sance le conçoit et le mesure, il m'apparaft immense. Et quelle formidable, quelle sanglante histoire!... Mais, loin de nous consterner, que ces souvenirs de deuil nous rassurent! Si la partie intellectuelle de l'œuvre à accomplir nous est désormais réservée, c'est parce que les hommes de la Révolution en ont pris pour eux la partie funeste. Cette mansuétude de mœurs au nom de laquelle nous avons souffert qu'on voilât leurs statues, cœurs pusillanimes et ingrats que nous sommes, ce sont eux qui nous l'ont rendue facile, par les obstacles qu'ils ont affrontés à notre place et surmontés pour notre compte, par les combats dont ils nous ont dispensés en y périssant. Leurs violences nous ont légué ainsi des destinées tranquilles. Ils ont épuisé l'épouvante, épuisé la peine de mort; et la terreur, par son excès même, est devenue impossible à jamais.

A son début, la Révolution n'eut rien de sinistre. Ce ne furent, d'abord, que transports de joie couvrant les agitations de la place publique et saluant les lois nouvelles. Mais quelle est cette Assemblée qui se forme dans l'orage? Les hommes qui la composent représentent toutes les forces et tous les intérêts de l'humanité, ses ressentiments, ses douleurs, ses espérances. Que veulentils? Venger le monde et le refaire. Cependant, que d'obstacles et quels dangers! Dès leurs premiers pas, ils sont au plus épais des trahisons et des complots. Du fond de ses campagnes émues, du fond de ses villes soulevées, la France leur envoie, mêlés à des hymnes d'enthousiasme, des avertissements et des clameurs de guerre civile. L'Europe, qu'ils épouvantent, n'est plus qu'une grande

ligue formée contre eux et qui va les envelopper de son mouvement. Mais, loin de redouter les tempêtes, ils les provoquent ; ils les veulent mortelles. Maîtres de la vie d'un roi qu'ils peuvent dégrader en lui faisant grâce, ils l'aimeraient mieux avili que mort; mais, pour que reculer leur devienne impossible, il leur faut des périls prodigieux, des ennemis rendus implacables, et la certitude d'être exterminés s'ils n'exterminent. C'est pour cela qu'ils frappent le roi captif, et ils le frappent en le dédaignant. Alors éclate leur puissant délire. A la lueur des châteaux incendiés, au bruit du tocsin des hôtels de ville et du tambour qui bat la révolte, au bruit du canon ennemi qui a passé la frontière et qui approche, pendant qu'une multitude furieuse entoure l'Assemblée, agitant des piques et hurlant aux portes, eux, calmes et violents, ils se préparent à écraser tout; et les voilà qui délibèrent dans le mugissement du peuple. Leur secret pour sauver la France est de la croire sublime et de le lui dire. Les vieillards iront sur les places publiques encourager les combattants; les enfants et les femmes assisteront les blessés ; le travail de la nation sera de forger des épées, de fondre des canons, d'aiguiser le fer des lances. Le territoire est un camp, la patrie un soldat; et contre les ennemis du dedans, on a des juges au cœur d'airain, et le couteau, sans cesse levé, de l'exécuteur.

Ainsi parlent ces hommes terribles; et, ordonnant la victoire par un décret, ils poussent un million de républicains à la frontière. Aussitôt, l'ennemi rejeté par delà nos montagnes et nos fleuves, l'Europe est envahie à son tour, couverte de confusion, inondée de sang, et marquée à

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