Images de page
PDF
ePub

BIBLIOTHEQUE

DES ROMANS,

DANS laquelle on donne l'analyse raisonnée des
Romans anciens et modernes, français, ou
traduits dans notre langue, avec des Anecdotes
et des Notices historiques et critiques, concer-
nant leurs auteurs ou leurs ouvrages; ainsi que
les mœurs, les usages du tems, les circons-
tances particulières et relatives, et les person-
nages connus, déguisés ou emblématiques.

PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES.

TROISIÈME ANNEE.

TOME

SECOND.

A PARIS,

Chez MARADAN, Libraire, rue Pavée-
Saint-André-des-Arcs, N.o 16.

AN IX.--1800.

[merged small][merged small][ocr errors][merged small]

NOUVELLE.

Au sein de l'Alsace, dans une de nos villes fortifiées, vivait M. Durmont. Né d'une famille honnête et opulente, mais ami du plaisir dans sa jeunesse, il avait dissipé une partie de sa fortune. Il lui en restait encore assez pour songer à se marier; il ne s'occupa sérieusement de cette idée qu'à cinquante ans, épousa une femme de trente-six, et en eut deux enfans; un garçon qui reçut le nom de Paulin, et une fille qui fut appelée Lucie. Madame Durmont avait essayé de nourrir son fils; mais la faiblesse de sa santé l'avait forcée de le confier à un sein étranger. La naissance d'une fille qu'elle desirait vivement, lui fit tenter de nouveau cette douce entreprise, et cette fois, le succès couronha ses efforts.

Les deux enfans s'étaient heureuse

Bed, Rans. 111 ANNÉE. T. 11.

A

7

ment élevés; Paulin avait atteint l'âge de quinze ans, Lucie en avait treize, et c'était le couple le plus aimable qu'il fût possible de rencontrer. M. Durmont s'enorgueillissait à la vue de son fils; madame Durmont ne trouvait rien de comparable à sa fille. Qu'on ne s'imagine pas qu'ils négligeassent l'éducation de deux enfans si chers: sans cesse occupés d'eux, ils ne songeaient au contraire qu'à cultiver les inclinations heureuses dont la nature les avait doués, Paulin avait maîtres de langues, d'armes et d'équitation; Lucie étudiait la musique et le dessin; et leur application, leurs progrès étaient également marqués. Ainsi, tandis que leurs graces et leurs agrémens physiques se dévelopaient de jour en jour, ils acquéraient des talens aimables ou utiles.

M. Durmont recevait peu de monde, sa fortune lui en fesait un devoir; mais il n'était point de société de la ville qui ne s'entretînt de ses enfans, et qui ne voulût jouir du bonheur de les posséder. Qu'on se figure, en effet, des traits nobles et réguliers, un air ou

vert, une élocution facile, des manières agréables, une taille bien prise, et l'on aura le portrait de Paulin: Lucie serait plus difficile à peindre : de grands yeux bleus, bordés de longs cils noirs, une bouche fraîche et vermeille, des cheveux blonds, naturellement bouclés, qui ombrageaient son front et descendaient en longs anneaux sur ses épaules, une peau d'une blancheur éblouissante, une sorte de mélancolie empreinte dans ses traits, un son de voix enchanteur, un maintien plein de grace, un regard doux et timide, enfin, un charme inexprimable répandu sur toute sa personne, voilà ce qu'on admirait dans Lucie. On voyait son frère avec plaisir, on ne pouvait la voir sans un tendre intérêt. On disait de Paulin: Le charmant jeune homme! On disait de Lucie: La céleste créature !

On conçoit aisément le bonheur de M. et de madame Durmont. Combien ils en auraient joui, s'ils ne se fussent aperçus de l'insuffisance de leurs revenus pour soutenir l'éducation de leurs enfans, et faciliter leur entrée dans le

« PrécédentContinuer »