PREFACE
E fujet de cette histoire est la ville de Paris, & tout ce qui s'y est
paffé de confiderable depuis fon origine jusqu'à present. L'objet est
un des plus grands qu'un efcrivain puiffe fe propofer. Paris, d'une
estenduë' très-bornée dans fes commencemens, occupe enfin un si vaste espace
de terrain, qu'il y a peu de villes dans le reste de l'univers qu'on puisse lui com-
parer; & le nombre de ses habitans eft fi confiderable, qu'il surpasse celui de
plufieurs provinces de la France mefine, l'un des eftats du monde le plus peu-
plé. Cette ville fi grande, & dont les habitans sont si nombreux, est avec cela
comme le centre de la monarchie, & la capitale du royaume, & a fervi de
theatre à tous les plus celebres évenemens qu'on ait veus dans la fuite de plus
de dix-sept siecles. Un tel objet meritoit d'avoir un historien qui rendist compte
au public des moiens & des degrez par lefquels la ville eft parvenue à cet estat
defplendeur & de dignité ; de ses differens accroiffemens, de ses revolutions, de
fon eftat de fiecle en fiecle, & des évenemens où elle a concouru, ou defquels
elle n'a efté feulement que fpectatrice. Après les essais de Corrozet & de Bonne-
fons, qui n'avoient touché que fuperficiellement la matiere, le pere du Breul,
religieux de l'abbaye de S. Germain des Prez, dans un âge fort avancé, avoit re-
cherché avec un foin laborieux les antiquitez de la ville; le fieur le Maire, après
lui, s'eftoit auffi appliqué à reprefenter Paris ancien & nouveau d'une maniere in-
structive, qui joignoit utilement le moderne à l'ancien. Le fieur Germain Bri-
plus brillant & plus actif que les deux autres, donnoit chaque jour un
nouveau luftre à la capitale du royaume par ses descriptions si souvent réim-
primées ; & le commissaire la Mare en defcrivoit la police d'une maniere sça-
vante avec des recherches remplies d'érudition. Tout cela n'eftoit point l'his
toire de la ville de Paris. Les Annales de Malingre auroient pu meriter ce
nom s'il les avoit escrites auffi noblement que le fujet le demandoit ; & d'ail-
leurs fon ouvrage n'ayant efté pouffé que jusqu'à l'an 1640. n'a pú instruire
le public de ce qu'il y avoit encore à dire des tems pofterieurs, qui ne font
pas les moins intereffans pour la gloire de la capitale du royaume.
Monfieur Bignon conseiller d'eftat ordinaire, prevost des marchands, anîmé d'un louable zèle pour l'honneur de fa patrie, & de l'exemple de ses pe res, à qui les lettres ont des obligations fi effentielles, emploia l'autorité que fon rang, fon merite, & l'amour du public lui donnoient dans la ville, pour la
