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Critique de ODP31


ODP31
16 février 2020
Le charlatan creuse sa piscine sur le dos de Narcisse.
Avec mon mauvais esprit, je ne risque pas de devenir Happycondriaque.
Les deux auteurs de l'essai Happycratie dissèquent façon légiste la rapide propagation de la tyrannie du bonheur via son bras armé, la psychologie positive.
La psychologie classique s'adressait aux personnes en souffrance, victimes de pathologies. Logique mais marché de niche. La psychologie positive a repeint d'un vernis pseudo scientifique la méthode Coué pour s'imposer aux personnes bien portantes.
Les puristes diront que la pensée positive de ce bon Emile Coué de la Chataignerie, pharmacien de son état, repose sur l'imagination alors que la psychologie positive agit surtout sur la volonté. Néanmoins, elles utilisent les mêmes techniques d'autosuggestion et une certaine forme de placardisation des pensées négatives. Vive l'hémiplégie émotionnelle.
Naguère, le bonheur était une utopie, une promesse de l'au-delà. Depuis que dans nos sociétés occidentales, nous avons pris conscience de notre finitude et que nous avons moins à nous soucier de notre survie, le port de la ceinture du bonheur est obligatoire. Inversons la pyramide de Maslow qui faisait du bonheur un aboutissement de vertus pour en faire un postulat et évitons la page blanche sur Instagram.
Je partage assez le point de vue des auteurs et je trouve que l'individu est beaucoup plus complexe qu'une dichotomie simpliste entre « le bon et le mauvais ». Attention, je ne suis pas contre le bonheur, j'aime bien être tout contre dans certaines situations, loin de moi l'idée d'être un mauvais coucheur... Néanmoins, je développe une certaine allergie à ces techniques placébos qui imposent à la bestiole que je suis de se raconter des histoires et d'être aveuglement positif, résilient et productif. Des acariens souriants. Désolé, je suis attaché à mes idées noires et je n'ai pas envie de vivre dans une publicité pour huiles essentielles.
Les apôtres de la psychologie positive, Martin Selingman en tête, ont inventé une équation qui rend chacun responsable de son propre bonheur. Ainsi, le smile éternel serait issue de 50 % de gênes, 40 % de facteurs psychologiques et 10 % de facteurs extérieurs. Autant dire que l'éducation, le sexe, l'état de santé, la condition sociale, l'âge, l'éducation et l'humeur du jour impacteraient de façon marginale nos émotions. De la roupie de sansonnet bien pratique qui rend l'employé responsable de son licenciement, le malade suspect de sa maladie, l'affamé coupable de la disette et qui hérisse à juste titre le poil du sociologue.
Il est vrai que de prime abord, le bon sens pousse à privilégier une pensée positive à une pensée négative. On ne se fait pas trop de mal à se faire du bien. Mais prétendre que grâce à la position du lotus, un coach de vie et trois tisanes, le positif attire le positif, que les jolies pensées construisent un mur contre l'immigration clandestine des aléas de la vie, nous sommes en droit et en devoir d'être sceptique. Il me semble que les lois de l'attraction aimantaient plutôt les contraires. Plus grave selon l'auteur, ce postulat induirait à contrario que si nous sommes frappés par l'adversité, ce serait la faute de nos seules pensées négatives. On rentre dans l'ésotérisme pour rendre moins insupportable l'injustice du destin et trouver un alibi à la fatalité.
Sur la forme, de construction très académique, cet essai intéressant se prend un peu trop au sérieux et enchaîne les redondances. Un peu d'humour n'aurait pas nui à l'ouvrage et aurait permis d'économiser une bonne centaine de pages.
J'adhère moins à certaines thèses de l'auteur, notamment celle qui associe exclusivement l'émergence de la psychologie positive à l'idéologie néo libérale. Il y a certes une marchandisation du bonheur et il suffit d'observer la pandémie de coachs en tout genre et de livres sur le sujet pour s'en convaincre. Néanmoins, accordons que la pensée positive dans ses mantras se soucie aussi du rapport à l'autre de façon bienveillante et qu'Aristote évoquait déjà l'idéal de bonheur bien avant l'émergence de Wall Street.
Le bonheur n'est pas plus exclusif de l'égalité que de la liberté.
je me sens définitivement plus citoyen que psytoyen.
Happy end

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