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PENDANT L'ANNÉE 1797-

PAR M. PELTIER.

VOL. XV.

HANC ASPICE GENTEM,

ROMANOSQUE TUOS.

Ca Londres

DE L'IMPRIMERIE DE T. BAYLIS, GREVILLE-STREET,

Et se vend chez M. PELTIER, No. 231.

Piccadilly.

1797.

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PENDANT L'ANNÉE 1797.

No. CXXXI.
Publié le Mardi 5 Septembre.

INTRODUCTION.

La lutte qui s'est élevée tout-à-coup entre le directoire exécutif & le corps législatif, les démarches hostiles des généraux d'armée contre le parti modéré qui dit vouloir le rétablissement de l'ordre en France, l'embarras toujours croissant des finances de la république, les messages menaçans que se sont envoyé respectivement les deux pouvoirs rivaux, la suspension des négociations de paix pendant cette discussion; voilà les principaux objets qui ont fixé l'attention publique pendant les mois de Juillet & d'Août dernier. C'est encore sous les auspices de ces menaces, de ces terreurs réciproques, de cette pénurie & de ces incertitudes, que s'est ouvert le mois de Septembre; & le Parisien toujours inconstant, toujours léger, semble au milieu de ce. fracas politique, avoir oublié tous ses malheurs passés, &. ceux que lui préparent encore les hommes de sang qui arri vent de toutes parts dans la capitale, pour ne s'occuper que de danses, de bals champêtres, de parures, de glaces, de sorbets & de feux d'artifice.

La lutte qui devait avoir lieu cette année entre les deux pouvoirs, avait été prédite avec autant d'énergie que de vérité, par Adrien Lezai, dès le mois de Septembre dernier, dans son fameux morceau: Sur les causes secrettes qui influaient alors sur les résolutions publiques.

"Une révolution qui changera toute la face des affaires "doit bientôt s'opérer, disait-il: révolution si prodigieuse " qu'on

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"qu'on aurait lieu de s'étonner beaucoup si les uns ne fai"saient pas tout pour la prévenir, les autres tout pour em"pêcher qu'elle ne soit prévenue.

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"Tout ce qui est puissance aujourd'hui, sera minorité "alors; l'oppresseur, s'il y en a, devenu le plus faible, l'opprimé passera à la place de l'oppresseur.... Tous se sou"venant, les uns de l'oppression qu'ils ont subie, les autres de "celle qu'ils ont fait subir, chacun voudra le pouvoir, celui"ci pour y mettre à couvert ses crimes, celui-là pour s'en "mettre à l'abri, en sorte qu'opprimé & oppresseur, tous y aspireront comme asyle....

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"Une maxime fondamentale de toute constitution où le pouvoir exécutif est électif, est qu'il ne peut se soutenir, "si la majorité du corps législatif est contre lui.

"Que s'ensuit-il de la Que le directoire d'aujourd'hui "ne pourrait se soutenir sous la nouvelle législature, s'il "avait contre lui sa majorité.

"Qu'en conclure? Que pour se soutenir alors, il doit " dès ce moment s'assurer de cette majorité prendre son "esprit, &c. &c."

On ne saurait trop relire ce morceau dans les circonstances actuelles. Adrien Lézai traçait au directoire la ligne de conduite qu'il croyait qu'il avait à suivre, pour effacer le souvenir du passé. Le directoire, ou pour mieux dire, le triumvirat qui en constitue la majorité, n'en a tenu nul compte. Loin de prendre l'esprit de la législature, il ne s'occupe maintenant qu'à la contrarier, à la menacer, à Firriter, & à la porter à des démarches offensives. Il paraît s'embarrasser assez peu, & du passé, & de l'avenir. Le présent est tout pour lui, comme l'a très-bien dit Richer-Sérizy.

La conduite du directoire est une conséquencé naturelle de sa position. Il renferme dans son sein quatre régicides qui sentent fort bien qu'il est impossible pour eux, d'effacer le souvenir du passé, & que tous ceux qui lui disent qu'il le peut, sont de mauvaise foi. Placés entre les royalistes qui ne peuvent pas leur pardonner, & les anarchistes qui les menacent de venger Babœuf & l'affaire de Grenelle, ils doivent encore faire pencher la balance en faveur de ces derniers, parce qu'avec eux ils peuvent avoir quelque chance d'échapper; & qu'après tout, la certitude de périr de leurs mains fat-elle démontrée, ils aimeraient encore mieux périr massacrés dans une insurrection, que sur un échafaud, de la main du bourreau.

Cette

Cette conduite da directoire, toute coupable qu'elle est, tire cependant une sorte de lustre de l'audace qui la caractérise. Braver ainsi un corps dont les décrets ont été, depuis 8 ans, des oracles de toute puissance, indique une énergie qui, même dans des brigands, excite toujours quelque intérêt.

Si tout ce qu'il y a d'honnête au monde désire que l'avantage reste aux conseils dans cette lutte, d'an autre côté on ne peut que gémir de leur pusillanimité, & de l'esprit de division. qui regne entre leurs membres. Personne ne s'entend parmi eux. L'insouciance & la lâcheté sont à l'ordinaire le trait caractéristique de la majeure partie des législateurs nou

veaux.

Que l'on interroge les voyageurs arrivant de Paris, ils vous apprendront que la plupart de ces hommes nouveaux sur lesquels on fonde tant d'espérances, n'arrivent aux conseils qu'à la fin de la séance, s'y tiennent sans dignité, `y baillent nonchalamment sur leurs sieges, & soupirent après le moment où ils pourront aller jouer au trente & un leurs myriagrammes, au tripôt que l'un d'eux, Gérard-Desrivieres, tient dans un coin du jardin de Tivoli.

Que l'on interroge leurs rapports & leurs actes, au travers de quelques bonnes intentions on remarquera une foule de traits pitoyables. Dans la discussion de la déclaration à exiger des prêtres, on trouve surtout un exemple frappant de maladresse & de mauvais vouloir. De maladresse, dans le président Henri-Lariviere qui mit à l'appel nominal, une question décidée la veille par deux épreuves successives; de mauvaise volonté, dans une foule de membres des nouveaux tiers qui ne votant plas alors sous les yeux du public, & n'ayant à voter que selon leur conscience, se livrerent, avec la confiance qui naît du secret, à la haîne des prêtres qui les dévore, & composerent ainsi une majorité au vœu des anciens conventionnels.

Ailleurs, on voit Picbegru lui-même, ce Picbegru que l'opinion publique entoure d'une auréole si resplendissante, ce Picbegru que tous les petits Cicérons modernes appellent le Pompée de la République, plein d'une vanité enfantine, le jour où il est nommé par acclamation président du conseil, aller faire l'exhibition de sa personne dans tous les lieux publics, spectacles, jardins & caffés; & lorsqu'il est chargé de faire un rapport sur la marche des troupes contre Paris, il semble ne pouvoir oublier qu'il fut un des généraux de St. Just, lorsqu'il y dit aux soldats : « gardez-vous de croire

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